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Chronique / 11
05-07-2008
Savoir-faire locaux et auto-suffisance régionale:tout un programme !
 
Choc cuisant de lucidité en ce mois de juin finissant : derrière une fermeture d'usine, quoi d'autre que des drames humains ? C'est déjà  pas mal, me direz-vous, et vous aurez raison. Et que penser de la disparition des savoir-faire locaux ? A arrêter, d'urgence.

Petit cours d'économie sans idéologie : le système économique actuel nous impose des délocalisations et des fermetures d'usines. Certes, on m'objectera avec raison que d'autres usines ouvrent, que d'autres activités se créent. Ce n'est pas faux, mais elles ne génèrent pas autant d'emplois et la question n'est pas de savoir si on a enfin réussi à relocaliser une usine qui était auparavant en Chine. Halte au racisme économique ambiant : on est tous dans le même bâteau et nous sommes tous victimes (je n'aime pas beaucoup ce mot, mais il est parfois nécessaire) du système capitalistique qui joue au jeu de l'oie avec nos vies. Une usine n'est plus rentable ? Eh bien on ferme, en ayant souvent bénéficié au départ de l'aide des collectivités publiques –donc des citoyens avec leurs impôts- qui n'ont rien trouvé de mieux que rentrer dans ce jeu aussi macabre qu'illusoire. Pas de problème : ce n'est qu'une question de main-d'œuvre à recaser : les plans sociaux et l'ANPE s'en chargeront, nous on se casse.

Politique de la terre brûlée au sens premier car on sait désormais que ce système n'est pas viable écologiquement. La mondialisation repose
sur d'énormes flux de transports qui polluent. Avec bonheur, le partenariat entre l'ADEME et Casino, vient d'accoucher d'un étiquetage carbone qui intègre enfin le coût environnemental. On chemine vers le juste prix de nos produits de consommation, un juste prix qui inclut
ce que le système économique dominant –en apparence non-idéologique et apolitique- cachait avec raison.

On parle aussi davantage, depuis quelques années, du coût humain de ces fermetures d'usine. Grâce à des films et à des témoignages dont on ne mesure pas assez la richesse : quand les gens ne se balancent pas de désespoir sans laisser de lettre explicite, on dit souvent que les motifs d'un suicide sont complexes, que la perte d'un emploi ne peut pas tout expliquer. Certes, mais c'est bien commode. La victime n'est plus là pour témoigner. Et que dire de la grande masse des travailleurs qui se reclassent en silence, dans l'urgence de trouver un nouveau job car il y a une famille à nourrir, une carrière à poursuivre, un équilibre à maintenir quoi qu'il arrive ? Cette majorité, on ne l'entend pas car pas le temps, plus envie, on ne sait pas où ils sont passés une fois que tout le monde est dispersé. Bien commode aussi et pas facile le travail des documentaristes pour remettre de l'ordre et de la continuité lorsqu'est intervenu le chaos.

C'est bien que l'on parle plus des drames humains liés aux fermetures d'usine, mais on les présente trop comme des drames individuels. C'est le cancer des siècles derniers et de notre chère civilisation : on ne sait plus où est la société à force de penser individu. Or une usine
qui ferme, une activité qui cesse, c'est un drame collectif car cela est synonyme de la perte irréparable de filières et de savoir-faire
locaux.Et c'est aussi négatif sur le plan économique ; voilà ce que l'on peut ajouter en 2008. Pourquoi ? C'est très simple : à partir du moment où  le scénario le plus probable et le plus souhaitable est la (re)localisation de l'économie, cette disparition des filières et des savoir-faire locaux est une perte de temps, d'argent et d'énergie. Si  c'est pas du raisonnement libéral, ça, je rends ma chemise en coton bio-équitable ! Non seulement c'est faire montre d'une étonnante passivité face à la mondialisation, pour le coup néfaste alors qu'elle peut avoir du bon (échanges de savoir-faire dans l'objectif de  l'auto-suffisance territoriale). Mais en plus, c'est laisser commettre  l'irréparable car une fois que le lien dans la transmission de ces savoir-faire est rompu, il est bien difficile de le rétablir.
Un exemple idiot mais éloquent : beaucoup d'entre nous avaient des arrière-grands-parents ou encore des grands-parents agriculteurs ou
jardiniers à leur heure. Combien d'entre nous seraient encore capables  de faire pousser des patates pour subvenir à un besoin vital : manger ? Et quand une usine de fabrication de vélos ferme, comment peut-on sérieusement en réouvrir une pour fabriquer des deux roues électriques ? On le peut toujours, mais pourquoi ce détour ringard par les délocalisations ?

L'une des caractéristiques majeures du système économique actuel est de créer de la dépendance, c'est un fait. Car plus les gens et les
pays sont dépendants, plus ils sont dociles. OK. Mais ce n'est pas une  raison pour l'accepter. A partir du moment où d'une part l'économie va  être dopée par sa conversion à l'écologie (exemple : détergents bio) et d'autre part que cette économie propre sera/doit être locale, il
faut donc : 
1.     Que les citoyens ne soient pas « seulement » acteurs par leurs actes d'achat, même si c'est déjà pas mal car cela donne un signe fort  aux producteurs et tire le marché vers des normes meilleures pour tous. Il faut urgemment cesser de râler chacun enfermé dans sa catégorie socio-professionnelle. Nous formons, jusqu'à nouvel ordre, une société. Elle est avant tout locale. Quand une usine ferme,  mobilisons-nous tous pour notre territoire car c'est notre quotidien et celui de nos enfants qui est en jeu. Quand il y a des élections,
voter pour les candidats ayant cette conscience-là.

2.      Que les collectivités publiques et les élus usent de tout leur sens de la responsabilité et de leurs compétences pour sauver les emplois.  A défaut, sauver la mémoire des savoir-faire et des filières car oublier, c'est s'aliéner durablement. Un travailleur mis sur le carreau doit pouvoir réinvestir immédiatement son savoir-faire dans des produits fabriqués ici suivant les critères du développement durable. Par son activité, il transmettra son savoir-faire à d'autres  et le lien sera maintenu malgré les difficultés. Les collectivités publiques doivent ainsi être très attentives au devenir des  travailleurs sur leur territoire lorsqu'une usine ferme.A défaut, il ne faut pas que les politiques cèdent au diktat de  l'économie : il faudrait un conservatoire et un inventaire des ressources et des métiers par région, pour ne pas perdre ce qui est
acquis et pour pouvoir s'y référer lorsque de toute façon des usines réouvriront ici. Si on arrive à aller tous dans ce sens, il y a fort à parier que « les forces invisibles du marché » seront domestiquées à notre avantage.

Sur ces considérations encourageantes, je vous quitte temporairement :pas de fermeture de la filière et du savoir-faire LocoBio en vue !
 

Yolaine de LocoBio, 29 juin 2008

 
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