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Cogitations et actions
Chronique 173
28-10-2023

 

Chronique 173

 

Vive la Transition, haro sur le gaspillage alimentaire !

  

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On le sait,  assurer la transition vers une économie plus durable, c'est-à-dire dire décarbonée, est une priorité, pour ne pas dire LA priorité. En ces temps de dispersion et de déception record liée aux guerres, aux attentats, à la récupération d'une peur et d'une colère légitimes par des acteurs politiques irresponsables, à une recherche tournée qui vers des solutions hors-sol en matière d'agriculture qui carrément vers la conquête spatiale... il n'est pas inutile de le répéter pour la énièèmmme fois. Alors comment agir ? Plusieurs secteurs sont émetteurs de ces gaz à effet de serre qu'il faut impérativement, drastiquement et vite vite vite réduire car ce sont eux qui sont -donc les activités humaines sont- responsables d'un mortel réchauffement climatique. Au passage, quand je dis « mortel », ce n'est pas seulement pour l'espèce humaine qui après tout n'aurait que ce qu'elle mérite; cela inclut tous les êtres vivants d'une planète bien vivante depuis bien longtemps, qui en abrite des règnes et des espèces qui n'ont rien demandé, que l'on exploite ou au mieux impacte et vis-à-vis desquels nous avons une responsabilité majeure, pour ne pas dire LA responsabilité fondement de notre humanité. Cela dit, que faire concrètement, à sa petite échelle, sachant comme vous le savez déjà aussi que je suis contre une hyper-responsabilisation des individus tant les institutions et des organismes comme les entreprises ont une partition notoire à jouer ? Eh bien il faut progresser en prenant secteur par secteur et envisager quoi de possible suivant l'empreinte carbone de chacun. Ainsi, à partir du moment où notre alimentation représente près du quart de cette empreinte, en 3ème position derrière le transport et le logement, il y a beaucoup à faire dans ce domaine clef pour au moins deux raisons : il concerne des besoins vitaux quotidiens et nous relie sans que l'on en ait une conscience suffisante à tout l'écosystème économique, à tout l'écosystème tout court (agriculteurs, autres animaux, végétaux, cours d'eau, etc...) et donc aux besoins également vitaux des co-habitants de notre planète.. 

A l'intérieur du poste « alimentation », un levier d'action réside dans le gaspillage. On le constate de bout en bout de la chaîne d'approvisionnement, c'est-à-dire des producteurs aux consommateurs en passant par les transformateurs et les distributeurs. Cela semble assez incroyable pour une espèce se disant évoluée, écrasant tout sur son passage au nom de cette prétendue supériorité et surtout dans des pays la ramenant parce que se disant « développés ». Eh oui, des effets d'annonce en matière d'efficacité aux actes réellement efficaces, il y a un monde... le monde qu'on nous a vendu, qui n'est nullement advenu (ni après les «30 Glorieuses » ni après la pandémie) et qui est le monde possible, nous n'avons plus le choix (si tenté qu'on l'ait jamais eu...). Point positif : nous sommes en France, encore en République, avec un droit qui progresse et peut s'avérer progressiste si on en prend la peine. Ainsi, nous pouvons être fiers, cela ne fait pas de mal, d'être un des rares pays qui s'engage par voie juridique pour réduire ce qui est donc définit par la loi de 2020 relative à ce sujet comme « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à un endroit de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée ». Notre agence de l'environnement, autre rareté à l'échelle du globe dont nous pouvons aussi être fiers, l'ADEME donc mène régulièrement des études pour caractériser la répartition de ces pertes. En 1ere position, il y a la phase finale c'est-à-dire nous, qui représente environ 1/3. Vient ensuite la phase initiale, la production, avec un autre petit tiers puis ensuite la transformation (21%) et la distribution (14%). Les chiffres sont affolants car cela représente 30kg/an/personne au foyer... dont 7 kg de déchets alimentaires non consommés et même encore emballés. Inutile de dire qu'outre le scandale moral que cela constitue car derrière toute cette petite comédie il y a des prélèvements sur les ressources naturelles évitables, de la souffrance animale évitable, des pollutions évitables, etc etc d'évitable, il y a aussi moins d'1 milliard de personnes au niveau mondial qui souffrent « tout simplement » de faim, tandis que ce sont plus de 3 milliards de personnes qui subissent l'insécurité alimentaire (= incapacité d'accéder de façon régulière à une alimentation saine et équilibrée). Et tant qu'à en être aux milliards, autant préciser la valeur économique mirobolante du gaspillage en France, estimé à 16 milliards d'euros, aux alentours de 150 euros par an par tête de pomme. Comme on dit, il y a un peu beaucoup des baffes qui se perdent.

 

En résumé, dans ce domaine comme dans tous les autres de ce qui façonne notre vie chaque jour, il va falloir urgemment changer de braquet. Cela est d'autant plus difficile que de solides mauvaises habitudes ont été prises, en un sens chacun a un peu sa petite routine de gaspi. Et celle-ci repose sur des mécanismes, au nombre de 3, mis en évidence par des chercheuses en marketing -pour une fois, cette discipline a eu une autre utilité que de chercher à comment manipuler le consommateur et le faire toujours plus et mal consommer-. Premier facteur : ce qu'elles appellent la « signalisation de l'identité », c'est-à-dire que si les Français gaspillent c'est qu'en amont ils achètent trop par rapport à leurs besoins réels et, en l'occurrence, parce qu'ils sont démesurément attirés par des produits qu'ils trouvent « beaux » et qui donnent d'eux l'image de personnes s'alimentant sainement. Joue aussi le « biais de la diversification naïve » qui va vous rappeler comme à moi certainement bien des épisodes en supermarchés ou autre épicerie bio : face aux étalages, on se dit que oui ça se serait bien d'en manger parce qu'on en mange jamais, qu'on sait que c'est bon pour la santé, pour la planète, nanani nanana. Donc on rêve sa vie... et arrivé.e.s à la maison, la betterave attend trop longtemps au frigo et finit à la poubelle avec des yaourts de chèvre qu'on trouve que finalement non c'est pas possible, ça sent trop fort le lait de chèvre par rapport au lait de vache de d'habitude aseptisé. Le pire, ce sont les pauvres fruits et légumes car ce sont eux qui s'en prennent le plus plein la poire : on capote en les voyant, enfin s'ils sont bien calibrés et reluisants, et tout ça pour finir en ratatouille avortée dans ce qui sera bientôt notre cher compost domestique réglementaire. Et justement, tiens tiens, le 3ème élément qui joue dans la nourriture perdue, c'est « l'effet déculpabilisant du compostage » car on se dit qu'après tout ce n'est pas perdu pour tout le monde, les vers et autres bactéries sauront bien en faire quelque chose et même que pour un peu, avec ce geste de jeter, on contribue au bien-être de la planète via la valorisation des déchets. Donc autant dire que notre cerveau est solidement cablé pour gaspiller, remarquable conversion, étonnante dégradation du chasseur-cueilleur dont nous descendons et que nous ferions bien de réveiller en nous.

 

Alors quoi faire ? L'éternel et lancinante question qui requiert tout d'abord de déguster une bonne grosse cuillère de Nutella ou, mieux, une barre de Toblerone pour se donner du courage (je blague). J'ai choisi de focaliser sur des actions qui allient, comme on dit, écologie et économie, alias « la fin du monde et la fin du mois », ce qui en période d'énième inflation (délices des prix artificiels, du consommateur-dindon de la farce) ne fera de mal à personne... surtout aux jeunes qui, d'après les études, paradoxalement souffrent de plus en plus de précarité alimentaire, sont ultra-sensibles aux enjeux climatiques et sont pour autant ceux qui gaspillent le plus . Voici donc 4 actions possibles :

  • consommer les aliments en limite de date

  • acheter les « frais de la veille »

  • auto-cueillir chez les producteurs

  • se ravitailler en gros

 

Sur le premier item, je recommande vivement de se reporter à l'article très complet « Dates de péremption : mieux se repérer pour moins gaspiller » dont, comme pour d'autres éléments de la présente chronique, je mets les références à la fin. Ce qu'il faut retenir, c'est que les apparences sont trompeuses et, bien sûr il ne faut pas rigoler et faire attention avec certaines denrées comme la viande et les laitages, mais bien souvent on peut consommer plus loin que la date indiquée. A titre personnel, je l'ai remarqué par exemple avec les yaourts nature : moins c'est transformé, mélangé avec des fruits, et plus ça dure en fait beaucoup plus longtemps que ce que l'on croit à force de nous y avoir fait croire et d'avoir tout aseptisé autour de nous. Ce qu'il faut retenir aussi, c'est la tendance de plus en plus à informer par voie d'étiquetage le consommateur sur deux chapitres différents : à partir de quel moment l'aliment perdra de sa saveur et à partir de quel moment il (le consommateur) sera à peu près sûr de finir dans ses toilettes ou aux urgences pour intoxication alimentaire. Le mieux est sans doute de s'imprimer et d'afficher sur le réfrigérateur une liste comme on peut en trouver plein sur le net, comme par exemple celle proposée par Santé magazine : https://www.santemagazine.fr/alimentation/aliments-et-sante/ces-aliments-que-lon-peut-consommer-apres-la-date-de-peremption-170722.

 

Deuxième item : ne pas hésiter à acheter des produits qui étaient frais hier et ne sont plus vendus, voire sont jetés aujourd'hui, car ils ne sont plus « frais ». On pense notamment au pain et aux viennoiseries et, là encore, il y a beaucoup d'a priori. De plus en plus de boulangeries proposent dès le soir des produits parfois même bien emballés pour éviter qu'ils ne sèchent. Franchement, trempés dans une boisson chaude, une bonne tranche de pain ou un bon croissant, on ne voit quasi pas la différence et il faut arrêter de chipoter vu les enjeux. Si jamais votre boulangerie ne réalise pas ce geste simple, peut-être pouvez-vous le lui suggérer car il ne faut pas croire : routine gaspi signifie aussi beaucoup d'indifférence par rapport aux enjeux justement, de sous- et mauvaise information. Quand une idée est bonne, il ne faut pas hésiter à en parler à nos commerçants de proximité qui n'imaginent peut-être même pas que la personne qu'ils ont en face d'eux galère comme eux à finir le mois. Quoi à perdre ? Rien, surtout pas à parler et à demander car on ne sait jamais.

 

3ème piste : se bouger l'arrière-train et se dire que chouette, aujourd'hui je vais chez mon maraîcher qui sans doute propose aussi de jolies petites fraises (là, je parle pour la saison prochaine parce que même si l'été s'est éternisé, jusqu'à preuve du contraire il va falloir attendre la prochaine saison chaude pour les fraises en question). Rien de tel que de cueillir soi-même pour baisser le coût car forcément vu qu'on se transforme en main d'œuvre et... raccourcir un peu plus les circuits courts. Plus de stockage, plus d'emballage en plastique puisque vous aurez pris soin d'apporter vos vieux sachets et cagettes sans oublier le sac en toile de jute dernière tendance. Et plus de lien social, bordel de merde, des visages, on veut des visages et alors rien de tel que d'aller à la ferme pour en voir et parler, ne jamais s'arrêter de parler pour comprendre les contraintes des producteurs, comprendre sa vie tout court et du coup plus le respecter, plus savourer le travail de ceux et celles qui nous nourrissent. Là encore, cette formule d'auto-cueillette s'est développée et rien de mieux que de regarder sur le net en privilégiant bien sûr le proche de chez soi et le biologique. Dans la logique LocoBio bien sûr et toujours:). Cependant, comme les recherches sur la Toile ont un coût énergétique et partant écologique certes maintenu assez secret sinon il y aurait beaucoup de questions à se poser, voici quelques adresses repérées pour les lecteurs du pourtour locobiotesque ie chambérien/savoyard :

 

 

Enfin, sur le chapitre de réaliser à notre échelle des économies d'échelle, rien de mieux que d'acheter en gros et, pour cela, le collectif confirme toute sa valeurcomme en témoigne tous les groupes qui se constituent petit à petit pour acheter groupés. Dans cette perspective, on peut selon où on réside rallier l'association Consommer autrement dans une vallée discrète qui m'est très chère, la Maurienne (http://consommerautrementenmaurienne.fr/). Ou alors s'en inspirer pour lancer comme eux-elles des activités tournant logiquement autour de l'achat groupé, du zéro déchets et pourquoi pas une coopérative autogérée par les membres, premiers concernés. Là encore, l'enjeu va bien au-delà de la consommation et un peu de lien social ne fait pas de mal en ces temps de sur-divisions blindées métaphoriquement ou non.

 

Voilà les ami.e.s, je vous souhaite de rompre avec les vieux schémas qui nous empoisonnent et de mettre en œuvre ce que j'ai pensé comme une contre petite routine anti-gaspi. N'oublions pas que la mise en place de systèmes alimentaires durables, soit équilibrés sur les plans économique, écologique et social, ne se fera pas sans nous. A problèmes structurels, réponses structurelles et, comme il est à la mode de le dire en ce moment : oui, nous faisons partie de la solution. Il ne manquerait plus que ça !

 

Je vous laisse, une fois n'est pas coutume, avec les jolis mots de l'auteur de haïkus Bernard Dujaudy :

« Une pomme

un morceau de pain

et le vent marin ».

 

 

 

Citoyennement vôtre,

©Yolaine de LocoBio,

Octobre 2023



Références utiles :

-https://www.ecologie.gouv.fr/gaspillage-alimentaire

-https://www.oxfamfrance.org/agriculture-et-securite-alimentaire/faim-dans-le-monde-causes-consequences-solutions/

-https://climate.selectra.com/fr/comprendre/date-peremption

 


 
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