Chronique
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Tranquille
et ferme
Amies
terriennes, amis terriens, j'espère que malgré la folie
grandissante vous avez passé un bel été... folie du climat qui
s'emballe, sécheresse démente, incendies, folie des hommes surtout
qui en sont responsables et continuent malgré tout à interdire ici
et là d'arroser les jardins partagés alors que d'autres jouent sans
vergogne au golf ou que d'autres encore disparaissent de leur
fonction présidentielle alors que le pays est à feu et à sang puis
réapparaissent pour nous annoncer « la fin de l'abondance »,
ou que d'autres encore poursuivent une guerre honteuse par-dessus
tout. Du calme et du sang froid, il va assurément en falloir pour
mener à bien ce qui de toute façon, qui que quoi le veuille ou
non : la Transition
Pour
ma part, j'ai lu. Heureusement, pas qu'en lien avec le sujet car
sinon il y aurait de quoi se faire sauter le caisson et tant qu'à
faire je préfère que ce soit les dictateurs et les irresponsables
de toute nature qui le fassent. Moi j'ai mieux à faire, j'ai à
faire d'être utile, eh oui malheureusement c'est une de mes valeurs,
j'aurais parfois bien préféré être une petite Trumpette à me
foutre de tout et à me gaver cyniquement. Donc j'ai lu de la
littérature, ouf un peu d'air, et des revues sérieuses, très
sérieuses, pour faire avancer le chimililibliblik de la Transition.
Heureusement là encore, malgré le sujet pas drôle et dont les
générations antérieures (surtout les boomers) auraient pu nous
dispenser si elles n'avaient pas agi en Trumpettes, j'ai pu trouvé
de beaux textes, des idées et du réconfort. C'est cela que je veux
partager avec vous car j'ai foi, nous allons y arriver :
j'ai foi en nous.
En
fait, il y aurait beaucoup à dire car tant d'information de qualité
est publié, contrairement aux apparences qu'on veut bien cultiver.
Je ne vais pas pouvoir restituer la richesse de l'apport de chacune
des revues que j'ai lues et je m'en excuse auprès d'elles par
avance. C'est déjà pas si mal si je me fais l'écho de leur travail
(moi je suis bénévole:)) et si j'en extrais ce qui peut servir la
noble cause, non ? Une chose est certaine, qui traverse les 8
magazines dont je vais vous entretenir et que je vous conseille de
suivre régulièrement pour ne jamais cesser de vous informer par
vous-même, de ne surtout jamais confondre information et
communication, de ne jamais déléguer cette fonction
informationnelle à quiconque : rien ne se passera si un
changement de paradigme n'a pas lieu. C'est plat, c'est même
presque devenu banal, oui sauf que modifier notre vision du monde,
des autres, de nous-mêmes est la condition sine qua non et nous
sommes au pied du mur. Dit autrement, il y a un cap essentiel à
passer du même type que la Renaissance ou les Lumières et nous
devons absolument le passer pour ensuite, et ensuite seulement, le
décliner en plans d'action, lesquels incluent autant les politiques
publiques que les comportements individuels. Ce changement de
paradigme qui repose non plus sur la prédation généralisée
mais sur un nouveau contrat de société plus équitable et sain
n'est finalement pas compliqué ; il s'agit ni plus ni moins
d'arrêter de faire à autrui ce que nous n'aimerions pas qu'il nous
fasse. Si on avait en tête cette maxime à chaque instant, dans
chacun de nos actes, tout roulerait. Ça s'appelle l'éthique et
ce n'est pas du tout compliqué. C'est juste qu'entre elle et la
majorité d'entre nous, il y a la paresse et des intérêts. Mais
-autre platitude bonne à rappeler- quand on veut on peut, donc si
chacun pense et pratique et n'hésite pas à faire remarquer à son
voisin que non ça, ça ne se fait pas, ou à son élu que ça, ça
serait mieux que ça, eh bien il y aurait un réel mouvement de
masse et on avancerait. Je ne crois pas ou très peu à la
nécessité de construire un discours alternatif, une nouvelle utopie
pour mobiliser les foules. On reproche souvent cela aux « écolos »,
de ne rien proposer de sérieux, de ne pas faire rêver. Et
maintenant, on demande aussi aux écrivains de s'y mettre, de bâtir
un nouveau monde qui fasse rêver. Moi, par ailleurs je suis écrivain
et je dis merde, non, pas question. Je ne démissionne pas du tout
mais chacun son rôle et merde, zut, crotte, qu'est-ce qu'on vient
nous bassiner alors que les vrais responsables ne se mettent pas ce
genre de pression, cassent sans répit la baraque commune et surtout
que les alternatives sont là, déjà existantes et incarnées
principalement au niveau local? Surtout, si chacun pensait et
obligeait ses proches à appliquer la maxime positive du maintenant
ça suffit, ne me fais pas le mal que tu n'aimerais pas que je te
fasse, eh bien il n'y aurait plus de problème. Donc l'éthique
comme fil à plomb est là de même que la Transition déjà
opérationnalisée par nombre d'acteurs qui ne la ramènent pas.
Voilà de quoi aborder sereinement la zone intermédiaire, un peu
grise de tracas, un peu rose de solutions, reflétée par les revues
que voici (pour plus de confort de lecture, j'ai mis les
références exactes et les liens à la fin de ma chronique):
-
Outre
deux articles spécialement intéressants sur les enjeux agricoles
(« Francfort-sur-le-Main : la guerre de l'eau aura bien
lieu", sur le projet de méga-bassines destinées à
l'irrigation comme fuite en avant soutenant le modèle de
production intensif ; « Toulouse : L'étalement
urbain pour seul horizon", sur la bétonnisation qui ravage
terres nourricières, prairies et bois), un article p.15
d'Alternatives Economiques pose la question : « La
bio a-t-il encore la cote ? ». En effet, pour la
première fois depuis 10 ans, ses ventes ont baissé tandis qu'il
représente actuellement encore une toute petite part de marché,
6%. Si cette chute s'inscrit dans le contexte plus global, l'an
dernier, du marché alimentaire, cette donnée est inquiétante car
elle concerne autant la grande distribution que les magasins bio
type Biocoop. Plus inquiétant encore : le rythme des
conversions en bio est désormais quasi inexistant. En revanche,
comme le bio est aussi souvent écoulé en circuit-court
(magasins à la ferme, de producteurs...), là il y a une bonne
nouvelle car la vente directe, elle, a continué de progresser.
Face au fait qu'1/3 des produits bio consommés en France, malgré
tout de plus en plus (6,6% de la consommation totale), sont
importés, la boucle locale apparaît plus que jamais comme la
solution. Que ce soit à titre individuel, en tant
qu'acheteur-bioconsom'acteur ou pourquoi pas porteur de projet, ou
collectivement via la restauration collective. Car à partir du
moment où chacun soutiendra le bio car non ce n'est pas la panacée
mais oui c'est mieux pour la santé et l'environnement (en admettant
que les deux soient distincts...), alors la production augmentera et
de véritables marchés locaux plus sains se structureront. La loi
peut et doit y aider, celle qui oblige à consommer dès cette année
20% dans ce type de restauration, alors que nous sommes actuellement
à 6%.
-
La
remarquable revue La
terre-Engagés pour la nature et l'alimentation
a consacré un dossier entier sur la
hausse faramineuse des prix alimentaires et ses conséquences
dramatiques.
Car on nous parle beaucoup, pour ne pas dire on nous bassine
beaucoup avec le
thème de l'insécurité alimentaire
qui est lié et qui menace effectivement, mais qui fait quoi
exactement à part instrumentaliser en permanence le thème de la
sécurité, le mettre à toutes les sauces et puis passer à autre
chose sans régler les problèmes de fond ? A ce propos, rien
que l'éditorial n'est pas tendre et fixe les
enjeux de lutte
car à un moment donné il ne faut pas s'y tromper. Je cite :
« Selon
la FAO, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture, l'indice mondial des prix des denrées alimentaires a
bondi de 30% ces derniers mois. Ici, le prix du chariot des courses
de la semaine augmente, les privations dans les familles populaires
s'aggravent... En Afrique et au Moyen-Orient notamment, la famine
menace des millions d'enfants, de femmes et d'hommes (…). Derrière
cette hausse historique, il y a des spéculateurs et leur rapacité.
En effet, la FAO montre aussi que, pour l'instant, les stocks de
grains sont à un niveau confortable. Ils sont détenus par de
grands conglomérats privés qui font commerce du grain de blé, du
soja, du maïs, du riz, de moutarde ou d'huile de tournesol. Mais
le marché capitaliste a tellement tout dérégulé que ces quelques
grandes sociétés transnationales, armées et soutenues par de
grands fonds financiers, font la pluie et le beau temps
(…). Et
l'Organisation mondiale du commerce, comme l'Union européenne
pourtant si sourcilleuse sur la "libre-circulation des
marchandises" ne prennent aucune initiative pour empêcher ce
cercle vicieux spéculatif.
Pas plus que les conférences des Nations unies sur le commerce et
le développement (CNUCED).
Seuls la
FAO et le Programme alimentaire mondial,
trop souvent méprisés, tentent de faire entendre leurs voix. La
connivence entre les institutions internationales et les cinq
grandes multinationales qui déterminent le prix de l'alimentation
est criminelle ».
Et
de rappeler ce qui est un leitmotiv des présentes chroniques :
« Il
y a urgence à repenser les systèmes alimentaires mondiaux
comprenant les souverainetés alimentaires des pays, le respect des
cultures vivrières, l'augmentation de l'aide au développement, la
constitution de stocks publics permettant de réguler les prix ».
-
Tiens,
en parlant d'Europe,
elle se fait également bien et légitimement étrier dans l'analyse
d'Inès Trépant dans la dernière livraison de l'Écologiste
(pp.13-16). S'il s'agit bien de soutenir une Europe unie, surtout
dans le contexte géopolitique actuel dont on doit plus que jamais
tirer les enseignements mais aussi parce que c'est une aventure
unique, magnifique, dans notre histoire et à nous de la tirer vers
le haut, il est tout aussi nécessaire de dire les choses quand ça
ne va pas. Or clairement il y a un problème avec la
nouvelle PAC (Politique Agricole Commune)
qui, elle, ne tire pas le modèle agricole intensif et destructeur à
tous points de vue vers le haut. De quoi s'agit-il et pourquoi ?
Là encore, il faut distinguer la comm' du reste, en particulier des
mesures concrètes qui ont, ou pas, une force contraignante. Ainsi,
la Commission claironne l'objectif d'une hausse de 25% des surfaces
cultivées en bio et une baisse de moitié de l'utilisation des
pesticides d'ici 2030. Or seul le texte de la PAC adopté en
décembre dernier se doit d'être appliqué de 2023 à 2027 et c'est
là que les choses se compliquent ou plutôt deviennent très
claires : au train où ça va, vu qui décide vraiment, on n'y
arrivera pas. Les
exigences ne sont ainsi pas assez marquées en matière
d'écoconditionnalité, autant dire les aides publiques (donc nos
impôts) apportées uniquement à qui contribue à ancrer cette
politique dans la Transition.
Cela se traduit donc par la poursuite de travers graves épinglés
de manière répétée notamment par la Cour des comptes européenne
dans de nombreux rapports. L'incohérence des mesures -bien trop
sous influence pour qu'il en soit autrement- est pointée car, par
exemple, d'un côté 100 milliards d'euros sont affectés à
l'action climatique dans la PAC et en même temps le
productivisme agricole n'est pas remis en cause.
Et dans ce domaine, l'élevage,
la consommation de viande excessive par rapport à nos besoins
apportent leur sombre contribution.
L'autrice pointe par ailleurs du doigt les effets de contexte qui
aggravent encore ces déficiences structurelles. En effet, les
acteurs et promoteurs très organisés et mobilisés du modèle
agricole dominant utilisent de manière opportuniste, donc cynique,
le contexte géopolitique actuel. Là encore, il y a les paroles et
les faits, lesquels impliquent jusqu'aux élus
qu 'il ne faut donc pas manquer d'interpeller sur le sujet, à notre
échelle, à la moindre occasion.
Ainsi, « dans
sa récente communication « Préserver la sécurité
alimentaire et renforcer la résilience des systèmes alimentaires »
(mars 2022), la Commission a proposé d'autoriser la remise en
culture de terres mises en jachère pour la production de
l'alimentation humaine et animale. Ce qui revient de
facto
à
suspendre
les exigences de la PAC en matière de biodiversité.
Dans sa Résolution du 24 mars dernier sur la réponse européenne à
la guerre en Ukraine, le Parlement européen a plébiscité cette
proposition. Pire, il propose d'y autoriser
l'épandage des pesticides.
Entres autres mesures proposées par la Commission, qui a reçu son
aval : l'assouplissement des exigences en matière
d'importations d'aliments pour animaux (dont le soja et le maïs
transgéniques ».
-
Le
Un,
remarquable synthèse nourrie chaque semaine de plusieurs regards,
n'a pas manqué, dans son numéro de fin août, d'apporter sa
contribution en mettant une nouvelle fois les pieds dans la plat.
Posant la question « Comment
nourrir la France ? »,
plusieurs voix s'élèvent pour répondre et je prends bien soin de
ne pas choisir les plus militantes et les plus radicales. Car comme
chacun sait, qui est militant est forcément radical... donc
suspect. Je choisis donc de relayer la parole d'un agronome,
personne légitime s'il en est dans un pays où compte plus qui
parle que ce qu'il dit. Il s'agit de Philippe Pointereau, expert des
impacts environnementaux de l'agriculture au sein de l'association
Solagro, coauteur du scénario Afterres 2050 qui fait un état des
lieux et propose une vision prospective pour l'agriculture et
l'alimentation françaises. Je commence par la fin de sa longue
interview car elle fixe à la fois l'urgence, les responsabilités
et la condition d'un changement fertile : « (…)
peut-être
que la guerre en Ukraine va bousculer les choses avec l'envolée des
prix du blé et des oléagineux. Si
nous avions fait d'autres choix, nous n'aurions pas eu à subir ces
impacts. La France peut produire à peu près tout, mais il faut une
volonté politique pour organiser cela à grande échelle,
avec par exemple des contrats pluriannuels pour sécuriser tout le
monde. Nous
n'avons plus le choix »
(p.6). Il pointe une perte de manœuvre dans le domaine agricole du
fait de 3
facteurs sur lesquels il serait bon de vite agir: croissance de
la population, perte massive de terres agricoles et limitation des
rendements par le changement climatique.
Joue aussi le fait de à
quoi servent les dites terres agricoles et là encore, clairement,
il y a un problème lié à la production et à la consommation de
viande.
Cette dernière, toujours d'après la FAO déjà évoquée plus
haut, est 1,4 fois trop élevée, ce qui a un énorme coût
économique puisque des maladies y sont directement reliées. Elle
pose en particulier un problème sur le chapitre de l'eau,
autre élément de durabilité
car « l'irrigation
bénéficie en grande partie au maïs-grain -qui sert à nourrir les
poulets et les porcs- alors qu'il faudrait arroser avant tous les
fruits et légumes »
(p.5). En
tant que consommateur, nous pouvons soutenir ce qu'il liste comme
faisant partie de l'alternative :
concernant la viande, consommer moins mais mieux avec le bio, les
AOC (Appellations d'Origine Contrôlée) et les achats en
circuit-court ; diversifier notre alimentation avec des
protéines d'origine végétale bio et locale, (ré)apprendre à
cuisiner des poissons comme le maquereau ou la sardine, mettre des
algues dans notre assiette, etc... En tout cas, il s'agit bien que
la diversification
alimentaire
soit reflétée dans les champs car le tout n'est pas d'éduquer, il
faut aussi mener des politiques claires qui encouragent cette
diversification dans l'agriculture.
-
Bon,
pour continuer sur la viande qui décidément interpelle en ce
moment, j'ai eu l'agréable surprise de voir que le magazine 60
millions de consommateurs
s'emparait du sujet et de manière plus générale de sujets
« écologiques » pas forcément centraux dans sa ligne
éditoriale initiale (pp.19-23). En même temps, c'est logique :
qui entend informer le consommateur doit être attentif à ses
préoccupations et lui apporter des éléments d'information sinon
la cible est comme qui dirait loupée. Alors d'un côté je suis
contente de cette évolution, que l'on parle des fameux
steaks végétaux
qui font tellement polémique tellement le lobby viandard fait
pression pour garder le monopole de la sémantique (ne serait
« steak » qu'une pièce de viande d'après une vision
assez autocratique), mais d'un autre côté je suis un peu déçue
de leur manque de mise en perspective. Car là encore, pour évaluer
et bien conseiller, tout dépend du cadre. Or en centrant leur
analyse uniquement sur ces produits, ils ne comparent qu'un
échantillon de ceux-ci et en plus ils ne le comparent pas à la
viande. Là où ils ont raison et rejoignent d'ailleurs le chercheur
Anthony Fardet qui, dans l'Ecologiste (pp.17-18) déjà cité, remet
en cause le
Nutriscore
et propose la notation Siga, c'est quand ils insistent sur le
caractère bien trop transformés de ces alternatives.
Or il vaut mieux, pour la santé, manger des produits le moins
transformés possible. Ils ont beau jeu de souligner les
« compositions
longues comme le bras »,
la présence de pesticides et de gras. Si
on élargissait la comparaison et qu'on incluait des steaks
présentés comme de la viande, pas sûr que ce serait glorieux.
Une chose est en revanche certaine : les
galettes
tirent leur épingle du jeu car elles apparaissent souvent moins
chères et transformées... ce qui ne fait que confirmer une
vérité : rien de sert d'acheter, acheter, acheter, autant
faire
ses galettes soi-même
car si je le fais moi c'est que ce n'est vraiment pas compliqué.
Rien ne vous empêche de réaliser de magnifiques galettes de
sarrasin avec garniture salée ou sucrées équilibrées, ou alors
de mélanger du lait animal/végétal, des flocons d'avoine et une
courgette râpée pour réaliser une bonne base de repas. A un
moment donné, il faut arrêter la course à la conso et se
simplifier la vie, c'est vraiment justement ce qu'il y a de plus
simple tout en étant économique.
-
Ah,
le
Do It Yourself comme fondement de notre nouvelle façon de voir et
de notre nouveau mode de vie...
Sans compter qu'on éprouve une satisfaction unique à faire
soi-même et ce n'est qu'en essayant que l'on peut s'en rendre
compte. Donc avanti, de même qu'avanti sur la
réflexion intense et si nécessaire, de fond, sur l'évolution de
la consommation.
Celle-ci est l'objet du formidable (car synthétique, clair,
documenté, utile) hors-série de la non moins formidable revue
Sciences
Humaines
intitulé « Repensons la consommation ». Le propos est
articulé en 3 parties. La première, relative aux bases du
consumérisme,
montre qu'il n'est pas propre à la Modernité occidentale mais on
serait tenté de rajouter que comme cette dernière est à l'origine
de la mondialisation,
c'est bien dommage car du coup cette
mentalité a contaminé le monde entier.
Je parle bien de contamination car une
véritable société basée sur le confort exclusif, la substitution
des besoins par les désirs et la réduction de notre identité à
ce que l'on consomme, est capable de consommer, sont apparues.
La seconde partie est centrée sur les transformations de la
relation marchande, un focus étant opportunément fait sur le rôle
excessif des marques et les systèmes de réputation
qui ne manquent pas de partir aussi à l'assaut du secteur
alimentaire.
Où il est encore question du Nutriscore, de comment bien évaluer
ce que l'on achète et ce que l'on mange. La dernière partie pose
un peu la question qui tue ou plutôt à laquelle il faut répondre
pour ne pas être tués par elle : Peut-on
changer nos façons de consommer ? La bonne nouvelle est :
oui !
Comment ? De diverses manières déjà existantes et
mentionnées ici (dont la vente en circuit-court) mais aussi en
comptant de manière assez inattendue sur ce qui est souvent vu
comme un sale défaut : l'égoïsme.
J'ai beaucoup aimé et été assez convaincue, moi qui cherche
depuis des années les meilleurs moyens pour pratiquer une
sensibilisation efficace en vue de la Transition, cet article qui
démarre cash : « Faire
appel à l'altruisme ou à la morale ne fonctionne pas.
L'utilitarisme est paradoxalement mieux armé »
(p.53). Dans la lignée de Jeremy Bentham et de sa recherche
forcenée du bonheur individuel, voici la proposition originale de
la philosophe américaine Kate Soper : l'hédonisme
alternatif.
L'idée est la suivante : « Un
changement significatif des pratiques ne peut venir que de
l'insatisfaction et de la désaffection d'un nombre croissant de
consommateurs à l'égard des formes opulentes de consommation. Elle
peut être impulsée par les effets négatifs et le dégoût
inspirés par les styles et les rythmes de vie frénétiques propres
à notre logique de surconsommation. Le
stress, la fatigue et la frustration ne sont plus compatibles avec
notre égoïste recherche d'utilité. Autrement dit, si la
surconsommation est remise en cause, ce n'est pas parce qu'elle
détruit la planète, mais parce qu'elle représente un frein majeur
à toute forme d'accomplissement personnel »
(p.55).
Halte donc aux injonctions culpabilisantes, encore plus à cette
écologie tellement « fasciste » et tellement
dangereuse! Place à une réflexion bien terre à terre : mais
j'en ai marre, au fond, de courir après des trucs qui m'apportent
quoi au fond?!
-
Et
c'est là qu'on tombe sur le Philosophie
magazine
d'octobre 2022 (mais si, déjà en kiosque, qu'est-ce que vous
fabriquez, vous l'avez pas encore dévoré?). Et là, c'est bam bam
bam le coup de bambou qui vous casse tout enthousiasme. Ou alors
vous aide au contraire à passer le cap nécessaire à passer.
Alors, « La
sobriété, pourquoi est-il si difficile de se modérer ? »,
question
qui titille encore là où ça fait mal et trouve une réponse dans
un dossier toujours aussi agréable à lire même si on ne comprend
et on ne retient pas tout;). N'éludant rien du défi « méta »
(« La
sobriété implique une remise en question très profonde du pacte
que l'humanité a noué avec elle-même autant qu'avec la Terre »),
ce dossier permet d'atterrir en douceur en revenant à des
fondamentaux et en s'inspirant de personnes ayant franchi le pas. Un
des fondamentaux est de prendre conscience que « la
source la plus sûre d'un accomplissement humain tient au plein
exercice de nos facultés naturelles, dont nous prive le
consumérisme ambiant ».
Quatre témoignages viennent compléter ce tableau d'une
décroissance
heureuse
car ayant enfin décroché de l'ultraproductivisme qui ne tient que
par l'hyperconsommation.
-
Pour
finir, le magazine roi en matière de positivité et de concret
reste la lecture qui a irrigué tout mon été : le hors-série
de Socialter
« Comment
nous pourrions vivre ».
Vous noterez l'absence de point d'interrogation qui renvoie à une
certitude basée sur du déjà acquis, pratiqué et donc
reproductible, recommandable. Il s'agit bien, comme l'écrit Corinne
Morel Darieux, autrice de Plutôt
couler en beauté que flotter sans grâce,
de « sortir
de l'amer »,
amer auquel quelques constats peuvent nous condamner de même qu'à
une inertie fatidique. Parmi ceux-ci, il est à mentionner celui
d'Aurélien Berlan, « Nous sommes totalement à la merci des
grandes industries qui nous nourrissent » (p.36). A l'inverse,
la lumière est là à travers des initiatives comme celles de
l'Atelier
paysan
qui « essaime
auprès du monde agricole sa critique du machinisme et de
l'inégalité d'accès à l'alimentation de qualité. Par des
ateliers de formation pour concevoir un équipement agricole
low-tech et des sessions visant à politiser et imaginer des actions
communes, la coopérative met en œuvre son leitmotiv : sortir
de l'impuissance »
(p.90).
Ah
sortir
de l'impuissance,
quel beau programme; il n'y a pas plus politique, de soi à la
planète. Et pour cela, rien de mieux que se souvenir chaque jour de
Rosa
Luxemburg qui
écrivait ceci depuis sa prison en 1917 : « Plus
l'infamie et la monstruosité de ce qui arrive chaque jour passent
toute limite et toute mesure et
plus je me sens tranquille et ferme ».
Citoyennement
vôtre,
©Yolaine
de LocoBio,
Septembre
2022
Références
des revues citées :
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