• JoomlaWorks Simple Image Rotator
Cogitations et actions
Chronique 157
31-05-2022

 

Chronique 157

 

Au pied du mur

 

Image Active

 

  
Une catastrophe n'est jamais sûre et on peut toujours croire les optimistes et pourquoi pas les partisans d'un certain laisser-faire cosmologique. C'est vrai, ayons foi et on ne sait pas si le ciel nous aidera mais tout devrait bien se passer. On peut toujours adopter cette position surtout en des temps où la peur, excessive et paralysante, habilement cultivée pour cacher une inaptitude à régler les vrais problèmes, s'étend de plus en plus en maîtresse des esprits et se confirme propice au repli. Inutile de dire que cette posture constitue la catastrophe dans la catastrophe car rien ne se règlera sous le signe du repli, qu'il soit oeillères intellectuelles ou campements sur des positions surannées, inadaptées aux enjeux du vivant dont nous faisons évidemment (jusqu'à nouvel ordre) partie.

Donc la catastrophe n'est jamais sûre, cela il faut s'en convaincre de manière générale sans céder à trop de naïveté. Mais il faut surtout s'en convaincre en ce moment qui se confirme comme un cas de force majeure dont on aurait cru, bien sûr voulu, se passer. Car on peut dire qu'on cumule. Personnellement, je n'ai jamais pensé que tout était parfait, que tout était acquis, bref que le super-monde déjà en profonde déroute quand je suis née dans les années 70 était ce qu'il prétendait être et qu'un revers, sur cette décrépitude masquée éclatant aujourd'hui au grand jour, n'était pas possible. Tout est toujours possible, à commencer par la régression car au fond, même si on voudrait écarter cette triste et folle hypothèse, c'est celle qui s'impose avec de plus en plus d'acharnement depuis quelques années. Tout s'accélère, les contractions deviennent de plus en plus massives et douloureuses pour qu'advienne enfin un monde nouveau, meilleur car plus écologique et plus juste, plus écologique tout court car l'écologie a pour fondement même une relation équilibrée, réaliste, avec soi, les autres, tous les autres, humains et non-humains. Tout s'accélère donc et les vents sont plus que jamais contraires. Pensez : déjà il y avait beaucoup de résistance pour changer de paradigme, sortir de l'ultra-libéralisme et de son carnage de prédation multiforme. Déjà il y a des choses qui ne tournaient pas rond et certaines désillusions comme l'Europe peinant à se faire plus démocratique et sociale. Mais à la limite, à l'époque, il y avait encore la liberté de circulation, l'espoir d'une citoyenneté commune ouvrant à de la fluidité. Puis la pandémie, dommage, curieux en cette époque-tournant où justement il aurait fallu vite bifurquer, donc la pandémie est arrivée avec son cortège de basculement dans le numérique et surtout de promesses non tenues, même revues et bien sûr à la baisse ; autant dire carrément l'enfermement des corps dans notre propre République et, tiens tiens, les frontières qui reviennent dare dare, tous ces murs qui se hérissent juste au moment ou au contraire il fallait penser et agir large, très large. Et maintenant la guerre. On m'objectera que je suis une occidentale chanceuse, que la guerre aux portes de l'Europe on va quand même pas en faire tout un plat parce que c'est hypocrite car la guerre avait lieu pendant toutes ces décennies partout dans le monde et même qu'on pouvait s'y attendre vu les avancées laissées sans réaction de l'actuel agresseur d'un petit pays laissé sans défense réelle. D'accord, ce n'est pas faux, sauf que l'occidentale en question n'est pas restée les bras croisés, elle a essayé de faire à son échelle ce qu'elle pouvait et elle est profondément choquée de voir que ça empire chaque jour. Honnêtement, puisque c'est de moi qu'il s'agit et même si je suis je pense assez lucide, jamais je n'aurais imaginé une telle dégradation possible, si vite. On est en pleine et totale régression, pour le dire vulgairement « ça chie vraiment de partout ». Comment tolérer de voir ces images de printemps confisqué avec toutes ces personnes forcées à l'exil, ou alors celles qui ont raison de rester et qui, vieillards comme enfants, sont bombardés jusque dans leur modeste appartement et leur hôpital ? Comment s'habituer à voir tous ces champs dévastés, ces arbres brûlés, ces mines qui mettront des années à disparaître au profit de semences ? Comment accepter que la folie l'emporte, tout simplement, car quelles sont les raisons ? Et surtout, comment laisser faire, laisser continuer ? Ne sommes-nous pas fous, nous, dans cet Occident qui demeure privilégié quoique de plus en plus impacté (et c'est tant mieux car rien ne bougera sans cela), oui, nos gouvernants ne sont-ils pas dingues de ne pas se mobiliser pour stopper net cette boucherie? Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qui nous tient ou plutôt qu'est-ce qui les tient, qu'est-ce qui empêche d'arrêter de laisser filer chaque jour et chaque jour passant la preuve est donnée que oui, on peut faire du mal sans vergogne, sans aucune conséquence. Cela, cette attitude d'atteinte au vivant et celle, qui la vaut quasiment, de ne pas réagir fermement, cela n'est clairement plus possible. On voudrait, moi la première, voir le monde non binaire, appréhender les choses avec modération. Or il faut admettre que dans certains cas, et c'est le cas en ce moment avec toute cette accélération de vents contraires, non, les nuances sont impossibles et même pire : elles sont nuisibles car oui c'est la guerre mais la vraie, mobilisation générale, claire et sans faille pour préserver tout simplement la vie.


Sur ce fond envahissant de sombre actualité envahissante, que retenir d'initiatives attestant à l'inverse de notre indiscutable créativité, de notre inaliénable capacité à comprendre et à agir positivement ? Je dirais qu'une fois de plus elles sont légion (pacifique) et méritent toutes notre plus vive attention. Ce qui me frappe toujours, d'où d'ailleurs une des vocations des chroniques qui est de les valoriser via le site de LocoBio, c'est combien elles sont donc nombreuses mais aussi éparses et trop discrètes. En effet, on ne peut pas dire qu'il ne se passe rien sur le front de la Transition, vrai et seul front qui devrait être décrété et imposé au plus haut niveau des plus hautes instances internationales, à commencer par l'ONU et l'Europe. Mais on peine à s'y retrouver dans la multitude d'acteurs et d'actions, d'abord parce que certains s'y sont engouffrés par opportunisme et donc la Transition est mise à toutes les sauces, confondue parfois avec une simple problématique de changement. J'ai ainsi assisté récemment à un forum très sérieux dans des lieux prestigieux et disant œuvrer pour « l'économie verte ». Franchement, on la cherchait l'économie verte et il s'agissait plus d'étaler ses problèmes de management, donc de changement mais au sens de changement habituel pour toute entreprise. Le souci, et je l'ai encore bien vu à cette occasion, c'est que parfois, souvent même, ceux qui font le plus en matière de Transition sont trop discrets, ne savent pas communiquer, sont même réticents à communiquer car ce serait -insulte suprême- une « question d'ego ». Oui, bien souvent dans les milieux progressistes j'observe cette confusion paralysante qui fait qu'on fait mais on ne dit pas, on laisse cela aux vantards, ce n'est pas bien de se mettre en avant. A croire qu'aucun enseignement digne de ce nom tiré des années Trump n'a fait effet ! Car oui le gros Donald est un de mes modèles, je l'avoue ! Pourquoi ? Eh bien parce qu'il emmerde tout le monde et ne se pose aucune question d'ego car l'ego c'est lui, c'est le monde, c'est l'univers tout entier. Donc oui l'impérialisme est de bon ton et oui il faut en prendre de la graine pour cesser trop de discrétion. Cela dit, voici ce que j'ai retenu pour vous ce mois-ci :


Je commence par un événement juste passé et on pourrait se demander pourquoi j'en parle seulement maintenant. Pas de panique, c'est juste que je ne peux pas tout capter à temps et que je me rattrape en relayant ce qu'il y a de pérenne dans une action éphémère. Il s'agit d'un festival écoféministe -il n'est pas le seul et, heureusement, ils se multiplient-, le 1er du genre, organisé le week-end dernier par la jeune Maison de l'écologie populaire Verdragon en Seine-St-Denis, donc dans une partie de l'Ile-de-France pas forcément la plus favorisée. Et c'est justement pour cette raison que j'en parle car il est crucial, tant moralement que pour des raisons d'efficience, que l'écologie ne reste pas cantonnée en idées et en actes à une petite minorité privilégiée. Comme ils l'expliquent bien : « Pour relever le plus grand défi de l’histoire de l’humanité, pour que notre avenir ne reste pas dans les mains des puissants, nous bâtissons un point de ralliement, un espace de partage, un espoir (…). Ce lieu dédié à l'écologie populaire est absolument inédit en France. Il s'inscrit dans le prolongement d'un travail mené depuis de nombreuses années par les militant-es des quartiers populaires de Bagnolet et traduit la volonté partagée par Alternatiba Paris et Front de mères de travailler à un projet politique commun, alliant l’urgence climatique et les besoins de justice, d’égalité, de dignité pour lesquels les habitants.es des quartiers populaires ont toute légitimité ». Vous pouvez les suivre sur https://www.facebook.com/verdragon, sachant qu'ils n'ont pas manqué d'aborder la question alimentaire, notamment en créant une Amap et en réalisant par ce canal des activités de sensibilisation à un meilleur régime alimentaire pour rester en bonne santé. Cette question a également été abordée d'une manière fort pertinente lors du festival organisé dernièrement puisqu'on s'est logiquement interrogé sur le lien entre genre et façon de se nourrir, lien qui est de plus en plus exploré en croisant études/problématiques de genre et études/problématiques de la Transition écologique. En effet, si on considère que tout ressort d'un même modèle d'exploitation construit au fil du temps, alors il est à la fois possible et urgent de le déconstruire en utilisant différents leviers dont celui de la transition alimentaire qui, certainement a à voir avec lever le pied sur la viande et une certaine vision de la virilité. Avis donc aux volontaires non seulement de soutenir cette initiative mais d'essaimer sur chaque territoire !


Plus près de nous dans le temps et géographiquement, plus que jamais en lien avec le vivant et sa préservation, je vous signale la venue de Gilles Clément au jardin du Farou, dans les environs de Chambéry. Pour une présentation de ce jardin favorable à la biodiversité et à des exemples d'actions menées grâce à lui, autour de lui, en particulier avec les acteurs publics locaux, voici un lien intéressant : http://www.cauesavoie.org/jardin-nature-en-ville-visite-jardin-du-farou-a-vimines. Concernant la manifestation à venir, voici ce qu'en dit la Librairie du bois d'amarante, librairie chambérienne indépendante qui sera présente dans ce cadre à la fois magnifique et inspirant parce que chargé d'une énergie vraie : Le thème de 'la préséance du vivant' sera abordé pendant la conférence. La « préséance du vivant', c'est admettre notre dépendance au vivant, reconnaître le génie naturel et faire en sorte d'intégrer la source même de notre dépendance - le monde végétal et animal - en priorité dans les projets de paysage, d'urbanisme et d'architecture. Pour rappel et pour vous convaincre si besoin, voici qui est Gilles Clément et ce qu'on lui doit : paysagiste, botaniste, entomologiste, biologiste et auteur, il est à l'origine de plusieurs concepts qui ont marqué les acteurs du paysage de la fin du XXe siècle ou le début de ce XXIe siècle, dont notamment : 

  •  le « jardin en mouvement » « faire le plus possible avec, le moins possible contre »

  •  le « jardin planétaire » ; nous vivons sur une planète qui est ou peut être une sorte de jardin sans mur mais néanmoins fini : l'enclos planétaire, qui n'est autre que la biosphère, dans un monde spatialement et volumétriquement fini et limité, occupé par des jardiniers plus ou moins bons et responsables (l'humanité)

  •  le « Tiers paysage ».

Ces concepts découlent de l'observation qu'un paysage naturel n’est jamais figé, que les espèces et les gènes doivent circuler.


Je poursuis mon petit tour de recommandations par un voyage d'études estival qui révèle la centralité de la thématique de la nature en ville, propose un point et des solutions (https://www.plante-et-cite.fr/specif_actualites/view/1054). L'argumentaire est éloquent et parlera à mes fidèles lecteurs car nous sommes, un peu malheureusement puisqu'on préfèrerait ne pas avoir à affronter de telles problématiques, en terre connue : « L’urbanisation est un phénomène marqué à l’échelle mondiale depuis plusieurs décennies et qui devrait se poursuivre à l’avenir : selon l’ONU, si 55% de la population vivait en zone urbaine en 2020, ce chiffre devrait atteindre 70% en 2050. Les habitants des villes sont de plus en plus nombreux à exprimer un besoin d’accès à la nature. Ce phénomène s’est largement renforcé ces dernières années suite à la crise sanitaire et aux confinements engendrés. Les villes vont nécessairement continuer à se développer mais doivent s’adapter et atténuer le changement climatique et ses conséquences. Le végétal a une place de premier plan dans ce contexte, il contribue à rendre de nombreux services écosystémiques aux habitants des villes :l’agriculture urbaine remplit, entre autres, une fonction nourricière ; la végétalisation ornementale participe notamment à l’amélioration du cadre de vie et à la santé physique et mentale ». Plusieurs temps forts sont prévus, parmi lesquels :

  •  Participation possible aux sessions des symposiums portant sur l’agriculture urbaine et la végétalisation des villes

  •  Tours techniques – visites de sites d’intérêt sur Angers et sa région, illustrant des projets d’agriculture urbaine et de végétalisation

  • Rencontre d’élus et d’experts du symposium pour des échanges privilégiés

  •  Symposia proposés: Technologies et stratégies de production innovantes pour des cultures durables en conditions contrôlées ; II symposium international sur les villes plus vertes : Améliorer les services écosystémiques dans un monde soumis au changement climatique ; Avancées sur l’agriculture verticale ; L’horticulture urbaine pour une sécurité alimentaire durable.

Il est juste à espérer qu'une voie claire soit prise vers une agriculture avec paysan et avec sol, sous le signe des low-tech, et non pas l'inverse. Je précise juste car ce n'est pas toujours clair et, sous le coup de la panique et de la récupération par des acteurs économiques animés d'autres valeurs, le virage pris par la nature en ville pourrait être celui du contrôle et non pas celui du réensauvagement, donc d'un vivant un peu plus bridé, artificialisé, en lieu et place d'un vivant retrouvé et dimensionné à sa juste dimension, celles des vivants de tous les règnes.


Ensuite, rien de tel que poursuivre les efforts d'(auto-formation) pour être un acteur de la Transition en suivant à la rentrée les 12èmes assises de la biodiversité, lesquelles ne manqueront pas de faire un lien cher à LocoBio entre agriculture, alimentation et santé de tous. Les inscriptions seront bientôt ouvertes et vous pouvez d'ores et déjà vous faire une idée de l'importance de ce moment car : « Les Assises, c’est plus de 40 ateliers, sur place et à distance, pour faire avancer ensemble les grands sujets au cœur de l’actualité, autour de grands parcours thématiques :   

- Agriculture et biodiversité

- Aménagement des territoires et biodiversité    

- Résilience et adaptation au changement climatique

- Mobilisation et sensibilisation de la société civile    

- Fiscalité et financements de la biodiversité

- Protection et restauration des écosystèmes

 

L’édition 2022 sera de nouveau hybride : à la fois physique et digitale, en combinant richesse de la rencontre humaine et intelligence de la technologie. Les Assises, c’est LA rencontre de tous les acteurs du monde de la biodiversité. Nous vous proposerons cette année toujours plus de contenu innovant : 3 séances plénières, des regards croisés, des formats collaboratifs, un speed-meeting, des projections de documentaires…

Pour la 2ème année consécutive, nous serons en direct et en duplex depuis les territoires d'Outre-Mer avec les Assises Outre-Mer de la Biodiversité, qui se tiendront en Guyane avec des débats croisés, une programmation riche et diversifiée.

Plus d'infos sur les ANB Outre-Mer à venir très prochainement.

Se tiendront également pendant les ANB les 6èmes Assises nationales des Espaces naturels sensibles, en faisant un rendez-vous privilégié pour les élus et gestionnaires.

Nouveauté : cette année nous proposons un parcours dédié aux entreprises afin de les impliquer dans la démarche collective de préservation de la biodiversité ».

Il faut vraiment se réjouir que la biodiversité sorte enfin de son image trop pittoresque de s'intéresser aux gentilles petites abeilles et aux tout aussi gentilles petites fleurs, autant dire « l'environnement ». Vous me connaissez, comme à mon habitude je caricature un peu mais c'est pour relever cette limite du terme auprès du grand public qui ne voit pas toujours très bien en quoi elle consiste et quel est le rapport avec l'écosystème dont nous sommes tous partie prenante. Bien évidemment, le fait de davantage associer les entreprises dans une démarche de préservation et, rêvons un peu, de développement de cette diversité du vivant, est à la fois le signe de temps qui changent mais aussi un bon moyen d'accélérer le mouvement. Car bien sûr les acteurs privés ont à voir avec la Transition et il faut embarquer tout le monde dans cette dynamique de changement fertile.


 Enfin, s'il vous reste un peu de temps libre, pourquoi ne pas regarder si ce n'est pas déjà fait le documentaire actuellement disponible sur Arte et sinon en vod-dvd « On a 20 ans pour changer le monde. Des fermes pour cultiver l'agroécologie ». Réalisé par Hélène Médigue en 2018, il emplit d'espoir et munit de solutions tangibles car : « Le mode de production agricole actuel ne nourrit pas la planète,  60 % des sols sont fortement dégradés et le constat est dramatique pour l'agriculture à l'échelle planétaire. Mais des hommes et des femmes relèvent le défi et démontrent que l'on peut se passer des pesticides et des intrants chimiques pour toute notre alimentation. Un autre monde est possible ! ».


Oui, décidément, un autre monde est possible et à chacun de nous de le cultiver.

 

Citoyennement vôtre,

©Yolaine de LocoBio,

Mai 2022

 
< Précédent   Suivant >
© 2024 locobio
Joomla! est un logiciel libre distribué sous licence GNU/GPL.