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Cogitations et actions
Chronique 154
13-04-2022

 

Chronique 154

Le chaos ou la vie...

et L'âge de faire à notre secours


 

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Mes chers compatriotes et non-compatriotes mais néanmoins amis, il ne vous aura pas échappé que les temps sont un peu sombres et on espère bien qu'ils ne vont pas encore s'obscurcir. Avant -comme cela est d'usage dans ces chroniques- de m'orienter vers le positif et le concret de la Transition, je voudrais tout de même revenir sur les élections présidentielles en cours dans notre cher et auguste pays. Car bien évidemment le résultat, de même que celui des législatives en juin, aura un rôle déterminant sur notre capacité à bifurquer oui ou non. Or un nouveau rapport du Giec, publié en pleine campagne du 1er tour et relativement assez abondamment peu commenté par les candidats, à la surprise des médias à force un peu quand même effarés, est venu bien rappeler que nous n'y échapperons pas. Alors que souligner dès à présent du lien entre la Transition et ces élections ?

D'abord que les institutions ne sont pas tout, l'action politique n'a pas qu'elles comme cadre, mais qu'à l'évidence il y a un gros problème persistant en matière de représentativité. Peut-on en effet longtemps avoir des dirigeants qui, en réalité et du fait de l'abstention, ne représentent que peu de voix et donc de facettes de la société ? Certainement pas et, comme dans d'autres pays, envisager de rendre le vote obligatoire tout en assurant une prise en compte des votes blancs serait une piste sérieuse. En tout cas, en-dehors de nos ancêtres qui doivent se retourner dans leurs tombes face à un manque de respect pour leurs combats qui nous permettent aujourd'hui de voter, il y a un réel souci de qui représente qui, qui parle au nom de qui... surtout quand on a à la tête de l'Etat quelqu'un de plutôt frimeur, à la mémoire courte sur ses conditions d'accession au pouvoir et de totalement enfermé dans sa petite bulle d'enfant gâté. Ce qu'il est permis de souligner aussi, c'est l'irresponsabilité historique des forces progressistes tant au niveau social qu'écologique qui, principalement pour des questions d'égo, n'ont pas été foutues de faire une union à même de propulser un candidat face au Président sortant. L'Histoire nous avait bien appris pourtant, singulièrement en 1981, que SEULE une union de ces forces était à même de permettre de peser sur le jeu politique, donc la Transition. C'est clairement ce qui s'appelle être nuls et pire : totalement irresponsables. Enfin, puisque malheureusement l'irresponsabilité n'est pas la chose la moins partagée, il ne faut pas se laisser une fois de plus impressionner et berner : c'est clairement l'électorat de J_L Mélenchon qui va arbitrer l'élection en cours. Après les 5 années que nous venons de passer en matière de régression sociale, de progression écologique insuffisante et d'Etat de droit en déclin, peut-on sérieusement penser que quiconque donnera explicitement sa voix au Président actuel sans aucune garantie de type accord écrit ? Tout le monde a décrié sa manière autoritaire de gouverner, son refus de faire comme les autres campagnes et s'interroge maintenant sur cette étrange crânerie qui laisse à penser qu'il pense sérieusement qu'être bien propre sur lui suffira. Je pense que c'est mal connaître la France et il est de sa responsabilité et de celle de personne d'autre de cesser les fanfaronnades aussi intolérables qu'inconsistantes. S'il veut compter sur un front républicain, qu'il devienne enfin un vrai Président de la République Française. Assez que cette République et ses valeurs de justice soit galvaudées.



Heureusement, comme je l'avançais en préliminaire, nous avons le journal mensuel L'âge de faire qui en est déjà à son numéro 172 et se concentre sur de l'information alternative et l'incarnation des alternatives tout court... autant dire certainement une grande partie des abstentionnistes qui font plutôt que d'attendre d'être plus ou moins mal représentés dans le cadre des institutions de notre dite démocratie. Il est évident que, comme il colle à l'actualité et à la société, lire cet aimable canard n'est pas toujours d'une légèreté que l'on pourrait légitimement appeler de nos vœux. C'est tendu, ça castagne clairement sur plusieurs fronts, de la techno-surveillance via le fameux compteur Linky aux relations de soutien réciproque entre l'équipe gouvernementale actuelle et les chasseurs. Les sujets qui fâchent sont légion mais quand je reçois chaque livraison, cela me ranime car tout de suite ma curiosité est à nouveau stimulée et je retrouve un peu d'espoir dans un monde qui a plutôt tendance à nous abrutir de ce qui se présentent comme des informations et relèvent parfois de communication, sont totalement négatives et, au final, ne reflètent pas du tout la diversité de ce qui se passe sur le terrain. Ah représentativité quand tu nous tient... D'où l'intérêt d'avoir une démocratie en vraie bonne santé, ce qui signifie une presse libre et diversifiée, laquelle ne vit pas d'amour et d'eau fraîche donc oui, il faut la « soutenir » en acceptant à nouveau la base : payer pour le travail que suppose une information de qualité. Voilà pourquoi, avant de parcourir ce qui a retenu mon attention ce mois-ci, je vous mets tout de suite le lien pour vous abonner : https://lagedefaire-lejournal.fr/boutique.



Bon, je ne vais pas vous cacher que le titre du dossier « Cap sur l'anarchie » m'a au premier abord laissée un peu de marbre car tout le monde sait que les expériences de cette absence supposée d'exercice de tout pouvoir ont pour risque principal de glisser, au contraire, vers des expériences de pouvoir abusif. La nature humaine étant ce qu'elle est, il ne faut pas non plus concevoir trop d'illusions sur notre capacité à arrêter de chercher à dominer. Cela étant dit, le propre de l'Humanité ne serait-il pas justement de connaître ses limites et d'essayer de les repousser pour la bonne cause ? Car isoler les bonnes causes, cela semble du moins plus aisé, comme le montre précisément l'article consacré p.10 à Notre-Dame-des-Landes, à ce qu'il advient après l'arrêt du projet d'aéroport et la sauvegarde de terres. Il est clair que les cadres administratifs sont ici quelque peu « bousculés » mais il n'empêche : un petit groupe agit pour cultiver ensemble, réparer ensemble les outils, d'ailleurs avec l'aide de paysans professionnels sensibles au fait de transmettre leur savoir-faire et de contribuer à cette tentative de réappropriation globale. Un autre article sur la même page décrit le mouvement de jeunes urbains vers le monde rural car la ville, et singulièrement la grande ville, apparaît de plus en plus clairement synonyme de dépendance au capitalisme. L'interview mise en regard du philosophe Aurélien Berlan à la faveur de la sortie de son livre Terre et liberté complète bien le tableau car il nous interpelle sur la notion, de ce que l'on nous vend derrière la notion de liberté. Approche intéressante que celle-ci puisqu'elle nous amène à prendre du recul par rapport au salariat et à ce qu'il nous permet d'apparente délivrance par rapport aux nécessaires tâches de subsistance. On cherche en effet à « gagner » sa vie pour payer une nounou, une femme de ménage, un jardinier bref on délègue à tours de bras et est-on pour autant plus heureux et surtout plus libres ? Pas certain, d'où la proposition alternative d'accepter d'en repasser par le fait d'assumer un certain nombre de ces tâches au nom d'une liberté entendue comme « quête d'autonomie contre le fantasme de la délivrance ». Il est clair qu'à l'heure du développement, par exemple, des objets connectés dont on n'a clairement pas besoin, il est permis de s'interroger sur l'intérêt profond d'aller chercher un salaire hors de chez soi et hors de soi pour acquérir des objets qui, en plus, contribuent au flicage général qui s'installe sans bruit.



Ensuite, une contribution se fait l'écho de la manifestation menée à Lyon récemment contre Bayer-Monsanto à l'initiative du mouvement Les soulèvements de la terre (https://lessoulevementsdelaterre.org). Face à l'urgence de la Transition, l'option d'une écologie de rupture est privilégiée par cette convergence de participants venant d'horizons aussi divers mais complémentaires que les paysans de la Confédération paysanne et les Faucheurs volontaires. En clair, plus aucun crédit n'est accordé à une politique des petits pas qui s'avère insuffisante et il faut passer à la vitesse supérieure, donc à une certaine radicalité qui trouve son unique source dans la résistance forcenée du système dominant actuel à ne pas s'amender sur le fond (si cela est possible...). Contre l'accaparement des terres par une agriculture productiviste, l'agroécologie et une approche en termes de communs est martelée d'abord théoriquement et trouve une nouvelle, énième illustration dans l'article p.15 sur les fermes collectives. Un des avantages de ce genre d'organisation est de travailler à plusieurs sans s'enfermer dans une spécialité agricole, d'être interchangeable, ce qui permet à la fois d'être utilement remplacé si on veut quand même prendre de temps en temps des vacances (scoop ! Les paysans aussi, ceux-là même qui nous nourrissent avec constance, ont besoin de se reposer et de voir autre chose!) et si on veut rester en éveil grâce à l'exercice de sa curiosité. Où on retrouve au passage l'association Terre de liens (https://terredeliens.org) qui, parmi ses multiples actions en faveur d'un usage sain du foncier agricole, permet de mettre en relation des groupes de paysans souhaitant se lancer ensemble et des points de chute potentiels.



Enfin, mention spéciale pour l'information concernant la lutte hautement méritoire du collectif de défense des jardins d'Aubervilliers (https://www.jardinsaubervilliers.fr) pour éviter le désastre de principe et la totale contradiction en période de Transition, de relocalisation de l'alimentation, qui consiste à véritablement lourder à coups de bulldozers des jardins ouvriers là depuis bien longtemps. Tout cela, devinez un peu pourquoi, au hasard pour le Grand Paris et les JO de 2024, autant dire le grand dégueulis car il n'y a pas d'autres termes, de la grande ville sur ses marges rendues telles et on se demande bien fondamentalement au nom de quoi. Délégation, délégation quand tu nous tient... (ré)appropriation, (ré)appropriation quand tu deviens urgente à ce point. A noter, comme le font d'ailleurs les journalistes du quotidien en ligne Reporterre, que la lutte est loin d'être finie et que la vigilance s'impose (https://reporterre.net/Les-defenseurs-des-Jardins-d-Aubervilliers-obtiennent-l-arret-des-travaux).



A propos de vigilance, je voudrais terminer en revenant aux fondamentaux, à savoir un esprit brillant et non résigné, en la personne d'Antonio Gramsci. Dans un texte cinglant comme il savait en être l'auteur, il énumère les raisons pour lesquelles il hait « les indifférents ». Je cite et vous laisse sur cette flamme qui doit nous aider à y voir plus clair mais aussi à nous réchauffer pour relever tous les défis à venir : « Je hais aussi les indifférents en raison de l'ennui que me procurent les pleurnicheries des éternels innocents. Je demande des comptes à chacun d'entre eux : comment avez-vous assumé la tâche que la vie vous a confiée et qu'elle vous confie tous les jours ? Je demande : qu'avez-vous fait, et surtout, que n'avez-vous pas fait ? Et je sens que je pourrai être inexorable, que je ne vais pas gaspiller ma pitié, que je ne vais pas pleurer avec eux. Je suis résistant, je vis, je sens déjà battre dans les consciences viriles de mon camp l'activité des cités futures que nous sommes en train de construire. Et dans ce camp, la chaîne sociale n'épargne personne, et dans ce camp, ce qui arrive n'est pas dû au hasard ou à la fatalité ; c'est l'œuvre intelligente des citoyens. Dans mon camp, personne ne reste à la fenêtre pour regarder un petit nombre se sacrifier et se saigner en se sacrifiant. Et jamais celui qui reste à la fenêtre , en embuscade, ne veut profiter du peu de bien que l'activité de ce petit nombre peut apporter, jamais il ne défoule sa déception en insultant le sacrifié, le saigné, parce qu'il aurait échoué dans son intention.


Je suis en vie, je suis résistant. C'est pourquoi je hais ceux qui ne résistent pas, c'est pourquoi je hais les indifférents » (Antonio Gramsci, Pourquoi je hais l'indifférence, Rivages poche, 2012, pp.58-59).




Citoyennement vôtre,

©Yolaine de LocoBio,

Avril 2022


 
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