La
grande illusion de l'adaptation
Si je devais définir
l'Humanité, plutôt que le faire par son intelligence de laquelle
découlerait sa nécessaire supériorité, je le ferais plus
raisonnablement par sa capacité insondable à produire des
illusions. Le souci, c'est qu'en principe les illusions c'est fait
pour bercer. Or là, pas du tout, le délire de l'adaptation au
changement climatique me donne perso le tournis. Car en la
matière on produit, on produit, ça pour produire on produit mais
encore un domaine où c'est pas trop de la production responsable. Au
passage, après on dira des écrivains, de toute la littérature,
mais au moins eux ils « délirent » généralement dans
leur coin et la toxicité de leur production n'a rien à voir avec
ceux qui contribuent à alimenter ce mythe mortifère. Sans parler
des bénéfices. Car bien sûr que ce mythe, comme tout crime, a ses
bénéficiaires avertis. Ce qui pourrait, si on voulait vraiment bien
camper le décor, nous conduire à compléter la définition
ci-dessus de l'Humanité : espèce à grande capacité de
malhonnêteté sous couvert de préoccupations morales
occasionnelles.
Bon, cela dit, qui que donc que
quoi, c'est quoi que donc cette histoire, cas de le dire, récit
entre les récits, cette histoire d'adaptation ? En fait, ça
faisait longtemps que j'avais comme une drôle d'impression, un doute
et à un moment, pouf, ça cristallise, tout devient clair. On
préférerait que non et si, c'est comme ça. Alors on fait avec.
« Faire avec », « faire avec »... tiens
tiens... mais ce serait pas justement la définition même de
l'adaptation ? Et si. Et même qu'on nous balance à chaque
fois cette phrase attribuée à ce pauvre Darwin que même y'a que
les espèces qui s'adaptent qui survivent. Et de se gargariser de
l'aptitude hors norme des humains à s'adapter, la preuve : non
seulement on a survécu mais en plus on est tellement des machines
sophistiquées que faut voir comme on domine le monde et tout et tout
et tout. Du coup, l'adaptation, on l'a plutôt à la bonne. Et
le corollaire, c'est que qui ne s'adapte pas, ou semble ne pas
s'adapter, ou alors on pense qu'il s'adapte pas parce qu'en plus il
voudrait pas s'adapter, ben celui-là faut le garder en ligne de mire
parce qu'il est dangereux, ennemi du système. Supputations, doxa
progressiste hyper-techniciste, tranchées donc forcément guerre de
tranchées. Faudra pas demander qui a commencé.
Et donc en vertu de cet a priori
favorable importé des sciences naturelles et transformé en dogme
social multi-usages, l'adaptation serait la clé, pour le coup la
panacée remboursée à 300% par la Sécu contrairement à désormais
l'homéopathie, de tous nos maux. Or quel est le mal en tête
actuellement ? Le changement climatique bien sûr. Là, les
signaux deviennent trop évidents pour que l'on cesse d'écouter les
scientifiques qui alertent depuis des décennies. Alors le
raisonnement (vicié), le concept (slogan publicitaire), ça serait :
ben écoutez les gars, comme vous voyez, c'est difficile, c'est
vraiment trop la galère d'atténuer la croissance, je veux dire
d'attaquer le mal vraiment à la racine, en freinant un max, TOUT DE
SUITE, les émissions de gaz à effet de serre. C'est vrai quoi,
quelle flemme, faudrait quoi tout revoir notre système capitaliste
qu'on a tout bien mis en place et qui nous profite, allez, à
quelques uns bien déterminables (en deux mots, ça marche aussi;)),
merde, on n'est pas arrivés jusqu'ici pour tout défaire et
s'emmerder la vie. Du coup, comme les mêmes décident pour tout le
monde et les politiques les laissent faire (de l'action trop limitée
d'instances internationales comme l'ONU à de la corruption prouvant
à tous les étages la redoutable efficacité du lobbying), ben
qu'est-ce qui est logiquement arrivé ? Tout simplement que
l'adaptation a pointé le bout de son nez et s'est aujourd'hui
autant imposée que les notions d'atténuation et de transition dans
le logos sur le développement durable. Perso, je trouve ce coup
de force assez admirable, comme si on ne pouvait pas quelque part, un
petit quelque part en soi assumé, s'empêcher d'être fasciné par
le Mal. Enfin pour tout dire c'est l'aspect stratégique du coup de
forces qui me fascine parce que sur le fond c'est hallucinant de voir
ainsi cohabiter sans problème de cohérence et sur le fond
conceptuel et sur la forme des multiples politiques en tous sens des
notions diamétralement opposées. C'est un peu comme si
l'Humanité était prodigieuse, parvenait par une secrète alchimie à
faire la synthèse des synthèses. Sauf que tout ça c'est
impossible, c'est que du blabla : à un moment donné, il faut
choisir son camp et agir.
Du coup, comme ce sujet
m'intéresse, je m'intéresse à qui s'y intéresse, logique !
Et c'est là que je prends de la camomille pour pas monter dans les
tours de vigilance trop vite. Mais j'avoue, ça marche pas. Et
pourquoi ça marche pas ? Parce que je vois trop que ça se
gargarise de l'adaptation et que ça sent même carrément le
business de l'adaptation. Des exemples, j'en aurais des tas mais
je vais me concentrer sur un webinaire vu l'autre jour et qui
s'intitulait « Terra, prossima frontiera : adattamento.
Suolo, microbioma e piante sentinelle dell'evoluzione »
(Terre, prochaine frontière : adaptation. Sol, microbiome et
plantes sentinelles de l'évolution). C'était le 22 avril dernier, à
l'occasion de la Journée mondiale de la Terre (si si, ça existe...
et le lendemain le frenchy propre sur lui Thomas Pesquet a rempilé
pour une 2ème mission inutile et indécente dans la station spatiale
internationale, mais bon, chacun ses priorités comme on dit, fin de
la longue parenthèse un peu énervée). Je tiens à dire tout
d'abord que je prends ce webinaire en exemple et que je n'ai
absolument rien contre nos ultra-amis italiens vu qu'on est comme
eux. Deuzio, les gens qui sont intervenus dans ce cadre ne sont sans
doute pas les pires puisqu'il y avait des chercheurs et un
journaliste (bon, je veux pas dire, zéro femmes, mais on va pas non
plus encore en faire une longue parenthèse, on a compris sur le
chapitre du léger énervement). C'est juste que juste retour des
choses, je les prends comme échantillons de mon petit laboratoire
perso dans ma petite tête. Honnêtement, si je resitue les choses,
j'allais à ce webinaire la fleur au fusil, j'étais hyper-positive
( ça m'arrive, c'est juste que j'attends d'avoir
significativement du positif sous les yeux pour changer de braquet
en-dedans). D'abord, en mode pénible à toujours se poser des
questions et on va jamais y arriver, mais si, c'est comme ça en
passant au tamis toutes nos pratiques sociales, donc d'abord j'ai eu
soudainement un mouvement de recul : putain, moi aussi j'étais
encore à mon ordi, à bouffer de la connexion énergivore et
a participer à ce qui est sans doute aujourd'hui le plus grand
impensé de l'époque anté-pendant et post-covid : la
transition énergétique du secteur digital. Tout le monde ou à
peu près s'en fout, sauf que pendant que tu (te) fais un webinaire
sur l'adaptation, tu participes en tant qu'émetteur et récepteur à
l'échec probable de la même adaptation. Encore un prodige humain et
alors, dans ces cas-là, tu te dis, comme dans le jeu à la radio
quand j'étais petite et je sais pas s'il existe encore : alors,
stop ou encore ? Je veux dire : je continue ou j'arrête de
regarder le webinaire ? Eh oui, compromis-compromission, on rase
toujours de près les angles et, comme toute personne malhonnête de
base, je sors mon bouclier de « mais c'est pour la bonne cause!
». Et le pire c'est que c'est pas faux parce que ce à quoi j'ai
assisté m'a laissé assez pantoise. C'était entre un
auto-satisfecit dans l'entre-soi de grands mâles blancs et le
lancement marketing de waouh on a trouvé la solution et on va se
faire grave du gras dessus. Et donc c'est bien la preuve, une fois de
plus, que tout ce qui traîne/évolue sur le Net, est à ne pas
confondre avec de l'information. Très clairement, chacun s'engouffre
désormais dans les webinaires pour faire sa pub et y'a de tout, ma
bonne dame, faut trier parce que y'a vraiment de tout. Après une
brève introduction enthousiaste de l'organisateur, un universitaire,
la parole a été donnée à un journaliste faisant clairement la pub
pour son film, originalement appelé « Adaptation »,
au hasard en anglais et j'ai rien contre cette langue, c'est juste
que comme par hasard. Ce film, vous le trouverez sans problème sur
le Net, pas besoin d'en rajouter. Son idée à lui était qu'il
fallait absolument communiquer sur ce qu'il considère comme
une nécessité, l'adaptation, cela afin de favoriser son acceptation
sociale. D'où sa raison d'être (clairement on n'est jamais
mieux servis que par soi-même) et celle de ses actions, parmi
lesquelles ce film ronflant à grands renforts de belles images et de
musique épique. Sérieusement, est-ce qu'on a besoin de mettre des
moyens dans un flan pareil ? Ensuite, ce sont différents
chercheurs, souvent dans la biologie et l'agronomie, qui se sont
succédés pour finalement abonder dans le sens de la nécessité de
leurs propres études (re les vertus de l'auto-proclamation) et des
avancées de l'innovation. Car la ligne générale est :
les gars, soyons sérieux, le changement climatique est là, il
produit des effets sur l'agriculture et menace l'alimentation
donc pas de panique c'est la panique, faut quickly trouver des
solutions pour que l'agriculture arrête de subir, mais pire, qu'elle
arrête aussi de faire subir au climat de par ses pratiques
traditionnelles et intensives. Jamais, bien entendu, l'hérésie
qui consiste à ne jamais poser la question de la croissance
démographique n'est remise en cause. Surtout, on reste bien dans
le schéma et on fait comme si on n'avait pas compris que pas de
ressources infinies pour une population peut-être pas à l'infini
mais sur la pente exponentielle. Non, ça non, jamais. L'humain a
tous les droits en vertu de sa sacro-sainte supériorité. Et puis
quoi encore, on va pas remettre en cause cette liberté ??? On
verra, on verra, après tout les idées font leur chemin et on peut
ne pas perdre espoir qu'un vrai débat s'ouvre à ce sujet. Et que
cesse le chantage à la sécurité alimentaire. Bon, toujours
est-il que quoi, c'est pas bien de dire que l'agriculture doit aussi
s'adapter ? Ben disons... que non si le mot magique encore sorti
du tiroir c'est, attention, « l'innovation ». Car
innover, innover, tout le monde innove tous les jours pour mener sa
petite barque, c'est pas la question, mais y'a des changements
qualitatifs, de la dénaturation possible dans l'air. Et puis
quand ces changements qualitatifs ils passent à l'échelle, ben là
on est dans des changements, disons, numériquement importants.
Autant dire des risques de bascule que bien sûr certains
potentats férus d'humanisme et de vivant dit augmentés
appellent de leurs vœux. Et du coup, l'adaptation en question, ben
ça peut être par exemple de renforcer la résistance des plantes à
la sécheresse vue que la sécheresse va augmenter et que même c'est
déjà le cas, entre autres, dans le sud de l'Italie. Ah, donc il ne
s'agit pas de remettre en cause substantiellement le phénomène à
l'origine de tout, ce qui cause la sécheresse, donc le changement
climatique, donc promouvoir le paradigme de l'atténuation. Si on les
interrogeait, toute la gagne de ce jour ne l'écarterait pas. Ils
diraient sans doute juste que ce n'est pas leur objet et qu'il faut
se rendre à l'évidence, bon sang de bon sang, grandir quoi, être
pragmatique. Je vous passe toute la robotique et les objets
connectés pour savoir si les plantes vont bien, un peu comme
vous, quand vous serez bien vieux et que la puce de dessous votre
peau dira que vous avez envie de pisser et qu'il faut appeler
Popo-le-robot à la rescousse. Les drones, l'intelligence
artificielle... je vous dis : tout y est passé et a été
convoqué pour justifier l'injustifiable, à savoir le vrai et seul
combat qui vaille : cesser de compter sur la technologie pour
nous servir à la fois de béquille et de bandeau pour nier la
réalité.
Bon, inutile de dire que quand
la connexion s'est interrompue après de bruyantes manifestations de
contentement face à des exposés brillants, ben moi je suis
retournée à ma camomille. En fait, j'ai dû m'en refaire parce que
pendant le webinaire, j'avais tout siroté.
Du coup, un
conseil : plantez de la camomille bio dans de la vraie bonne
terre saine. On dirait pas, mais ce combat-là est au cœur
de tous les autres combats.
©Yolaine de
LocoBio,
30 Avril
2021
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