Pourquoi la lutte
contre le changement climatique
n’est pas la solution
Alors j’arrête tout de suite ceux qui pourraient se
réjouir en se disant : enfin elle lâche, enfin elle a compris, enfin elle
va plus nous faire ch… Mauvaise nouvelle pour les climato-sceptiques et leurs cohortes de lobbies : non, je
n’ai pas viré de bord et je ne me suis pas ralliée au camp des cyniques adossés
à la mort. Tout le monde ne peut
effectivement pas en dire autant quand on pense que certains – et sûrement
certaines, il n’y a pas de raison- consacrent en 2018, oui, en 2018, leur
prétendue intelligence et tous leurs moyens, licites et moins licites, pour
neutraliser les progressistes et continuer paisiblement leur business.
Ceux-là continuent à nier le rôle de l’action humaine dans le
changement climatique et font, en tout cas, tout pour le minimiser. Pourquoi se
priver des techniques de manipulation de base ? C’est vrai, ce serait
idiot, surtout quand au hasard, on représente le patronat auprès, si près, des
instances européennes et que l’enjeu est de surtout ne pas avoir de
réglementation contraignante. Car le souci est bien de rester concurrentiels
dans un marché mondialisé, de ne pas se faire doubler et… et… et attention si
on se casse la gueule, attention au risque d’instabilité. Pourquoi se priver des discours les plus
ringards, là encore c’est vrai.
Bon, stop. Fin du film. Enfin j’espère pas. Je me bats même à
mon échelle de mon monde à moi pour cela. Bon, donc, qu’est-ce que je voulais
dire par ce p… de titre, que le climat,
la lutte contre le changement climatique, c’est pas la solution. Je
modère : évidemment que c’est une solution car c’est un problème, même
majeur le problème. L’avantage principal de cette lutte est d’être dans le
genre assez complète, transversale et surtout d’enfin permettre la mise en
mouvement car sans ça rien, on pourra se brosser. Pour moi, au vu des
décennies écoulées- écroulées, c’est son
mérite et non des moindres. Toutefois, et je pèse comme d’habitude mes mots, il
ne faut pas oublier que le climat n’est pas arrivé sur la scène politique par
l’opération du Saint-Esprit. Il est bien le résultat d’un processus de
politisation. Cela signifie que comme dans toute lutte, des acteurs se sont
mobilisés à un moment donné sur un problème construit comme tel. Cela ne
signifie absolument pas que le climat ne soit pas un problème appelant un
traitement politique. Cela signifie juste qu’il n’est pas le seul et que
d’autres problèmes « écologiques » n’ont pour l’heure pas réussi avec
autant de succès cette phase incontournable de politisation. Cela signifie qu’il faut aller plus loin car l’entrée par
le climat présente des limites alors que nous sommes au temps d’un choix
radical. Ne pas saisir cette opportunité historique pour changer de paradigme,
refonder notre rapport global à notre propre corps, aux autres animaux et à
l’ensemble de la planète est l’erreur à ne surtout pas alimenter.
Or que constate-t-on en ce moment ? Dans le sillage de
la démission de Nicolas Hulot, et sans grandes illusions avec le nouveau
ministre Macron-compatible, c’est la question du climat qui s’impose plus que
jamais. Avec la sous-question : quelle est la bonne manière de s’y prendre
pour mener une lutter efficace afin d’éviter de tous mourir comme des chipolatas
en plein désert ? Il est donc
présenté comme acquis que la transition écologique se résume à cette lutte et
qu’à l’intérieur de cette lutte, se pose le problème de la temporalité… et de
la radicalité. Car tout le monde a un peu la pétoche… même s’il me paraît
éthiquement difficile de mettre sur le même plan celle, au ventre, des réfugiés
climatiques déjà dans l’errance (ce qui nous attend) et celle, de salon, des
nantis obsédés par la prospérité de leurs petites affaires. Le problème, donc, c’est qu’on n’a plus le
temps. Et en même temps, faudrait y aller par les petits pas, expression qui
revient beaucoup actuellement. Les petits pas des Etats, des entreprises,
des citoyens, comme ça tous les petits pas de tout le monde ça ferait un grand
pas. Esthétiquement, c’est pas mal, ça
donne de belles images de belles trajectoires dans la tête. Sauf que dans le
réel, ça marche pas comme ça. Canicule, typhons par-ci par-là, ben non, on
attend le déluge officiel, celui des textes canoniques, mais quand ça frappe à
la porte du réel, rien, niente, nada de nada. Comme on a le temps, on se pose encore ce
genre de question, à savoir si l’écologie est définitivement incompatible avec
l’économie ou pas. Le truc genre on ne voit pas les emplois créés par
l’agriculture bio, sans compter la valeur ajoutée, la fameuse. Le truc genre on
ne voit pas les fabuleuses et uniques opportunités d’investissement et
d’innovation économiques de la
transition écologique. (Comme quoi, quand je fais un effort, moi aussi je peux
parler économie et tout le charabia malheureusement enseigné dès le lycée,
vaste autre sujet). Bah, il doit bien y
avoir des colloques et des forums qui traînent encore sur le sujet. Sérieux,
y’en a qui ont le temps ! Le souci, c’est qu’en fait personne n’a le temps.
Sauf les dingues qui pensent à leur fuite de riches dans la stratosphère. Et
encore, et encore, faudra voir. Bon coup de pub en attendant.
Bref. Donc le climat.
Le climat, en vérité je vous le dis, ce sont les vraies bonnes lunettes pour
appréhender et changer les choses. Car tel est bien l’enjeu, non ? Soit.
Mais n’est-ce pas finalement une façon encore très anthropocentrique de poser
la question et de la biaiser, à l’intérieur même de ce que nous appelons
l’humain? De
fait, deux questions essentielles sont,
elles, totalement écartées : ce que nous sommes vraiment et quels sont nos
besoins essentiels, de même que notre relation au monde. Le premier point
renvoie clairement à l’escalade
technologique qui, sans réflexion dessus, ne sera toujours vue que comme
bénéfique car répondant à des besoins qualifiés comme tels. L’enjeu est ici la
modification de l’humain lui-même. L’urgence
est donc de se recentrer sur les besoins vitaux et de dérouler à partir de là
une méthode pour faire émerger un modèle alternatif global. Autant dire
virer le superflu qui nous pollue et garder ce qui nous constitue. L’équilibre proviendra de la seconde
considération, à savoir en finir, enfin, avec la domination de l’Homme tout
court et de l’homme blanc en particulier. Cela signifie, attention au vertige
mais ça va bien se passer : inventorier et prendre en compte les besoins
vitaux du bien mal nommé « environnement ». En clair, à la racine
du changement systémique qui nous attend, il y a ce que requiert le vivant
naturel pour se maintenir et se développer. Le voilà, le défi : l’ouverture d’esprit, la mise en mouvement et
en modèle, la pédagogie, fédérer les énergies pour le grand, le vrai, le seul
basculement. Et tout cela on va dire assez vite parce que mollo les petits
pas, les petits pas, moi, j’y crois moyen. La faute à qui ? Au temps
perdu, pardi ! Et merci qui, oui merci qui ?
En vérité, je vous le
dis, le temps est venu d’une vraie belle utopie, celle qui défend tout
bonnement et simplement la vie sous toutes ses formes. Il est temps de se bouger, et même
dans les rangs de ceux qui se présentent comme les plus avancés sur le plan de
la lutte écologique. Je viens de terminer le bouquin consacré à Notre-Dame des
Landes (Eloge des mauvaises herbes. Ce
que nous devons à la ZAD, aux excellentes éditions Les liens qui
libèrent) et l’article qui me semble le plus visionnaire est à ce propos le
suivant : « La crise d’une utopie blanche ? », par Amandine
Gay, cinéaste, universitaire et écoféministe (tiens, tiens, pas un
hasard ?). Elle exprime très bien son malaise face aux mouvements
écologistes métropolitains, étant à la fois solidaire d’eux mais frustrée par
le manque de réciprocité vis-à-vis de personnes comme elle, racisée et
périphérisée. Elle épingle une sorte de deux poids deux mesures genre sensible
aux pâquerettes mais déjà moins aux enjeux raciaux/racistes. C’est vrai que
c’est un peu gênant et comment ne pas lui donner raison quand elle écrit :
« L’utopie écologiste, telle
qu’elle continue à être pensée et mise en œuvre en France, n’inclut toujours
pas les gens comme moi. Il est urgent de sortir de cette attitude qu’Aimé
Césaire appelait, en 1956, le « fraternalisme », et qui pollue encore
les milieux alternatifs et la gauche française. Votre rapport aux non-Blancs et
à nos luttes doit changer, si vous souhaitez réellement contribuer à repenser
l’avenir de l’humanité tout entière » (p.164).
Je ne peux que souscrire… en élargissant encore davantage le
propos : votre rapport aux
non-humains doit changer, si vous souhaitez réellement contribuer à repenser
l’avenir de l’humanité tout entière.
✔ Sur
ce, trêve de, j’ai repéré pour vous, consommateurs hautement conscients,
politisés à souhait, responsables en conséquence, et néanmoins gourmets… quoi ?
Un nouveau café alternatif à Chambéry : Le coin de la roue, ouvert
en mai par la très ancienne association « écolo » locale La
Mandragore. Il se présente comme « un espace ouvert à tous pour
exprimer sa créativité et vivre les alternatives de vie en toute
conscience ». Tout un programme pour une adhésion à partir d’1 euro. Moi
je dis : j’achète ! + d’infos sur leur site et sur place, bien sûr.
©Yolaine
de LocoBio
21 septembre 2018
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