Parce
que l’Histoire n’a qu’un seul sens : le sien !
Bon, vous aurez sans
doute remarqué un certain silence depuis quelques temps, sur ce site. C’est
bizarre, c’est louche, c’est même un peu suicidaire de ne pas
« animer » un site à notre époque, de ne pas chercher à « faire
du contenu » à tout prix, de ne pas en piller ailleurs non plus. Oui,
c’est étrange. C’est étrange mais c’est ainsi. A quoi bon les appels récurrents à la méditation si jamais,
concrètement, on ne fait silence ? Alors voilà, c’était zone blanche, six
longs mois pris entre vivacité et perplexité. Ce serait mentir qu’affirmer
la prédominance de la première sur cette dernière. C’est que les temps ne sont
pas glorieux. On tient, c’est tout. Telle est la gloire reçue en héritage. On
malaxe la patate chaude entre nos mains, on essaie de la calmer, de la
refroidir un peu et de voir la forme, oui, quelle forme on pourrait bien lui
donner.
Pendant six mois, à vrai
dire, j’ai beaucoup lu de livres et d’articles, écouté diverses émissions, vu
des films. J’ai tenté de poursuivre ma
réflexion, toujours happée par la même obsession : comment, oui comment
va-t-on s’en sortir ? Je ne suis pas la seule à me poser la question,
loin s’en faut. Je n’ai pas tout lu, tout écouté, tout vu. Mais quand même,
j’ai une petite idée, j’ai un petit aperçu, à force. Et cette idée, cet aperçu
sur le monde, sur l’époque, ce sont précisément eux qui m’ont cantonnée dans le
silence. C’est que je ne sais plus quoi dire ! Oui, c’est pas compliqué :
je ne sais plus quoi dire. Et je ne suis pas la seule, loin s’en faut. Un
esprit aussi alerte que Joann Sfar cale lui aussi. Je l’entendais récemment à
la radio et il disait que face à ce qui se passe avec les migrants en Italie et
aux Etats-Unis, il n’a plus d’humour, il ne peut plus faire de dessins
« rigolos ». On pourrait rajouter la France, car invoquer la
géographie pour laisser dériver un bateau jusqu’en Espagne, prétendument plus
proche, c’est pas glorieux glorieux. Là, on peut dire que c’est pas glorieux.
Dire,
tel demeure pourtant le combat. Le silence ne peut avoir qu’un temps, on ne
peut pas aussi leur laisser ça. Alors dire, soit, mais quoi ? J’ai
du mal à dresser un plan d’ensemble. Au moins, moi je suis honnête et je le
dis. Néanmoins, en ces six mois, des mots ont émergé de la confusion. Des mots,
tiens, comme consentement ou mieux : considération. L’affaire Weinstein et la réaction qui a suivi y
sont pour quelque chose : on voudrait qu’une réelle opportunité se crée
pour enfin repenser les relations femmes-hommes. On voudrait… et c’est bien.
Mais sincèrement, je pense que la clef réside dans la considération,
c’est-à-dire dans la manière de regarder et de respecter le vivant. On ne peut
plus faire l’impasse. Sans cette révolution culturelle aussi intime que
collective, donc politique, on ne pourra pas aller plus loin.
D’où le silence. En
effet, pour qui a lu mes chroniques, celles d’avant la zone blanche, les choses
devenaient peu à peu évidentes. Qui m’a
lue ne peut pas dire qu’il n’a pas vu le coup venir. Autant que moi j’ai
accueilli ce silence avec, à force, une certaine sérénité. Car se taire quand
on ne peut pas aller plus loin, ce n’est pas renoncer. Non, au contraire, c’est
insister, rendre visible l’impasse, dire, répéter que sans la considération, ça
ne passera pas. On croit avoir le choix, on se disperse en illusions toxiques
de « fusion homme-machine », on fait dans le simulacre –et
maintenant, une exposition avec des objets de la série Game of thrones,
qu’est-ce quon s’en fout, mais qu’est-ce qu’on s’en fout de Game of
thrones !-… en attendant, la considération attend. Elle attend comme une
âme en peine. Elle ne se cache pas, elle au moins, elle se montre telle qu’elle
est. Oui, c’est ça, elle attend qu’on se décide à la révolution qui nous attend, celle du nouvel humanisme où il n’y
aurait plus de causes isolées mais une espèce humaine enfin à la hauteur de ses
responsabilités.
Donc l’attente attend.
Très beckettien, ma foi, tout ça. Cela dit, vous, vous ne perdez rien pour
attendre car je vous ferai bientôt part de quelques lectures et films, histoire
de. Mais seulement si vous êtes sages. Alors soyez-le et vous verrez. En
attendant, bon début d’été.
©Yolaine
de LocoBio
Juin 2018
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