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Chronique 90
18-12-2017

Loin devant

 

  

    On ne parlera pas de ce qui est vulgaire. Car vulgaire rime avec gestionnaire et on a besoin de tout sauf cela. On ne parlera pas de ce dont tout le monde parle ; même que c’est logique : c’est fait pour cela. On ne parlera pas de ces pandas que l’on baptise dans une République réputée laïque, au nom des bonnes relations bien pragmatiques entre la France et la Chine. On ne parlera pas de ces 40 ans que l’on fête dans une démocratie réputée tournée vers le futur… dans un château royal, avec visite aux chasseurs revenus d’une « battue de régulation ». A quoi bon adopter un chien à la SPA si c’est pour continuer à cautionner de telles pratiques ? 

On ne parlera pas de cette suffisance qui renvoie dos à dos la droite et la gauche, qui prétend incarner seule la modernité, donne quelques signes encourageants d’un côté –type restitution des biens liés à la colonisation- pour massivement appliquer une politique néolibérale –type dérégulation du travail, critique aussi virulente qu’indue de l’audiovisuel public, etc…-. On ne parlera pas de ces millionnaires qui siègent au gouvernement, sûrs de ne pas endurer concrètement les effets de leur politique. A commencer par la Ministre du Travail et… le Ministre de l’Ecologie lui-même, entre autres grâce aux produits dérivés de sa marque vendus en grande surface et si peu exemplaires en matière écologique. On ne parlera pas non plus de ces « repentis » de Facebook qui nous fatiguent avec leur soudaine lucidité : oui, ils ont travaillé pour une entreprise qu’ils soupçonnaient de n’être pas si merveilleuse que cela, qui détruit les liens sociaux et même qu’ils interdisent à leurs propres enfants son usage et celui, trop précoce, des écrans. Et même que les PDG de toutes ces entreprises envoient leurs progénitures dans une école de haute culture, soigneusement coupée de toutes ces merdes (il n’y a pas d’autres mots, et d’ailleurs un des repentis l’a utilisé). Si on doutait d’une société à au moins deux vitesses, on en a ici la confirmation. De même qu’on l’a en lisant le rapport sur l’inquiétante montée des inégalités dans le monde réalisé par des économistes de renom, dont Thomas Piketty, l’auteur du Capital au 21ème siècle en 2013.

 

On n’a pas envie de parler de tout cela, de perdre du temps avec toutes ces contradictions. On n’a pas envie de tomber dans le panneau de « l’économie de l’attention ». On n’a pas de temps à perdre. Alors on va davantage parler de ce qui nous attend grâce à nos efforts conscients. On va parler de cette révolution inévitable de nos esprits, spirituelle si on veut. En tout cas, quelque chose ne peut plus continuer, autre chose doit voir – ou revoir- le jour dans notre rapport au monde, aux autres et à nous-mêmes. Et de cette révolution découlera une nouvelle organisation. Des éléments de celle-ci sont déjà en place concrètement, même ardemment, comme l’économie circulaire. On dit que c’est trop peu, que cela ne fera pas le poids, que c’est irréaliste, qu’on ne voit pas très bien où on va. Certes. Tout est vrai. Et alors ? Depuis quand doit-on savoir exactement où on va pour faire de belles choses ? On préfère une bonne dictature bien cadrée ou quoi ? Il faut laisser le temps, l’espace, les terres et l’imagination. Autant de richesses en voie de disparition pour lesquelles la lutte est âpre, tout autant que prendre la mesure de cette magnifique révolution mentale qui nous attend. Basées sur plusieurs niveaux, distincts mais tous liés par une seule réalité érigée comme valeur : le vivant. Le vivant hors de nous, en nous et les deux enfin à nouveau reliés, débarrassés de siècles de philosophie, de religion, voire de sciences inutiles et toxiques. 

 

De sciences, il en est précisément question, et de leur apport à cette nouvelle vision des choses qui seule nous sauvera.  On peut ainsi utilement mettre à profit le temps des prochaines fêtes pour lire le dossier de la revue mensuelle Science et vie consacré à l’intelligence du monde végétal. Le risque, c’est de se lasser d’un sujet devenu à la mode. Mais à la réflexion, le problème est surtout qu’il n’a pas été assez traité auparavant, non ?  Bref, il est un peu tard pour refaire le passé, alors autant aller de l’avant. Où on apprend que les plantes communiquent, font des choix, sont douées de mémoire, apprennent, anticipent, autant dire sont véritablement intelligentes, mais d’une intelligence d’un autre type que la nôtre. D’autant plus qu’elles peuvent se passer de cerveau en tant que tel car elles sont tout entières leur propre cerveau. Face aux découvertes en cours, la réaction attendue et suicidaire serait une nouvelle fois le déni. L’enjeu est fondamental puisqu’il s’agit plus profondément de « faire l’expérience émerveillée d’une altérité absolue » comme le note le chercheur Francis Hallé.

 

La magazine Sciences Humaines de décembre n’est pas en reste non plus, avec son lot de cosmogonie alternative. Je passe sur le dossier consacré à la « Psychologie de l’attention. Comment lutter contre la dispersion ? », lequel mériterait au contraire toute notre attention. Mais on doit faire comme les plantes, ni plus ni moins des choix, donc se concentrer ici sur l’étroite parenté une fois de plus confirmée entre « animaux » et « hommes ». A l’heure de la société de l’information où tout disparaît aussi vite qu’il surgit, se pose la question de la transmission, clef depuis toujours pour notre survie. Or on sait désormais que de nombreuses espèces « animales »  se transmettaient avant l’apparition de notre sainte espèce et se transmettent toujours, peut-être moins bien à cause de l’inflation d’ondes par exemple, divers savoir-faire de génération en génération. On évoque maintenant même des cas d’enseignement explicite, tout cela conduisant à la notion ma foi assez sacrilège de « culture animale ». Il ne manquait plus que ça !

 

Oui, il ne manquait plus que ça. Et voilà qu’une femme –cela n’étonnera personne- en remet une couche à propos de notre à monde à nous, les hommes. Là, c’est purement la catastrophe ou la débandade, enfin plutôt la rédemption et l’érec… Il faut lire l’essai de la philosophe Olivia GAZALÉ, Le mythe de la virilité (Robert Laffont, 2017), dans lequel elle montre combien les femmes, certes, sont opprimées par les hommes « virils », mais combien les hommes sont eux aussi opprimés par cette sorte de virilisation forcée, artificielle, des rapports sociaux, du rapport au monde même. En d’autres termes, les hommes sont variés, il n’existe pas un modèle d’homme unique, et l’injonction à la virilité produit aussi à l’intérieur du groupe masculin de la violence et de la souffrance. A noter que pour se familiariser avec cette pensée et en découvrir d’autres, on peut également lire en médiathèque ou commander avec profit l’hebdomadaire Le Un n°179 perfidement intitulé « Délivrez-nous du mâle »  (22 novembre 2017). Apparemment, une évolution radicale est à la fois en cours et nécessaire, comme le suggère avec son style toujours délicat et sagace l’écrivain David Foenkinos dans sa contribution « L’an I de la révolution ».

 

A travers ces trois pistes qui convergent, on voit bien que les vieux modèles de pensée doivent laisser la place à de nouveaux fondés sur la réalité, son acceptation et ce à quoi elle invite : la coopération plus qu’à une fatale recherche de domination.

 

Sur ce, je vous souhaite un bon repos et de joyeuses festivités, si possible sous le signe vegan. Tout a désormais sa déclinaison respectueuse de la vie, c’est le moins que l’on puisse faire en cette période qui la célèbre justement : foie gras, bûche, et caetera... Les recettes foisonnent sur le Net, alors tant qu’il existe encore, ne vous en privez pas. Petite touche de légèreté pour finir, car la révolution a aussi besoin de légèreté : il existe depuis peu une boutique d’artisans dans la petite ville de Chapareillan. A son origine, l’artisane-savonnière Delphine, qui avait déjà créé voici quelques années « Nature en bulles », nom du nouveau magasin où vous pouvez trouver ses produits cosmétiques biologiques « Nature et progrès » ainsi que des jouets en bois, de la poterie, de la couture et de la déco. Et oui, de la légèreté… on en a bien besoin, non ? Bulles alors !

 

 

 

 

 

 

©Yolaine de LocoBio

Décembre 2017

 
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