La
crise, une opportunité à ne pas rater
Ça
y est, c'est l'été et avec lui le temps de la chronique LocoBio
dédiée à cette saison élastique où, en principe, vous aurez un
peu plus de temps. Et du temps pour quoi faire ? Surtout ne pas
déprimer même si les résultats des dernières élections
européennes -voir le fort taux d'abstention, si peu pris en compte
et au sérieux- pourrait nous y inciter. N'épiloguons pas, ou plutôt
n'épiloguons plus car beaucoup de colère a déjà été exprimée,
ou plutôt tiens, si, épiloguons encore un peu, prenons un peu de
temps pour comprendre comment nous en sommes arrivés là. « Là »,
c'est... la crise. Elle commence à nous gonfler celle-ci, soit,
mais on gagnera certainement à l'avenir en la sortant des poncifs et
en la regardant en face.
C'est
ce que font deux éminents penseurs interviewés dans la
revue Socialter
(http://www.socialter.fr)
consacrée aux innovations sociales, aux technologies et aux
entrepreneurs du changement. Dans son n°5, un focus est mis sur
l'une des causes de cette crise, le divorce entre impôt et société
avec en toile de fond bien des privilèges et trop d'incommunication.
Ainsi, pour l'économiste Paul Jorion, « Au cœur de
la dépression des années 1930, Keynes (confrère
américain, ndlr) pense qu'il faut minimiser le dissensus
dans la société pour éviter que le ressentiment ne détruise le
tissu social. Le renversement en 2008, c'est la disparition de cette
préoccupation. La concentration des richesses devient telle qu'elle
permet l'émergence d'un « capitalisme de copains » et
que le souci du consensus soit tourné en dérision. Cette attitude
des élites nous ramène à des climats de type 1788, où une
aristocratie arrogante ignore le peuple superbement. ».
Et l'historien Nicolas Delalande de poursuivre : « Tous
les éléments d'une crise sont bien présents, mais il n'y a pas
vraiment de projet alternatif. En 1788, il y avait déjà eu un
travail de sape symbolique et idéologique de la monarchie absolue.
Au contraire, un des effets les plus pernicieux du néolibéralisme,
c'est d'avoir largement gagné sur les imaginaires. »
(p.53). La crise est donc bien là, profonde, très profonde.
Cette
profondeur est d'ailleurs confirmée par un article en apparence sans
lien avec le précédent puisque consacré à la réouverture
-regrettable et regrettée- du parc zoologique de Vincennes. Il faut
se méfier de ce qui apparaît sans lien puisque les liens sont au
contraire patents, le sort réservé aux animaux éclairant bien
souvent celui réservés aux animaux réputés supérieurs que sont
les hommes. Plus de cage, donc, mais 5 « biozones »
imitant les principaux écosystèmes. Plus de barreaux visibles mais
des êtres vivants bagués, confirmant ainsi la pertinence des
analyses de Gilles Deleuze et le passage d'une société de
surveillance (Michel Foucault) à une société de contrôle. En
pages 18 et 19 de Philosophie Magazine
(http://www.philomag.com) de
ce mois-ci, vous tomberez de la sorte sur ce constat fort pertinent
et sans appel : « En somme, ils sont un peu
comme vous et moi : nous sommes libres, et pourtant nos
interactions avec notre environnement sont construites de telle façon
que les dérapages sont rares. Pour eux, cette liberté modérée est
plus viable que la véritable liberté, puisque leur environnement
est en voie de disparition et qu'ils sont souvent victimes des
braconniers dans la nature. A moins qu'il ne s'agisse là que d'une
illusion ? Telle est la question que posent les sociétés de
contrôle, bien plus agréables en un sens que les sociétés de
surveillance, mais où chacun file doux. ».
Ne
pas se laisser totalement piégé et garder la capacité de vivre une
autre vie, peut-être sa vie, la vraie. Tel est l'enjeu pour chacun
et tous en même temps. Cela implique de rompre radicalement pour
revenir aux fondamentaux, aux besoins fondamentaux et de ne plus être
un acteur passif dans une économie qui est sortie depuis trop
longtemps de sa place.
Certes la crise, comme toute crise, est un moment périlleux,
désagréable, mais pourquoi ne pas percevoir en elle une formidable
opportunité de changement ? Il ne faut pas craindre de renoncer
si le renoncement est source de vie, de nouveau départ. D'ailleurs,
pour s'en convaincre majestueusement, ne pas oublier de mettre à
profit la saison estivale pour aller au cinéma et contempler ce
bijou qu'est le dernier film de Pascale Ferran, Birdpeople
(http://www.lemonde.fr/culture/article/2014/06/03/bird-people-vol-au-dessus-d-un-monde-deconnecte_4430776_3246.html).
A la suite d'autres histoires comme Habemus papam ou
Lulu femme nue, il y
est question de révolution
à la fois intime et anthropologique, de rupture pour la bonne cause,
de mutation et de renaissance. Nous n'avons donc pas le choix :
c'est affronter la crise, la faire nôtre, ou alors n'en rien faire
du tout et disparaître.
La
changement -on l'appelle aujourd'hui « Transition »-
s'avère par conséquent global. Evidemment, il présente une
dimension sprirituelle. Evidemment et heureusement pour sortir enfin
du néant dans lequel le matérialisme à outrance nous a plongés.
Tout va devoir être révisé : qui nous sommes, ce que nous
faisons ici, comment continuer. Cela fait peur. Il y a de quoi. D'un
autre côté, pas le choix. Si ça c'est pas une opportunité !
Alors un moyen de se rassurer est peut-être de ne pas y voir un
changement aussi... on dira vertigineux de par sa globalité. Oui, un
bon moyen de ne pas rester statufiés par la peur légitime, c'est de
se raccrocher à ce que nous connaissons et d'agir dessus. C'est là
que l'on retombe sur la consommation responsable,
ambition au rabais pour les uns et action de proche en proche pour
les autres. Elle est les deux mais la considérer suivant la deuxième
perspective est la solution la plus raisonnable pour agir
concrètement. Au programme de vos lectures, pourquoi donc ne pas
vous offrir du temps pour aborder le dossier de Question
philosophie n°5
(http://www.lafontpresse.fr) -décidément,
on va croire que j'ai des actions boursières chez les philosophes,
alors que pas du tout, ce serait le comble du déraisonnable, non?!-.
Intitulé « La société de consommation en question »,
il a pour grand mérite de vous présenter plusieurs synthèses
intéressantes, l'une sur ce que pensent les sociologues de cette
évolution sociétale majeure, l'autre consacrée à sa dimension
existentielle et aux analyses de Gilles Lipovetsky. Et de conclure
sur « l'apprentissage de la modération » qui passe par
des pratiques de
décélération décrites
page 72.
Ces
alternatives
font l'objet du hors-série en format poche d'Alternatives
économiques « Consommer
autrement »
(http://www.alternatives-economiques.fr/consommer-autrement_fr_pub_1301.html).
Ce numéro a l'immense mérite de présenter les problématiques de
fond et des solutions pour lutter contre le gaspillage (p.50),
décrypter les étiquettes grâce à un site et une application
(p.58) ou encore échanger (p.82). A noter, au passage, un
article sur un sujet plutôt tabou et néanmoins bien dans le décor :
« Les pratiques écolos renvoient-elles les femmes à la
maison ? »
(p.101). Il semblerait que non, que ce ne soit pas une question de
pratique écolo mais de pratique sociale, domestique, millénaire,
tout court. Certes, mais le « do it yourself » prôné
par les alternatifs/ves est concrètement réalisé par qui ? Où
l'on voit que la révolution sera globale, par définition comme
toute révolution, ou ne sera pas...
La
transition est toute faite avec... les couches lavables. En donc ce
que nous pouvons, vous pouvez faire concrètement dans la région,
les semaines à venir pour commencer votre métamorphose :
-
suivre
les ateliers couches, maternage, acheter groupés, etc... avec la
Mandragore (http://www.lamandragore.net)
-
vous inscrire, si ce n'est déjà
fait, sur le site du Prétexte (http://lepretexte.fr) pour suivre
toute l'actualité culturelle -au sens très large- de Chambé et sa
région. Et vous recevrez alors le « Fil conducteur »,
bulletin de la Transition en Savoie.
-
vous
marrer en regardant le clip contre la ferme des 1000 vaches
(http://www.youtube.com/watch?v=53jimITjYCU),
ce qui prouve que militantisme ne rime pas avec ennui, mais avec
humour et plein de vie. Une pétition est aussi à signer sur le
sujet... vaste... mais pour faire simple : élevage intensif
avec subventions publiques au titre d'utilisation d'énergie
renouvelable via la méthanisation.
-
participer
à la lutte, elle aussi malheureusement de saison, contre les
abandons d'animaux :
http://www.30millionsdamis.fr/la-fondation/nos-campagnes/oui-a-la-fidelite/#.U6kR7Ci7_34.
Pourquoi ? Parce que eux, c'est nous et marre de voir les
animaleries se gaver de manière irresponsable en vendant des êtres
vivants (d'ailleurs, c'est pas mieux sur certains sites d'échanges
et de ventes en ligne bien connus). Après, qui gère
collectivement ? Les bénévoles, toujours eux, les donateurs
et les contribuables aussi car les refuges sont, avec bonheur, un
peu soutenus par la collectivité publique.
-
prendre
2 secondes pour signer la pétition en faveur de la reconnaissance
de l'animal comme être vivant et sensible, histoire de soigner sa
cohérence
(http://www.30millionsdamis.fr/jagis/signer-la-petition/je-signe/22-pour-un-nouveau-statut-juridique-de-lanimal).
-
relaxer en prenant des cours de
couture ou de vannerie, le truc on se dit « ça sert à quoi,
à rien » ou alors « j'voudrais bien mais j'peux
point ». Faut juste essayer et pour cela deux adresses dans
l'avant-pays savoyard, si loin et si proche de Chambéry :
http://kouahkse.fr, très axé sur la récup' et le recyclage de
tissus, à St-Genix sur Guiers et le couple Mercier, aficionados de
la matière naturelle qu'est le noisetier
(04 76 31 17 50, à la
Bridoire).
-
mater les anciennes chroniques
estivales de ce site car elles fourmillent de bons plans toujours
d'actualité.
-
ne
pas oublier de fréquenter ardemment les jardins car la première
des métamorphoses est à contempler dans ces lieux magiques de
sagesse élémentaire, de quoi s'inspirer et se donner du courage
pour sa propre transformation. Alors pourquoi pas une petite visite
dans les Bauges, par exemple chez Philippe Durand ou chez d'autres
producteurs de plantes (voir
http://www.lherbierdelaclappe.com/revue-de-presse)?
Et pourquoi pas encourager, participer aux sorties et lire les
publications de l'association des jardins du monde
(http://www.jdmmontagnes.org)?
Lire...
lire... toujours lire ! C'est pas du repos ça ! Certes...
mais les longues journées peuvent et doivent servir à cela car
quoi sans ça... lire ? Lire, c'est connaître, et comme
l'écrivait Victor Hugo, « Dans connaître, il y a
naître ». Alors chacun
son rythme. Et puis rien ne vous empêche d'écrire, aussi, pour être
être lus et partager ce que vous pensez et ce que vous savez. Toutes
les énergies seront les bienvenues pour bâtir les fondations d'un
monde nouveau, c'est-à-dire durable et dans le respect du vivant.
©Yolaine
de LocoBio
24
juin 2014
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