Et
un membre de plus dans la grande famille des jolis révoltés:
Bienvenue
à Tante Hilda !
Il
y a des films, comme ça, on a peur d'être un peu injuste avec eux,
d'avoir un regard un peu biaisé. Pourquoi ? Parce qu'ils sont
clairement militants. Or on sait que militantisme et esthétique ne
font pas forcément bon ménage, que les bonnes intentions, les bons
sentiments de l'un, n'agissent pas forcément de manière bénéfique
sur l'autre. C'est le risque avec Tante Hilda !,
film d'animation anti-OGM de Jacques-Rémi Girerd, fondateur du
studio drômois Folimage et réalisateur à succès de La
prophétie des grenouilles ou de
Mia et le Migou
(http://www.folimage.fr/fr/production/dernieres/tante-hilda-100.htm).
On risque de trop le considérer sous l'angle de son engagement
« écolo », direct chiant, et pas assez sous celui, tout
simplement, … du film d'animation. Or c'est d'abord et avant tout
un beau film, certes peut-être pas un grand film, mais les couleurs,
la musique, l'action, la variété et la justesse des personnages
confirment tout l'intérêt de ce genre à part entière qui, cela
fait belle lurette, est bien loin de ne s'adresser qu'au jeune
public.
On
comprend d'ailleurs mieux aussi, au passage, pourquoi la France est
l'un des leaders de l'industrie dans ce domaine, laquelle industrie
est l'une des rares à générer de l'emploi. Mais c'est juste au
passage une petite réflexion à destination des politiques, toujours
enfermés dans le schéma croissance-travail qui me laisse absolument
sceptique (je ne suis pas la seule) pour son obsolescence confirmée.
Voici en effet un secteur d'exception où ce vieux schéma moribond
fonctionne encore un peu, ce qui ne doit d'ailleurs en aucun cas
freiner l'avènement d'un nouveau paradigme économique (au sens
large) fondé sur la révision des notions de croissance et de
travail. En un mot, car ce n'est pas le sujet... le sujet, c'est
Tante Hilda, mais on constatera qu'elle est inspirante : bien
sûr la décroissance et bien sûr l'activité, avec en toile de fond
(vert, pourquoi pas safran) un épanouissement individuel, un retour
au (bon) sens commun et une certaine harmonie avec ce que nous sommes
et ce qui est trop souvent tenu à distance avec le concept
folklorico-loufoque d' « environnement » : la
Nature.
Mais
revenons non pas à nous, comme chantonnait France Gall dans les
années 80 (voir la surprenante version champêtro-provençale de
« Débranche » sur
http://www.youtube.com/watch?v=iK-6EELfnBo), mais à cette tante
éprise de botanique, aux prises avec l'odieuse Dolores, PDG d'une
multinationale qui empoisonne l'Humanité et se fait ensuite du gras
-elle n'en a pourtant pas besoin- en vendant, tiens comme c'est
bizarre, l'antidote. Au passage encore, le roman de l'écrivaine
rhône-alpine Elena Varécy, Tes
mains sur mes hanches (http://www.elena-varecy.com/Le_roman.html)
dépeint exactement le même mécanisme hyper capitaliste et hyper
toxique dans un style que la presse a qualifié avec justesse de
« poético-trash ». Il n'y est pas question d'OGM mais de
prothèses, comme d'ailleurs dans le documentaire récemment diffusé
sur ARTE, Malaise
au pays de la prothèse
(http://www.arte.tv/guide/fr/048728-000/malaise-au-pays-de-la-prothese).
Certes, mais le mécanisme est toujours le même, fait de prédation
et d'intelligence utilisée à mauvais escient. En un mot, la
résultante d'une économie, d'une idéologie qui marchent depuis
longtemps sur la tête, et d'un monde qui, étant à leur triste
remorque, tutoie les abimes. Et nous avec lui. Enfin, hors de lui et
hors de nous-mêmes, ce qui est aussi stupéfiant que gravissime.
Mais
revenons à Hilda. Et on voit, comme cela était à craindre, que
c'est difficile d'en rester à ce personnage attachant ayant pour
voix celle de la pétillante comédienne Sabine Azéma. Encore la
faute au militantisme qui pollue tout, c'est bien connu!:) Trêve
(temporaire) d'engagement, c'est un chouette film qui mérite vos
suffrages et vos sou-sous. Allez-y en famille, ratissez large autour
de vous, profitez de cette période de vacances bien méritée pour y
emmener des gamins dans votre entourage plutôt que de les laisser se
dézinguer aimablement en réseau et tellement ils échangent dans le
virtuel, tellement ils ont même plus besoin de se voir pour de vrai.
Tante Hilda va les vacciner, gentiment leur (re)mettre les pieds sur,
que dis-je, dans la terre.
Elle
fait du bien, cette Tante Hilda. Dommage que les produits dérivés
type album, roman jeunesse -quand même la cible principale, avec les
enjeux que l'on sait-, ou encore le livre documentaire sur la
biodiversité ne soient imprimés ni localement ni avec des labels
écologiques. Dommage ce manque apparent de cohérence. Dommage de
s'arrêter en si bon chemin lorsque l'on prétend ouvrir la voie.
Bien sûr, venant de ce type d'initiative, on exige plus. Bien sûr
que d'une certaine façon, c'est injuste. Je l'avais bien dit. Mais
quand même... comment ne pas se poser la question et la poser à
l'heure où manque et compte tant l'exemplarité ? Heureusement
qu'il nous reste, au fond de nous, la voix intacte de Tante Hilda.
Elle est un peu éraillée mais elle sent bon le courage et la
gaieté.
©Yolaine
de LocoBio
1er
mars 2014
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