Manger bio ?
Pourquoi c'est mieux à tous points de vue
A propos du livre
« Manger bio, c'est mieux. Nouvelles preuves scientifiques à
l'appui »
« Pourquoi manger bio ? »,
telle est la question à laquelle le petit livre vert fluo édité
par les éditions iséroises Terre Vivante
(http://www.terrevivante.org/10-les-editions.htm)
répond dans un format de poche, en à peine 149 pages, pour la
modeste somme de 5 euros. Sa parution remonte à peine au mois
dernier et vous l'avez peut-être déjà vu fleurir à côté des
caisses des Biocoop et autres magasins d'alimentation biologique. Sa
sortie et sa diffusion massive s'expliquent par le contexte de
déni permanent qui affecte la plus-value de ce type d'alimentation.
Les intérêts bien établis dans l'alimentation conventionnelle,
issue d'une agriculture productiviste, standardisée et de moindre
performance au regard des nouveaux critères du développement
durable, sont en effet menacés par l'expansion d'une autre
alimentation, meilleure; aussi les campagnes de dénigrement
sont-elles permanentes et assez agressives. D'où la nécessité
de contre-argumenter.
C'est précisément l'exercice auquel
se livrent trois experts dont la lecture des portraits (pp.7-9) nous
apprend que l'un, Claude Aubert, est ingénieur agronome, qu'il a
participé à la rédaction du premier cahier des charges bio
français -celui d'un label toujours excellent car très exigeant
(Nature et Progrès)- et qu'il a co-fondé les éditions Terre
Vivante où il a longtemps assuré des responsabilités éditoriales.
Le second, Denis Lairon, est directeur de recherche à l'INSERM. A ce
titre, il s'intéresse depuis de nombreuses années aux relations
entre agriculture, alimentation de qualité et santé. Le dernier,
André Lefebvre, est également ingénieur, investi à titre
professionnel et militant en faveur du droit de produire et de
consommer sans OGM ni pesticides. Compte-tenu de l'impact de ceux-ci
sur les rivières et les nappes, il n'est pas très étonnant qu'il
soit actuellement élu au Conseil National de l'Eau. En définitive,
voici des experts exerçant des disciplines différentes réunis
par le même souci de donner aux grand public des clefs pour savoir
ce qui est mieux pour lui. Car le débat entre pro et anti n'a de
sens qu'au regard d'une amélioration de l'information, de
l'alimentation et de la santé de la population ; sans oublier
« l'environnement », si tenté que ce mot puisse avoir un
sens réellement, l'espèce humaine étant partie prenante de
celui-ci.
Vous trouverez donc dans ce court
ouvrage deux parties. 100 pages sont d'abord consacrées à un long
argumentaire en faveur d'une nourriture biologique. Elles passent
en revue les 10 aspects suivants de la problématique et
montrent :
-
la richesse supérieure en
nutriments et en antioxydants de ce type de nourriture
-
le caractère plus sains des
produits transformés
-
le fait que « manger bio »
est généralement lié à une prise de conscience plus globale et
au constat de meilleures pratiques alimentaires
-
la limitation des risques liés à
l'usage des pesticides
-
la sécurité et l'absence de
contaminations microbiennes supérieures au conventionnel
-
une moindre nocivité en matière
d'azote et de nitrates
-
un impact positif sur la santé
-
un environnement moins dégradé
pour nous et surtout les générations à venir
-
un coût de revient qui n'est pas
toujours supérieur, la possibilité de s'appuyer sur des labels
fiables, un intérêt sociétal majeur de par sa contribution à
la sauvegarde de l'agriculture paysanne et sa capacité à résorber
le problème de la faim dans le monde
-
enfin, le rappel indispensable que
l'agriculture biologique ne date pas d'hier et qu'elle recourt à
bien des techniques... ce qui explique d'ailleurs sa haute valeur
ajoutée et tout l'intérêt qu'elle revêt pour la création
d'emplois.
Vous trouverez ensuite une trentaine
de pages avec des recettes pour cuisiner bio « sans se
ruiner », c'est-à-dire à moins de 1,20 euros par personne et
par plat. Ce sont surtout des soupes et des plats uniques qui
sont proposés, non exclusivement végétariens, comme par exemple le
bortsch ou la salade de pois chiches. A ce propos, il serait
peut-être nécessaire de plus insister sur la nécessité de ne
pas changer d'alimentation du jour au lendemain car les
légumineuses, si elles présentent un avantage appréciable comme
alternative à la viande, sont de digestion parfois très difficile.
Il est donc souhaitable d'introduire progressivement des changements
plutôt que de décréter de manière très intellectuelle que
désormais ce sera ainsi et pas autrement. Autre petit bémol :
la cuisson à la cocotte-minute n'est pas la meilleure des cuissons
pour conserver la qualité des aliments car elle est trop violente.
De plus, l'eau de cette cuisson est généralement, à tort, jetée.
Or c'est dedans que ce trouvent beaucoup d'éléments intéressants
pour le corps. Du coup, il est préférable de cuire moins
intensément et moins longtemps dans la mesure du possible afin de ne
pas nourrir votre évier plutôt que vous. A vrai dire, on
regrette un peu l'absence d'idées de desserts assez simples et
peu coûteuses comme des verrines à l'agar-agar, à la compote de
pommes et aux spéculoos ou simplement des aumonières à base de
briques, de pommes poêlées et de vanille. Cet ajout aurait permis
de donner une idée de repas complet conforme aux pratiques
alimentaires majoritaires dans notre culture, alliant salé et sucré.
L'ouvrage se termine sur une
bibliographie qui fait apparaître de solides références
scientifiques. Il est mentionné que des références
complémentaires sont disponibles sur le site
http://www.mangerbiocestmieux.fr. C'est effectivement le cas, en plus
d'informations plus récentes sur le sujet. On notera peu
d'auto-citations dans cette bibliographie, ce qui est reconnu pour
être un signe de sérieux. On notera également la présence de
quelques personnalités de l'actualité récente : Gilles-Eric
Séralini, auteur de « Tous
cobayes ! OGM, pesticides, produits chimiques »
(http://editions.flammarion.com/),
Marc Dufumier et Olivier de Schutter, interviewés dans le
dernier reportage de Marie-Monique Robin, la réalisatrice du
documentaire « Les moissons
du futur » (http://robin.blog.arte.tv).
Vous trouverez en dernier ressort un
index général précédé d'une liste indicative des principaux
acteurs de la bio en France: organismes comme Bioconsom'acteurs
et Bio Cohérence (label bio lancé après la mise à l'écart de
fait de l'AB avec le nouveau cahier des charges européen en 2010);
presse grand public ou professionnelle comme la revue de Nature et
Progrès et Alter Agri.
Vous le constatez, ce petit livre
est riche. Il est très instructif à la fois pour les novices et les
plus initiés. En le refermant, on y voit plus clair quant à
l'intérêt nutritionnel, sanitaire et environnemental de consommer,
donc de produire bio.
J'aimerais maintenant passer en revue
quelques points, qui sont autant de connaissances nouvelles pour
moi, de motifs de révolte et de pistes à explorer :
-
Il est dit que « peu
d'études se sont intéressées, hélas, aux teneurs en
oligo-éléments (manganèse, iode, sélénium) des sols
(p.17). Effectivement, c'est une lacune qu'il serait souhaitable de
combler car elle a une influence sur la qualité des aliments.
-
Ce que mangent les bêtes
est aussi, bien sûr, mis en avant (p.19). Cela rejoint, plus
globalement, ce que l'on appelle « la condition animale »
et qui, trop souvent, semble se ramener à une amélioration du
bien-être des animaux dont peu voient l'utilité. A partir du
moment où de la viande est consommée, il serait pourtant logique
de s'intéresser à ce sujet plutôt qu'à toute force vouloir en
faire manger dans les cantines, hôpitaux ou maisons de retraite,
sous prétexte que c'est la norme dans notre culture. Ce qui
serait plus normal, ce serait d'apporter aux autres êtres vivants
les mêmes soins que l'espèce humaine réclame pour elle-même;
ce pour des raisons pragmatique (tant qu'à manger de la viande,
autant qu'elle soit bonne) et éthique (qui peut à ce jour assurer
que les séparations établies par nos esprits très cartésiens
entre les êtres vivants, reprises par des secteurs comme
l'économie, ne sont pas arbitraires, vaines et d'un certain point
de vue contre-productives car profondément mortifères?).
-
Evidemment, l'avantage
nutritionnel est augmenté si l'on consomme des produits bio, locaux
et de saison. Ainsi, la vitamine C, très fragile et si
essentielle à la santé, est mieux conservée (p.21).
-
Il est pénible et honteux de
constater (p.24, 25, 47, 72, 73) que les animaux, encore eux,
n'en finissent pas de faire les frais des désordres de notre
alimentation. Cette fois-ci, ce sont les tests dont ils font
l'objet qui sont abordés -d'ailleurs avec un naturel assez
surprenant, voire inquiétant- par les auteurs. Soulignons
qu'une partie de ces derniers sont chercheurs. Or il est connu que
les tests représentent dans ce milieu professionnel une routine
dont les acteurs ne sont même plus forcément conscients. Laquelle
routine est loin d'être montrée au grand public qui s'en
effraierait légitimement mais qui pourrait en faire tout autant,
même davantage, à propos des tests en cosmétiques. Car si le
recherche médicale commande peut-être, c'est à voir, certains
sacrifices, équitablement partagés entre espèces -dont l'humaine,
en rien supérieure aux autres comme cela est déjà dit par des La
Bruyère ou des Voltaire- et menés suivant une certaine
déontologie, cela n'est pas le cas de la cosmétologie dont
l'intérêt est avant tout commercial. On se souvient des images
récentes, effarantes, repoussantes, des rats gavés d'OGM. Le tout
n'est pas de jeter sa télé ou de zapper mais il est de savoir et
d'en tirer les conséquences. Encore une fois, il est absolument
sidérant que des animaux fassent l'objet d'expériences pour
connaître l'impact d'une agriculture que l'on sait déjà
désastreuse. On veut quoi? Toujours et encore plus de morbide?
Assez, assez, assez! L'agriculture dite biologique n'aurait jamais
dû disparaître. Sommes-nous donc désormais condamnés à des
combats et à des labels, à ces expériences sordides pour revenir
à l'évidence? Sincèrement, si des gens ne comprennent pas ce
monde, c'est plutôt bon signe pour eux car il n'est pas
incompréhensible: il est tout simplement dingue et instrumentalisé
par une minorité d'acteurs qui tirent clairement profit de ce
système devenu tel depuis finalement peu de temps à l'échelle de
l'Histoire.
-
Comme par hasard, les études
concernant les effets d'une alimentation bio sur l'être humain
manquent (p.74). En l'absence de données, difficile de défendre
une alternative. A charge aux pouvoirs publics de pourvoir
correctement les équipes de recherche afin de combler cette
lacune regrettable. Et que l'on nous sorte pas l'argument de la
crise, du manque de deniers, car ça commence à suffire, cette
comédie. On trouve bien de l'argent pour renflouer les banques
quand ça arrange, alors un peu de décence et des moyens pour la
recherche, d'intérêt collectif, elle.
-
Dans la série « On marche
sur la tête mais c'est pas grave »: voir le passage sur le
coût exorbitant de la décontamination des eaux suite au rejet
de nitrates et pesticides (pp.84-86). Là, pour dépenser de
l'argent discrètement, on parle moins de crise. Et pourtant, il
faudrait et il faudra bien économiser là où c'est possible. Cette
piste d'action implique aussi d'investir plus dans l'information et
l'accompagnement des agriculteurs qui voudraient passer à de
meilleures pratiques.
Il est certain qu'éclairant, ce
livre présente toutefois un léger défaut. Ses auteurs sont d'une
certaine façon juges et partie. Ils prônent ainsi pour une
chapelle, le bio certifié, à laquelle ils appartiennent et qui
ne devrait pas être le seul recours pour gager de la qualité d'une
alimentation saine. Mais ils le signalent et le reconnaissent
eux-mêmes (p.12), ce qui est une preuve d'honnêteté par rapport à
d'autres qui cachent carrément des conflits d'intérêt. D'un
certain point de vue, comme il s'agit d'un débat de haut vol, on est
obligé de faire confiance à des personnes qui mettent leurs
compétences au service de pratiques meilleures pour la collectivité.
Par ailleurs, il est dommage que la
question des composants nanotechnologiques ne soit pas évoquée.
On se préoccupe en effet des pesticides et des OGM. On fait des
tests, on rajoute des clauses dans les cahiers des charges... mais
qu'en est-il des nanotechnologies en plein essor dans notre
alimentation aussi?
En définitive, cet ouvrage invite
chacun à mieux s'alimenter et en donne la possibilité à
l'ensemble de la population. Or que la population s'alimente mieux
et soit en meilleure santé, voilà un sujet au plus haut point
économique et politique. Pour une raison simple: nous sommes
dans une société vieillissante. Par conséquent, à côté
des indicateurs classiques -économiques, PIB et croissance en tête,
et démographiques (mortalité, etc...)- vont émerger des
indicateurs complémentaires comme l'espérance de vie sans
incapacité (p.113). Laquelle n'est en rien associée à un
quelconque confort inutile: elle a au contraire totalement à voir
avec l'économie car une meilleure santé se traduirait par une
baisse des coûts pris en charge collectivement et
individuellement. S'il faut argumenter, alors on argumente et
c'est donc tout vu. Bon, bien sûr, on est encore loin de voir
prévaloir un indicateur comme le Bonheur National Brut. Mais qui
sait... avec un peu plus de temps et de pédagogie, on y arrivera
peut-être, à force.
Outre un cadeau que vous pouvez vous
faire ou offrir alentour, voilà donc une source de documentation que
je recommande et qui va participer à animer un débat passionné car
passionnant et lourds d'enjeux à l'avenir comme déjà au présent.
@Yolaine de LocoBio
27 novembre 2012
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