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Cogitations et actions
Chronique 22
28-09-2009
Dans la solitude des champs de cardère

 
Lu ce mois-ci un dossier assez passionnant sur les fibres naturelles paru dans la revue mensuelle L’Ecologiste. Il y est question de leur renouveau, phénomène illustré par différents articles consacrés à la laine, à la cardère (sorte de chardon utilisé pour peigner les tissus), au chanvre, au lin, à la soie, au coton (« bio ») et au bambou (écolo ?). Cette thématique est confidentielle. Preuve en est : qui est au courant que 2009 a été désignée par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) « Année internationale des fibres naturelles » ? Pas grand monde. Cela va-t-il changer quelque chose ? L’Histoire dira. Peut-être trop d’années baptisées ceci-cela. Beaucoup d’effets d’annonce, de dépenses pour des rencontres au sommet suivies de peu d’effets concrets. Mais c’est un autre sujet. Gardons nos moutons.

Si confidentielle soit-elle, cette thématique et ce dossier me donnent toutefois l’occasion de revenir sur deux points essentiels pour qui s’intéresse plus généralement aux moyens de promouvoir une économie alternative.

First, la sensibilisation de l’opinion publique est nécessaire car, comme nous en a convaincu encore récemment le chanteur Bénabar, « l’effet papillon » mérite que l’on croie en lui. Oui, l’initiative individuelle et l’amélioration des pratiques à la plus petite échelle ont déjà et auront un rôle pour rendre le développement plus durable.Voir à ce sujet la meilleure gestion des déchets avec des containers tantôt enfouis tantôt proéminents, en tout cas toujours marrons, verts et jaunes flashy. Bien sûr qu’il faut soutenir des mouvements comme celui des « consomm’acteurs ». Que d’initiatives réussies leur reviennent comme le lancement de logiciels libres. OK. Mais attention à ne pas trop charger l’individu et à le culpabiliser de fautes –oui, de fautes- qui ne relèvent pas que de lui. C’est le passage suivant qui m’inspire cette réflexion : « Le fuseau et le rouet ont rythmé le quotidien de l’humanité pendant des millénaires. Qu’en reste-t-il aujourd’hui dans les pays occidentaux ? Le rouet, comme symbole de non-violence associé au combat de Gandhi, qui voulait le réintroduire partout. Ce qui n’est guère imaginable aujourd’hui, mais nous pouvons au moins contribuer au maintien de filières textiles locales en achetant leurs productions » (p.23). Acheter leurs productions. Certains voudraient bien mais c’est objectivement très cher même si on n’est pas un obsessionnel du shopping et que l’on ne change pas de pull comme de chemise. Beaucoup aimeraient faire sincèrement plus mais ne peuvent pas à cause du coût. Il faut bien veiller à ne pas réduire le citoyen à un consommateur et à ne pas considérer qu’il est responsable de tous les méfaits de la situation actuelle. Le risque, c’est juste la mort du politique et une pression tellement forte que le citoyen préférera la facilité de l’esprit consumériste. Quitte à vivre et mourir frustré. Mais ça fait après tout partie du même lot.

Ce dossier apporte en second lieu une nouvelle preuve qu’il faut d’urgence rompre avec la valeur d’inculture dominante et garder l’esprit ouvert : ne pas perdre ce qui n’est pas encore perdu, envisager une même chose sous différents angles et établir les connexions propices à la restructuration d’économies locales.

Je reprends point par point :Ne pas perdre ce qui n’a pas encore été perdu. On pourrait parler de la biodiversité naturelle, de la richesse de la Nature. C’est encore un autre sujet (décidément, tu vas les garder tes moutons ?!). Envisageons la biodiversité culturelle et tout ce que l’Homme –avec sa part incompressible, et c’est tant mieux, de féminité…- a pu imaginer d’intelligent au cours de sa longue évolution. Envisageons un instant les filières encore existantes. Leur survivance implique des emplois, des savoir-faire et des bâtiments spécifiquement dédiés à une activité professionnelle. Voir à ce sujet l’article « Comment la filière lin a résisté » (pp.27-28) où l’on apprend avec stupéfaction que « la France est de loin le premier producteur mondial ». Le but n’est pas d’être cocardier, bien qu’un « Cocorico » fasse du bien de temps en temps, surtout à jeun. La question est juste de savoir pourquoi on ne le sait pas, pourquoi cela n’est pas dit alors que les usages de cette plante sont multiples : du textile pour les vêtements et l’ameublement aux portières de voiture, en passant par la peinture et l’alimentation du bétail. Mais que font les professeurs chargés de la rédaction des manuels scolaires ? Et que font les media ? On aimerait bien arrêter de leur taper dessus, mais franchement, c’est quand la télé alternative ?

Envisager une même chose sous différents angles. D’accord, « chose », c’est pas terrible. Surtout quand ça renvoie à une plante. Mais bon, l’idée est là. C’est de rompre avec les schémas étriqués et les clichés du style « le chanvre, c’est tout juste bon à tailler des pantalons amples pour post-baba-colls’. Même pas mal parce que j’en fais pas partie vu que les pantalons en chanvre, faut sûrement les repasser et que je me demande à quoi peut bien ressembler un fer. Râté car ses usages sont eux aussi multiples. Il sert à « faire du papier, du béton, des sièges automobiles» (p.25)… tellement que son utilisation vestimentaire est en réalité anecdotique. Pourquoi donc opposer ressources naturelles et production « moderne » comme ces chers sièges auto ? Pourquoi ne pas reconnaître, faire connaître et développer ces ressources au lieu de, culturellement, encore promouvoir le tout synthétique ringard ? Ah, j’avais oublié, on n’en est plus au roi-synthétique de mes cols roulés orange des années 70 : on en est au high tech des… nanotechnologies. Ouille, voilà autre chose. Mais tu vas les garder tes moutons, oui ou…!

Enfin, établir les connexions propices à la structuration d’économies locales. Cela signifie par exemple encourager la production d’huiles essentielles car les laines lavées doivent recevoir un traitement anti-mites. Des agriculteurs pourraient ainsi avoir une partie de leurs revenus sécurisés par ce débouché et s’installer plus confiants. On apprend aussi qu’une partie des eaux de lavage sert à l’épandage agricole pour les terres nécessitant un apport agricole (p.23). Que de complémentarités déjà existantes ! Que de synergies territoriales à cultiver précieusement ! (Quelle exaltation bucolique!). C’est drôle, ça me fait penser au bouquin sur le compagnonnage au potager Le poireau préfère les fraises de Hans Wagner. Où il est question de s’implanter non pas aléatoirement – toute ressemblance avec La Main Invisible est volontaire- mais à proximité les uns des autres pour s’entraider mutuellement et mieux croitre. Tiens, tiens, tiens… Eh ! Les moutons se barrent !

Cette économie revivifiée par des interactions transversales aussi denses que locales ne peut que prospérer grâce aux nouvelles exigences écologiques. Il faut en effet absolument que le canon de la durabilité profite au développement local, ne pas rater ce coche comme le précédent. L’exemple le plus connu est sans doute la relance de la culture du chanvre pour la construction (béton, isolation thermique, mortiers, parpaings et enduits de finition : rien que ça !). Je terminerai en relevant p.28 le cas des fibres de lin qui font actuellement l’objet de recherches approfondies (comme toute recherche digne de ce nom, installée dans la durée et dignement soutenue par la puissance publique… mais zut ! Crotte de bicoune ! Je m’égare avec mes moutons !). Leur objet est de les substituer aux fibres de verre qui sont très peu performantes en matière de recyclage.

Recyclage, cycle de vie, circuits-courts et boucles locales : on nage en pleine métaphore circulaire. Encore une lubie d’utopiste épris de zénitude hors sujet! Eh oui. Puisque l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt pour incarner –au plus tôt- leurs rêves. 

 

 
© Yolaine de LocoBio, septembre 2009

 

 
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