Chronique
151
Mini-guide
LocoBio de Brest
Bon, vous n'étiez pas
forcément au courant ou, faisant partie de ceux au courant, vous
vous moquiez un peu de moi et de mon rêve d'aller à Brest.
Quelle drôle d'idée, une ville-port-arsenal au bout de tout, c'est
limite si on sait où la situer sur une carte, et ce crachin et tout
et tout... et tous les mauvais arguments quand on ne connait pas,
quand on a la paresse de surfer sur des clichés totalement infondés.
Eh bien moi, je me suis toujours moquée de ces a priori et aller à
Brest était, si si, un des buts de ma vie ! Et j'avais bien
raison car c'est en fait une ville-monde c'est vrai un peu
étrange, bizarrement foutue, mais au charme évident, si attachante.
Du coup, vous me connaissez et même si mon second but était de
déguster un Paris-Brest de mon enfance justement à Brest (chose
faite, mais en fait gâteau acheté à Morlaix, à la pâtisserie
Martin), je n'ai pas pu m'empêcher de travailler pour LocoBio. Alors
une fois n'est pas coutume, j'ai repris ma casquette d'auteure du 1er
guide éco-citoyen de Chambéry et sa région -même si les
chroniques font dès que possible office de recommandation d'autre
chose que des livres-nourriture à penser- et je vous propose à
la suite de quoi consommer responsable dans cette ville-phare et
c'est peu de le dire.
Je pourrais bien sûr
vous conseiller d'aller direct acheter un bon Kouign-amann sous vide,
des chocolats fourrés au beurre salé ou, must du must, des babas
raides de rhum, conservés en bocal, à la boutique Le pompon de
Brest (https://www.pompondebrest.com). Ça, c'est si je n'étais
pas raisonnable et vous non plus, donc on va pas commencer en se
lâchant tout de suite... mais quand même, je peux attester que ça
vaut la peine, histoire de se mettre un bon shoot de sucre et surtout
de beurre d'entrée de jeu, de partir avec des souvenirs qui, déjà,
si vite, bien vite, de retour dans des montagnes pourtant chéries,
donneront vite envie de regagner une Bretagne non moins chérie.
Je pourrais bien sûr
aussi vous dire de poursuivre vers le bas de la ville, toujours le
long de la fameuse rue de Siam, et passer, enfin plutôt passer
une heure, deux heures, enfin carrément la journée dans LA
librairie culte de Brest, Dialogues
(https://www.librairiedialogues.fr).
C'est simple, c'est tout bonnement un ensemble de boutiques
rassemblées et spécialisées chacune qui dans la papeterie, qui
dans les stylos, qui évidemment dans les livres. C'est simple, quand
vous y pénétrez, c'est comme pénétrer dans un temple car le
bâtiment principal est sur plusieurs étages, assez clair et regorge
d'ouvrages, que ce soit pour s'initier au breton (bon courage :
belle langue, tout un univers et toute une grammaire;)) ou, en
période de 1er sommet mondial sur l'océan comme ce fut le cas en
février dernier, d'essais sur ce sujet légèrement délaissé. On
est bien accueilli, et c'est vrai de manière générale, ce qui peut
d'ailleurs un peu agréablement changer des montagnes pourtant
chéries, et on est bien conseillé. A ce titre, j'ai acheté avec
curiosité, motivation et empressement mon premier manuel de
breton... et je dois dire m'être arrêtée pour l'instant à la page
2 car, malgré ma motivation, je préfère pour l'instant lire les
contes en version bilingues français-breton. Je n'exclus pas de m'y
(re)mettre mais je préfère poursuivre en vous parlant d'adresses,
enfin plutôt de personnes, qui ont à mon sens davantage besoin d'un
coup de projecteur, dont la démarche serait plus LocoBio.
Une visite s'impose
ainsi à Madame Bout de Bois
(http://www.madameboutdebois.bzh),
dans le haut Jean Jaurès, ce qui signifie pour l'instant un quartier
donnant un peu l'impression de se chercher mais ne donnant pas trop
d'inquiétude, sauf bien sûr si les investisseurs en immobilier se
ruent sur Brest comme ailleurs et font grimper les prix sans que cela
dynamise réellement le tissu urbain. A ce sujet, heureusement que
contrairement à Rennes par exemple, le TGV n'arrive pas jusqu'aux
extrémités finistériennes car c'en serait fini d'une certaine
abordabilité et plus certainement d'une certaine convivialité, n'en
déplaise aux aménageurs de tous bords et à tout crin. Alors dans
cette boutique située sur la colline, en-haut de la rue de Siam pour
situer en gros, que trouve-t-on ? D'abord la Madame Bout de bois
en question, caractère d'artiste bien trempé et appliquée à
écouter ce que les branchages ramassés généralement en forêt ont
à lui dire. Son antre conviviale fourmille donc de sculptures
soufflées par les formes de la matière naturelle, lesquelles
peuvent faire surgir un danseur, un couple... En tout cas, que ce
soit pour les sculptures déjà existantes ou pour réaliser un
cadeau sur commande, ou encore pour faire participer vos bambins à
des ateliers, c'est une escale top.
Dans le coin, il y a
aussi le siège de l'Heol, la monnaie locale
(https://heol-moneiz.bzh). Une visite y est aussi intéressante pour
trouver de la documentation qui ne peut laisser indifférent qui
s'intéresse à une démarche de consommation LocoBio,
c'est-à-dire le plus locale et le plus écologique possible. Sur
leur site, vous trouverez aussi l'annuaire des parties prenantes,
sachant au passage que l'un des problèmes des monnaies locales est
que ça a été et ça demeure encore à la mode. Et donc les
collectivités, comme d'habitude, ont investi le truc après un
travail de défrichage bénévole fait par des militants, ont mis
quelques deniers pour des emplois plus ou moins précaires, ont tiré
sur la corde du service civique pas cher, bref c'est difficile de
faire des miracles, de tenir sur la durée, avec juste des bouts de
chandelle. Encore une illustration de la non-solubilité de la
volonté politique dans juste l'affichage politique. Aussi, pour
terminer sur ce cours chapitre, on peut sincèrement vouloir jouer le
jeu de ces monnaies mais on accepte alors de ne se servir que chez
les partenaires. Or en trouver suppose un travail de démarchage
(voir problématique ci-avant car cela prend du temps) et ces
partenaires peuvent au final être chers. Ainsi, je me suis entendu
dire par une personne sachant de quoi elle parlait : tout
le monde ne peut pas lâcher chaque semaine 100 euros à la Biocoop.
Vaste sujet du prix, mais quand même, cela me semblait intéressant
d'en reparler au passage.
Sur le passage,
toujours dans le coin et en évoquant les épiceries bio
justement, vous aurez le choix entre une épicerie participative
fermée au sens où ne peuvent y acheter que les personnes ayant
acheté des parts ou l'épicerie bio devenue classique, ouverte au
tout-venant : Ticoop (https://ticoop.fr)
d'une part et Kerbio centre-ville (www.finisterra.fr).
Dans les deux cas, vous trouverez de quoi vous régaler et vous
nourrir de bons produits locaux, beaucoup à base de sarrasin, dont
les chips à base de cette "céréale" sans gluten et si gouteuse, sans
parler de la farine qui vous permettra de réaliser vous-mêmes des
galettes tenant bien au corps. Perso, je demeure un peu songeuse face
au premier modèle car je n'aime pas trop par principe ce qui est
fermé et, surtout, je ne vois pas l'intérêt d'avoir pignon sur
rue, de n'être donc pas qu'un point de chute pour abonnés-initiés...
et tout ça pour que quand on rentre, si quelque chose nous
intéresse, on ne puisse pas l'acheter. Je veux bien que fermer
l'organisation permette certainement le recrutement et
l'investissement des membres dans une dynamique locale, via par
exemple la commission d'achats, mais en quoi permettre au quidam
d'acheter certes sans remise propre aux membres nuirait-il à la
dynamique en question ? Si on veut tirer la conso responsable
vers le haut, pourquoi se priver d'achats plus ou moins réguliers de
non-membres, voire de touristes qui, oui oui, comme moi, viennent
ponctuellement à Brest ? Je ne vois pas bien l'intérêt, c'est
comme se tirer une balle dans le pied alors que c'est déjà assez
difficile comme ça, et surtout ça donne un petit air sectaire qui
contribue à discréditer la notion de local ; et ça non plus
on n'en a pas besoin. M'exprimant ainsi, je fais part d'une certaine
frustration que j'ai pu éprouver en tant que consommatrice
potentielle dans le premier commerce et en tant que personne
réfléchissant depuis assez longtemps sur ces questions. Le fond de
la question est ce que l'on veut vraiment, quel est notre intérêt
pour booster la consommation locale propre et, à ce titre, je
préfère la logique des Biocoop de Rennes
(scarabee-biocoop.fr, parmi d'autres dans la même métropole) qui
permettent, moyennant l'achat minimal d'une part dans les 30 euros,
de disposer d'une remise en tant que consomm'acteur, de participer à
différentes activités au niveau local mais permettent aussi à la
personne de passage de trouver ce dont elle a besoin tout en
participant au dynamisme d'une vie économique locale alternative. Je
mentionne cet exemple de Rennes tout en spécifiant que ce système
doit bien exister aussi à Brest mais que j'en ignore l'existence. Je
fais simplement remonter un sentiment et cette sensation d'exclusion
qui m'anime parfois et que je trouve à l'opposé du but recherché.
Mais cela dit, je me trompe peut-être et libre à vous de me faire
part de vos remarques à ce sujet sur
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. Je ne manquerai
pas de relayer des informations pertinentes dans de futures
chroniques si c'est le cas.
Toujours côté
épicerie bio, mais dans un quartier cette fois moins commerçant,
même moins vivant tout court et on sent bien que l'ouverture récente
de ce commerce fait déjà du bien, il me faut mentionner Le local
des locaux, rue Richelieu
(https://www.instagram.com/le_local_des_locaux_brest). Sous l'égide
de Julien Dessain qui s'évertue à s'achalander au maximum en
produits de qualité, cette ravissante boutique vous permettra, une
fois n'est désormais pas coutume, de vous ravitailler en vrac ou de
faire travailler l'illustratrice locale qui a fait sa charmante carte
de visite. On attend avec impatience une terrasse avec un bon café
ou une bonne bolée de cidre sous le soleil de Brest car, lui aussi
tout autant que le crachin, n'est pas une légende et il est bien
doux, même en février.
Pour en finir
(temporairement;)) avec la nourriture, je ne peux pas ne pas
mentionner non pas des magasins en particulier mais des produits
qui m'ont frappée. D'abord le chocolat -noir au thé Earl Grey, un truc de dingue- de l'entreprise basée non loin, à
Morlaix, Grain de sail (https://graindesail.com/fr) dont on
retrouve le voilier cargo sur les étuis. En effet, outre le goût de
l'aventure tout court, cette équipe se caractérise par divers
engagements dans la véritable aventure de la Transition écologique
parmi lesquelles l'usage d'une embarcation créée ad hoc pour
transporter de part et d'autre part de l'Océan ses matières
premières. Vous pourrez aussi craquer pour une bonne confiture à
base des célébrissimes et délicieuses fraises de Plougastel
(de l'autre côté du pont, au sud de Brest en allant vers la
presqu'île de Crozon). Moi, mon pot provient de l'entreprise Bois
Jumel mais j'imagine bien qu'elle n'est pas la seule et que vous
pouvez sans doute vous pourvoir aussi chez Lapic Sivi...
sachant qu'il y a aussi sur place un musée de la fraise et que le
chutney à la fraise, c'est pas mal aussi avec du riz.
Bon, on l'aura compris,
« faire du LocoBio » est de nos jours, enfin et
heureusement, plus facile que quand nous avons lancé notre think
thank lobbyiste vert en 2007 (rien que ça!;)). Mais d'abord cela
n'est jamais acquis, loin de là, et ensuite on voit bien où le bas
blesse : la nourriture domine toujours. Or si se nourrir bien
est un besoin primordial, la vie et la consommation ne s'y limitent
pas. En clair, à quand un ordinateur LocoBio, même si j'en entends
déjà hurler quelques uns : mais c'est quoi cette course à la
consommation, en plus des appareils informatiques pas forcément
nécessaires, et la décroissance, et la sobriété heureuse, bon à
la rigueur s'ils sont réparés ? Bien sûr, évidemment, qui
dira le contraire ? C'est simplement que développer, malgré
tout, des articles dont on peut aussi avoir besoin, dans un autre
domaine que la nourriture, le tout avec un cahier des charges
LocoBio, ce n'est ni donné ni gagné. Je voudrais donc ouvrir le
champ et faire honneur à deux initiatives. La première
concerne l'entreprise Ma Kibell (https://makibell.com),
spécialisée dans les cosmétiques artisanaux, pas tous bio
d'ailleurs. J'ai connu cette marque lors d'une virée dans la jolie
ville de Morlaix où le gérant de la boutique qui les vend a pu me
parler des produits, de leur genèse et de leur évolution, et je
dois dire que cela tranche toujours quand on tombe sur quelqu'un de
convaincu et de compétent, d'honnête aussi. Pour ma part et pour
l'instant, j'ai acheté un dentifrice solide aux argiles et aux
huiles essentielles qui rend mon sourire enfin assez carnassier, donc
je suis satisfaite;). J'ai aussi acquis, pour une somme toujours
modérée, le gel douche nature aux algues spiruline et le beurre
hydratant corps-visage. Bon, je ne suis pas trop du genre à montrer
mes fesses sur les réseaux donc je vous demande de me croire sur
parole: tous ces produits ne font que me régénérer, m'embellir...
même si la base n'était pas non plus trop mauvaise et donc je dois
avant tout remercier mes parents. A savoir que cette entreprise
propose aussi des produits d'entretien du type lessive
écologique ou savon détachant mais je ne peux pas en dire plus, ne
les ayant pas (encore) essayés.
Je terminerai cette
balade brestoise en saluant le café-librairie solidaire Sapristi
qui, de l'autre côté de l'assez vertigineux et impressionnant pont
de Recouvrance, au-dessus de la Penfeld, vous accueille lui aussi
chaleureusement. Il s'agit d'un lieu et d'une association, créés à
l'initiative de Baptiste Davoud, qui cherchent à conjuguer accès à
la culture via des livres d'occasion vendus peu cher, écologie et
emploi pour des personnes en étant éloignées. Il est visiblement
question qu'un autre lieu ouvre dans le même esprit et on ne peut
que s'en féliciter car cela témoigne d'un dynamisme dont je suis
repartie convaincue. Sachant que concernant Brest de manière plus
générale, je vous avais déjà entretenu dans une précédente
chronique de la démarche également engagée par la métropole en
matière de plan alimentaire local, démarche dans laquelle
est d'ailleurs impliquée l'association Vert le jardin,
d'ailleurs pas seulement basée à Brest mais aussi notamment à
Rennes. Sur leur site https://www.vertlejardin.fr,
vous pouvez utilement trouver une carte des composts et jardins
partagés en Bretagne, de même que des formations et de l'aide pour
vous lancer dans cette aventure, véritable aventure aussi du compost
et du jardin partagé.
Et voilà, vous
constatez comme moi que Brest vaut plus qu'un détour et de bien
pâles clichés et, peut-être comme moi, vous n'aurez qu'une
envie : bien vite y retourner, crachin, tempête ou non, pourvu
que j'y vois le soleil si beau s'y coucher vers de mystérieux
horizons.
Citoyennement vôtre,
©Yolaine de LocoBio,
Mars 2022
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