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Chronique 150
03-03-2022

 

Chronique 150

Un peu de légèreté et vive les lapins !


 

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Ce n'est pas une légende : s'informer et militer un tant soit peu pour faire avancer la cause de la Transition écologique pompe quotidiennement beaucoup d'énergie. Or, n'en déplaise à ceux que ça n'intéresse pas ou qui sont clairement (et honteusement) contre, il faut tenir, oui tenir sur la longueur... laquelle longueur on espère quand même la plus courte possible vu l'importance et l'urgence des enjeux. J'étais donc une fois de plus dans une librairie, à traquer les nouveautés vraiment nouvelles au rayon écologie quand un livre a attiré mon attention : Eloge du lapin, de Stéphanie Hochet, publié aux éditions Rivages. Mon premier réflexe fut de chercher à, en quelque sorte, me ressaisir car j'avais en fait très peu de temps pour descendre si bas, si près du sol, si près d'un animal certes mignon mais qui avait sans doute très peu à voir avec les grands et sérieux sujets qui m'occupent. Puis, heureusement, je me suis vite ravisée ou du moins un pompon invisible et bienveillant m'a rattrapée. Et je suis retombée dans le trou, tout comme l'a fait Alice en son temps mais aussi une certaine Solveig qui est, on dira, mon double dans un roman écrit par un autre de mes doubles (vous me suivez?;)), Elena Varécy, roman totalement sous ascendant lapinesque intitulé Un-je-ne-sais-quoi d'Anconina. En même temps, retomber dans le trou comme en enfance, quand on voit l'actualité consternante à pleins tubes, il y a plutôt de quoi.

Comme moi, vous prendrez donc ce délicieux éloge d'un non moins délicieux animal d'abord comme un refuge. De douceur, de farce, de saine régression. Mais cet ouvrage ne se limite pas à cela car, soigneusement documenté, il informe sur la bête en question autant sur le plan vétérinaire que littéraire. On suit sa propagation à la surface du globe comme dans notre imaginaire et son omniprésence frappe à toutes les époques, sous toutes les latitudes, dans son ambivalence puisqu'il est à la fois très fragile et très fort grâce à sa malice, son instinct grégaire mais surtout une formidable vitalité. Plaisante, sensible, juste comme ne peuvent l'être que les réflexions nées d'une véritable expérience de vie commune avec cet être divin si terrestre (et inversement), la présente réflexion n'invite pas seulement à le regarder d'un autre œil et à s'insurger légitimement, au hasard et entre autres, contre les élevages intensifs ou les cages ridicules sièges de leur misérable claustration en tant que « NAC ». Plus largement et non moins finement, l'auteure sensibilise à ce que l'on appelle la « cause animale » car, s'il s'agit de mieux connaître les autres vivants qui peuplent avec nous la Terre, il s'agit aussi de mieux les respecter. Je sais, j'en vois déjà qui se disent bof, oula, on voit le truc, du déjà vu, quel ennui et patati et... oui, sauf que tant que ce message ne passera pas, non seulement on continuera à mal se comporter vis-à-vis d'eux mais aussi vis-à-vis de nous-mêmes car nous sommes tous partie du même vivant. Car ce dont il s'agit, c'est en fait de rapport de forces et de réconciliation (ou pas, grand ratage ultime à éviter). « Les animaux n'ont pas de livre d'histoire qui constituerait le récit de leur espèce (p.43) fait écho à une citation de Howard Zinn mise en exergue : « Tant que les lapins n'auront pas d'historiens, l'histoire sera racontée par les chasseurs ». Où il est question du droit d'exister, d'espaces à chacun et communs, d'éviter des réalités trop dysfonctionnelles ensuite relayées par des récits aussi suspects qu'inutiles car reproduisant des asymétries coupables. Bien sûr, la terre, son juste usage et son partage, retient l'attention mais c'est profondément d'altérité, de notre capacité à l'accueillir, à s'en nourrir et à la nourrir qu'il s'agit. Bien sûr plâne toujours la menace d'une garenne toujours détruite car les lotissements lotissent et contraignent à comme un éternel exil. Ce combat est un combat en soi car, sans logis sûr, point de vie. Mais le défi est aussi d'une bien autre nature, grave entre les graves, d'accepter un certain désordonnancement du monde pour sûr plus sain que ce jeu avec le vivant qui, déjà, a fait répandre volontairement la myxomatose pour réduire à néant le décrété « nuisible » et en finir avec le mode relationnel prédateur en tout qui, fondamentalement nous entrave de peur. Sortir du « (…) nous sommes tous de potentiels lapins, il suffit d'une mauvaise rencontre » (p.123).


Je sais bien, à l'heure de la guerre en Europe en Ukraine, à la veille d'une élection présidentielle qui s'annonce comme il y a 5 ans comme un hold up qui nous fera encore perdre du temps sous des airs d'éternelle crânerie stérile, quand le passe vaccinal-honte absolue des voleurs de République est annoncé bientôt levé mais trop tard-le mal est fait, au moment d'une pleine et totale régression que le GIEC n'a presque plus de mots pour qualifier... je sais bien : quel sens cela a-t-il de consacrer une chronique à un livre sur les lapins ? Ceux qui en ont ou en ont eu, qui ont su leur accorder l'attention qui seule pourra tous nous sauver, eux savent mais ne s'accordent étrangement peut-être pas à la norme du pouvoir. Alors je ne vois décidément qu'une solution : que tous aient un lapin, évidemment adopté d'une association et tant pis s'il faut, métaphoriquement ou non, à un moment donné lâcher les tigres, enfin du moins les pompons.


Citoyennement vôtre,

©Yolaine de LocoBio,

Mars 2022


 
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