Idées
cadeaux de Noël, suite
La
Bretagne à l'honneur avec les Editions du commun
Je vais être honnête
avec vous, une fois n'est pas coutume, et je vais vous avouer avoir
découvert ces éditions grâce à celles du Passager clandestin
dont il est ici régulièrement question. C'est qu'entre « petites »
(mais ô combien vivaces, nécessaires et tenaces) maisons d'édition
indépendantes, on se serre les coudes, on se renvoit la balle et, ma
foi, un peu de bonne pub ne fait pas de mal à côté de toute la
mauvaise pub qu'on se tape à longueur de journée. Voici donc un
éditeur associatif bien implanté dans sa ville et qui a à cœur,
de par ce qu'il publie et de part son investissement dans la Cité,
de faire réfléchir à la société actuelle et manifestement à ce
qui est plutôt en danger : la notion de commun, déclinée en
collectif de gens reliés et d'espace public assez malmené.
La ligne
éditoriale est claire, aussi clairement et opportunément
contestataire, en tout cas suffisamment pour que je tienne à les
soutenir dans la mesure de mes moyens. Leur catalogue est exigeant
tout en se voulant accessible et se compose de diverses collections
parmi lesquelles :
-
Culture des
précédents qui se propose de questionner une Histoire souvent
présentée comme unique. Ainsi, parmi les problématiques qui
intéressent LocoBio, il y a la question de la Transition écologique
et de la transition vers une agriculture plus respectueuse
(paradoxalement...) du vivant. Or souvent le monde agricole est
présenté comme réticent à cette transition, un des freins
proviendrait de ce que les acteurs eux-mêmes du changement attendu
seraient en fait aux antipodes de l'écologie. Le livre Un
paysage du renversement. Des agriculteurs à l'école du sol
(2019) met au contraire en avant des initiatives montrant un souci
écologique qui peut servir de base à réconcilier ce qui est
peut-être abusivement opposé, en tout cas à animer une dynamique
positive commune.
-
Des réels
qui repose sur des récits de vie dont celui, remarquable et
remarqué, de Manon Delatre, Se faire virer
(2021). Dans un style à l'os qui parle à tout un chacun, ce
témoignage démonte le mécanisme qui mène au surmenage et montre
la déshumanisation qui gagne de plus en plus le travail. Pour une
critique complète, sensible et bien écrite (« normal »,
elle est d'un prix Goncourt, quand même!), je vous renvoie au texte
d'Eric Vuillard :
https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/09/22/travail-temps-perdu-delatre.
-
La collection
d'essais et de sciences sociales
qui nous outille salutairement pour penser les mondes actuel et à
venir en se référant à des pensées d'avant qui ont gardé toute
leur fraîcheur. Je me réfère en particulier à Agir ici
et maintenant. Penser l'écologie sociale de Murray Bookchin,
par Floréal M.Romero (2019). Si le portrait du fondateur de ce
courant de l'écologie et du municipalisme libertaire est ici
dressé, c'est pour mieux penser les voies de la réappropriation de
la force d'agir aujourd'hui via, par exemple, un mouvement politique
non professionnel qui pourrait exprimer sa pertinence dans le climat
de confusion actuel, climat que l'élection présidentielle ne
semble pas propice à tout à fait assainir.
-
Il
y a aussi, et en voilà un cadeau original, un jeu autour des
punchlines d'un genre musical enfin reconnu en tant que tel mais
surtout pour sa dimension mouvement social, le rap. Il ne coûte que
10 euros et en voici une description convaincante :
https://leclaireur.fnac.com/article/37592-recueil-a-punchlines-un-jeu-de-cartes-percutant-et-creatif.
-
La collection
des petits manuels, comme
son nom l'indique, propose un état des lieux sur un sujet, à la
croisée de travaux de chercheurs et de retours d'expériences
d'acteurs, et propose des boîtes à outils à manier pour ce
qu'elles sont, c'est-à-dire à transférer avec modération mais
sur des bases qui éclaireront beaucoup afin de passer concrètement
à l'action. Les sujets sont variés et j'ai relevé pour ma part,
justement parce que nous nageons en pleines eaux un peu trop et trop
durablement troubles, l'opus consacré à l'éducation aux media qui
fait l'objet d'une longue, riche et prometteuse présentation ici :
https://www.editionsducommun.org/collections/petit-manuel/products/petit-manuel-critique-d-education-aux-medias.
Sur les problématiques plus directement LocoBio, je retiens le
Petit manuel de l'habitat participatif. Bâtir du commun
au-delà des murs (2020)
d'abord par principe et manifeste car on a bien besoin de bâtir du
commun et d'abattre, en tout cas pas d'ériger plus de murs.
Ensuite, parce qu'il est question, je dirais une fois de plus car la
question est coriace, de rendre la ville vivable, conviviale, et
cela en associant (révolutionnaire dans une France toujours aussi
verticale!) eh bien l'habitant à ce qu'il est voué à habiter. Où
il est question d'habiter pleinement comme il en était question
dans un formidable livre du regretté Michel Serres, Habiter,
aux éditions du Pommier (2011) (résumé et arguments pour
l'offrir ou se l'offrir sur
https://www.babelio.com/livres/Serres-Habiter/328796).
Pour finir, il me reste à vous signaler que les Editions du commun proposent depuis 2018 une revue de sciences
sociales (Agencements) ainsi qu'un blog mais surtout des podcasts
sur le métier de l'édition et toute la chaîne du livre. Enfin, ils
sont actuellement en pleine campagne d'abonnement pour les titres à
venir. Encore une fois, accompagner comme vous le pouvez la démarche
courageuse qui est la leur est un moyen de contribuer au maintien
d'une indépendance si chère via l'autofinancement et de vous
inscrire aussi dans une forme de logique d'Amap culturelle. Bien
sûr, il s'agit aussi d'y trouver quelque intérêt à titre
personnel, du plaisir, et je ne doute pas que les sorties
programmées en procureront, ainsi que vous pouvez vous en faire une
idée ici :
https://www.editionsducommun.org/blogs/actualites-evenements/campagne-abonnement-2022
En tout cas, puisque
c'est certes la période des cadeaux mais aussi celle des vœux, je
souhaite sincèrement à ces éditions de tenir la corde entre
analyse du réel et façonnage de celui-ci. Et pour cela, rien de tel
que les sciences humaines et la littérature telles qu'ils les mêlent
et pourraient même les mêler encore davantage. C'est vrai, on nous
bassine (à juste titre) avec le manque de récit actuel, a fortiori
de récit collectif. Et la critique n'épargne pas, c'est logique,
les représentants de l'écologie politique car ils prétendent incarner les alternatives. Or qui mieux que les
chercheurs et les écrivains peuvent contribuer à en formuler un
afin de donner envie, de se projeter dans un monde qui donne envie
demain ?
©Yolaine de LocoBio,
Décembre 2021
|