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Cogitations et actions
Chronique 141
14-12-2021

 

Idées cadeaux de Noël, suite

Des livres, des livres, des livres, encore des livres...

 

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... autant dire de L'ESSENTIEL, bien sûr sans autorisation, sans décret quelconque qui se prendrait au sérieux de manière tout à fait déplacée. Pourquoi des livres de littérature cette fois-ci ? Parce que le militantisme c'est bien, l'engagement tout autant mais l'esprit a vitalement besoin d'imaginaire pour se reposer, s'évader, se figurer d'autres possibles avec les mots les plus justes possibles. Autant dire s'échapper de la pornographie ambiante qui les vautre comme nous-mêmes au passage dans ce qui tente de s'imposer comme la « réalité ». Les mots refus, les mots résistance, les mots oui d'un certain niveau, d'une certaine image de la culture et de ce vers quoi nous devrions tendre tous ensemble : donner le meilleur de nous-mêmes le temps d'un passage terrestre somme toute un peu barré, loufoque à plein gaz et à souhait. Alors voici ma sélection de livres à dévorer, à offrir, à retrouver dans nos bibliothèques comme nous trop sages et trop silencieuses, livres à courir chercher chez notre libraire plus indépendant que jamais, à déclamer pour couvrir le nécessaire bordel lors des réunions familiales, à couver, à choyer, à remercier. Comme d'habitude, parce que je n'ai de comptes à rendre qu'à moi-même, mon choix est arbitraire... mais ultra-sérieux et appliqué. Suivant quelle logique ai-je donc choisi ces livres ? Parce que dans tous il est question du système dans lequel on baigne, au max matérialiste, tous le questionnent et dessinent plus ou moins précisément le vrai monde d'après. Faites-moi confiance : je les ai tous dévorés et, pour certains, j'ai même fait plus, vous verrez;) En prime, à la fin : mon texte fétiche. Qu'il vous porte sur les meilleures rives l'an qui vient.


Se faire virer, de Marion Delatre :

Manon Delatre est projectionniste dans un cinéma d’art et essai. Au début, son travail la passionne. Elle s’implique, prend des responsabilités. Mais l’épuisement et l’ennui finissent par se superposer à la joie. Elle a besoin de changer d’air. Sa direction ne l’entend pas ainsi. Refus de rupture conventionnelle. Les relations se compliquent. Une impasse qui la pousse alors à tout faire pour se faire virer.

Ce texte est suivi d’un autre récit sur le travail dans une équipe caméra sur les plateaux de cinéma. L’envers du décor du 7e art. L’art justifie tout, on doit pouvoir se sacrifier pour le beau, l’original, et même pour le médiocre. Pas de vacances, peu de pause, de tournage en tournage, d’hôtel en hôtel, charger la pellicule, la décharger, marquer les séquences, stocker, charger, courir, marquer, stocker. Jusqu’à l’épuisement.

Ces deux récits sont des témoignages sensibles et utiles qui décrivent avec précision certains des mécanismes qui peuvent mener au surmenage.


Regain, Jean Giono

Tous sont partis. Panturle se retrouve seul dans ce village de Haute-Provence battu par les vents au milieu d’une nature âpre et sauvage. Par la grâce d’une simple femme, la vie renaîtra.
Jean Giono, un de nos plus grands conteurs, exalte dans Regain, avec un lyrisme sensuel, les liens profonds qui lient les paysans à la nature.
Jean Giono est né à Manosque en 1895. Il y fait ses études secondaires, puis travaille dans une banque. Après la guerre, il reprend son emploi et le garde jusqu’à ses premiers succès littéraires, en 1929, avec des poèmes et des romans qui expriment toute la poésie de la Haute-Provence : Colline, Un de Baumugnes, Regain, Jean le Bleu, Que ma joie demeure, Le Serpent d’étoiles, etc. Regain est le dernier roman de la «Trilogie de Pan», les deux autres étant Colline et Un de Baumugnes. Membre de l’Académie Goncourt en 1954, Jean Giono est mort à Manosque en octobre 1970.


A la ligne, Joseph Pontus

À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus. C'est l'histoire d'un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c'est qu'il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d'Apollinaire et les chansons de Trenet. C'est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l'odeur de la mer. Par la magie d'une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de bœufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes.


Les choses, Georges Pérec

Les Choses (originellement sous-titré Une histoire des années soixante) est un roman de Georges Perec publié en 1965 par Maurice Nadeau dans sa collection des Lettres nouvelles, chez Julliard, et ayant reçu le prix Renaudot la même année. C'est le roman de Perec qui a eu le plus grand succès. Georges Perec s'est rendu compte en écrivant son roman (qu'il ne qualifie pas de roman d'ailleurs), que la manière dont il faisait vivre les deux héros n'était ni plus, ni moins que sa propre façon de vivre à lui et à ses amis.

Georges Perec raconte la vie d'un jeune couple de psychosociologues (pour des enquêtes d'opinions) dans les années 1960, ce couple vit à Paris, mais trouve sa vie monotone et rêve d'avoir toujours plus de choses, de partir en voyage, d'être riche... mais ils ne s'en donnent pas les moyens, essayant vainement de chercher une passion, un but, une idée à défendre pour donner un sens à leur vie. Puis Sylvie et Jérôme partent vivre en Tunisie, à Sfax, afin de tester un nouvel emploi qui leur est proposé. C'est un échec. Ils reviennent donc en France, tout d'abord à Paris puis à Bordeaux où ils finissent par obtenir un poste bien rémunéré, mais les dernières lignes du roman laissent entendre que le confort matériel qu'ils ont enfin obtenu marque aussi le début d'une vie terne.

Fait particulier de ce roman, ce ne sont pas les personnages qui prennent une grande importance mais ce sont les choses qui sont décrites durant plusieurs pages avec beaucoup de détails et de façon méticuleuse. Mais en vérité, les choses ne sont que des bibelots. L'emploi du conditionnel plonge le lecteur dans le rêve des personnages du roman.

Ce roman traite aussi de la recherche du bonheur à travers le consumérisme. Les personnages sont matérialistes et leur besoin d'acheter est infini, non pas des objets, mais des marques.


Vendredi ou la vie sauvage, Michel Tournier

Un jour de septembre 1759, Robinson, seul survivant du naufrage de La Virginie, échoue sur l'île de Speranza et s'en déclare gouverneur. Aussi, quand il rencontre l'Indien Vendredi, le tient-il naturellement pour son esclave. Mais, finalement, les rôles s'inversent : Robinson a beaucoup à apprendre de Vendredi... "Ce n'est plus Robinson qui apprend la civilisation à Vendredi, c'est Vendredi qui apprend la vie sauvage à Robinson", explique Michel Tournier, signant là l'une de ses plus belles histoires.


Du même auteur, une version plus "adulte" mais tout aussi poétique :

Vendredi ou les limbes du Pacifique

L'île déserte du Pacifique et le XVIIIe siècle forment le cadre traditionnel de cette histoire librement empruntée à Daniel Defoe. Parce qu'il refuse d'abord d'assumer sa solitude et ne songe qu'à partir, Robinson est menacé par la déchéance et la folie. Puis il se ressaisit et entreprend de coloniser l'île, comme une possession anglaise. Non content de cultiver la terre et de domestiquer quelques chèvres, ce puritain avare et méthodique creuse des viviers, crée des rizières, accumule des provisions énormes, construit des édifices publics, promulgue des lois, un code pénal... La survenue de Vendredi paraît d'ailleurs justifier cette construction délirante : il va être le sujet de l'île, devenant tour à tour soldat, enfant de chœur, laquais, etc. En réalité, le sauvage répugne à cet ordre minutieux et ses bévues finissent par provoquer une catastrophe qui détruit l'œuvre de Robinson. Ils repartent tous deux à zéro, mais désormais, c'est Vendredi qui mène le jeu. Robinson se déshumanise peu à peu et prend le parti des éléments. Administrateur et cultivateur, il s'oppose désormais au fantasque Vendredi, comme l'homme de la terre s'oppose à un être aérien. Puis sous l'influence de son compagnon, il se transforme en héros solaire. Sa sexualité notamment subit des métamorphoses successives de plus en plus surprenantes. Le sens du travail, le nudisme, la spéléologie, les bains de soleil, le colonialisme, le racisme, les innovations sexuelles, autant de préoccupations d'aujourd'hui que l'auteur a insérées et brillamment illustrées dans le mythe éternel de Robinson Crusoé.


Tes mains sur mes hanches, Elena Varécy

Tes mains sur mes hanches... que dire ? Qu'en dire ? C'est assurément un pavé de " moi y'en avoir très marre. C'est un roman drôle et cruel. D'ailleurs, il m'a transpercée. Je n'avais rien demandé. Bon, c'est sûr, maintenant, ça va mieux. Mais concrètement, vous allez me dire, c'est quoi ? Bon. Donc... C'est l'histoire du PDG de la société Bellagambys, un vieux type obsédé par les prothèses de hanche qu'il vend au monde entier. C'est aussi l'histoire de son fils, hanté par les p'tites fleurs des montagnes et par un certain visage. Je crois que c'est tout. Ah non, j'oubliais : c'est surtout l'histoire de ce PDG et de ce fils, avec en toile de fond une brûlante question : faut-il que l'un meurt pour que l'autre revive ? Si vous pensez que c'est à ce prix, alors cher lecteur, plus aucune hésitation : allez-y ! Déambulez dans l'univers magique de l'orthopédie. Baguenaudez dans les prairies fleuries. Humez l'air pur des montagnes. Et surtout, profitez bien car le déambulateur rôde. Il vous guette en silence, prêt à bondir à la moindre défaillance de vos pauvres guiboles. Et si c'était le mal du siècle ?


Novecento : pianiste, Alessandro Baricco

"On me mettrait la tête en bas que rien ne sortirait de mes poches, même ma trompette, je l'ai vendue, j'ai tout vendu, quoi, mais cette histoire-là... non, cette histoire-là je ne l'ai pas perdue, elle est toujours là, limpide et inexplicable, comme seule la musique pouvait l'être quand elle était jouée, au beau milieu de l'Océan, par le piano magique de Danny Boodmann T. D. Novecento." Né lors d'une traversée, Novecento n'a jamais mis le pied à terre. Il passe sa vie sur l'Atlantique les mains posées sur un piano, à composer une musique étrange et magnifique, qui n'appartient qu'à lui : celle de l'Océan.


Le joueur, Fedor Dostoïevski

Dans une ville d'eaux allemande se croisent aristocrates et aventuriers venus de toute l'Europe, dont une famille de Russes désargentés, prise dans des querelles d'héritage, qui espère se refaire grâce à la roulette. Le héros, lui, commence à jouer par amour, pour sauver une jeune fille d'une dette qui l'écrase. Bientôt, il cède au vertige du casino et se perd dans le jeu... Ce roman exprime toute l'obsession morbide du joueur qui, comme le montrera Freud, se punit lui-même d'une irrationnelle culpabilité en jouant et rejouant toujours. Rédigé en même temps que Crime et Châtiment, Le Joueur est une superbe variation sur le vice et la punition.


Notre-Dame-des-Plantes, Gilles Clément :

Le jardinier paysagiste, voyageur du monde et écrivain Gilles Clément imagine : puisque, après l'incendie qui a détruit la toiture de Notre-Dame, la lumière est enfin entrée dans ce lieu, on pourrait en faire un jardin ! « La dernière aventure de Notre-Dame est un envol du chapeau par la force des flammes. Et brutalement, on y voit clair. Pourrait-on bénéficier de cette offre en ce siècle délicat des gestions de l'énergie ? Alors installons une serre, un jardin et, pourquoi cultivons-y une vigne grimpante pour en tirer un vin de messe unique au monde ! » Dans un texte drôle, roboratif et poétique, Gilles Clément montre avec brio que Notre-Dame-de-Paris est un roman et que l'incendie en est un chapitre. Un édifice en perpétuelle transformation qui bouleverse la notion de patrimoine en lui donnant un statut d'oeuvre changeante. Et aujourd'hui, si un tel projet venait à se réaliser, l'auteur en serait le monde vivant non-humain, un ensemble végétal et animal aux imprévisibles décisions.


Un-je-ne-sais-quoi d'Anconina, Elena Varécy :

Sólveig est une intellectuelle, militante, un peu désabusée lorsque l’image de Richard Anconina ressurgit dans sa vie. Quant à Anconina, il est lui-même aussi un peu en bout de course et, sans se l’avouer vraiment, il aurait bien besoin que quelque chose se passe. Dans sa carrière. Ou carrément dans sa vie. Ce quelque chose, c’est Sólveig qui mettra tout en œuvre pour le rencontrer. Ainsi naissent les plus belles histoires d’amour. Mais ce qu’ignore Richard, c’est que Sólveig a un lapin… et il se pourrait bien que tous deux soient emportés par la déferlante bien plus puissante du pompon. N’est-ce pas ainsi, après tout, que commencent les plus belles des révolutions?Comédie sociale et romantique, Un-je-ne-sais-quoi d’Anconina rend hommage au cinéma, aux acteurs et à leurs fans. C’est aussi, peut-être surtout, une fable moderne soufflée par un lapin inspirant. Tous les ingrédients sont ici réunis pour prendre du recul sur le monde actuel et se sentir de bonne humeur.


Sur les ossements des morts, Olga Tokarczuk :

Janina Doucheyko vit seule dans un petit hameau au cœur des Sudètes. Ingénieur à la retraite, elle se passionne pour la nature, l'astrologie et l'œuvre de William Blake. Un matin, elle retrouve un de ses voisins mort dans sa cuisine, étouffé par un petit os. C'est le début d'une longue série de crimes mystérieux sur les lieux desquels on retrouve des traces animales. La police enquête. Les victimes avaient toutes pour la chasse une passion dévorante. Quand Janina Doucheyko s'efforce d'exposer sa théorie sur la question, tout le monde la prend pour une folle... Car comment imaginer qu'il puisse s'agir d'une vengeance des animaux ?


Pour que 2022 vous accompagne, rdv sur http://elena-varecy.com. En attendant, voici mon texte fétiche et je le partage avec plaisir avec vous :



Des dunes le passager

De la plateforme, les rives sont incertaines et c’est très bien ainsi. Leur compagnie ne me manque pas. Je me concentre plutôt sur les dunes, au fond.
C’est le soleil, plus que la brume, qui rend les rives incertaines. Le plus luisant efface toutes les vérités inutiles. Moi, je me concentre sur le fond, les dunes, les sédiments. Je ne sais pas au juste combien de temps. Le courant me jette souvent entre deux souffles contraires. Alors, j'évite la panique des temps anciens. Désormais je peux avoir confiance et l'absence de rives, autrefois effrayante, m’apporte cette sécurité dont j’avais tant besoin.
J’ai erré.
Je n’erre plus.
Le lac reflète à mon penché l’image d’un être apaisé. Le matin appartient au cormoran, le soir au héron cendré. Et moi je ne suis au fond que des dunes le passager.

Elena Varécy, 2020



©Yolaine de LocoBio

Décembre 2021


 
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