Comment
consommer responsable
dans un monde qui pousse
à la consommation
irresponsable ?
Vous l'aurez compris, cette
chronique prend la balle au rebond du désormais institué « Black
Friday » la semaine dernière pour faire un point sur l'avancée
de la consommation responsable, je dirais malgré tout. Tout d'abord,
qu'est-ce que ce type de consommation et à quoi s'oppose-t-elle ?
A la consommation classique, c'est-à-dire faisant fi à la fois de
l'épuisement des ressources de l' « environnement »
mais aussi des aspects d'équité socio-économique (conditions de
travail, bien-être animal...). C'est l'un des piliers de l'économie
circulaire ainsi définie par l'ADEME (agence française de la
Transition, créée au début des années 1990) : «
système
économique d’échange et de production qui, à tous les stades du
cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter
l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer
l’impact sur l’environnement tout en développant le bien être
des individus ». Elle concerne un levier important d'action, à
savoir la demande et le comportement des consommateurs, qu'ils soient
individuels ou collectifs, privés ou publics. Toujours selon
l'ADEME, pour consommer davantage responsable, il convient de se
poser 3 questions et d'agir en fonction des réponses qu'on aura
apporté, et bien sûr de l'offre existante dont on doit veiller à
augmenter aussi la nature écoresponsable : quels sont mes
besoins et si j'ai de réels besoins, alors j'oriente mes achats en
m'appuyant sur les étiquettes et les labels de certification ; lors de l'utilisation de tel ou tel
produit, je veille à limiter gaspillage et pollution de même qu'à
faire durer le plus longtemps possible ce produit ; enfin, au
moment de jeter, je me pose plutôt la question en termes de
réemploi, de tri et de recyclage.
Où en est donc la consommation
responsable dans notre pays ? Elle augmente, doucement mais elle
augmente, plus ou moins sous la contrainte mais elle augmente,
diversement selon les acteurs, mais elle augmente. La sensibilisation
joue certes un rôle mais il faut noter aussi, comme souvent, le rôle
notable des obligations légales, parmi lesquelles celles issues des
lois Grenelle en matière de RSE (Responsabilité Sociétale des
Entreprises) ou encore le code des marchés publics qui, doublé
d'une impulsion locale via les agendas 21, peut grandement booster
les achats durables dans le secteur public, à commencer dans la
restauration collective. A son échelle, le consommateur-citoyen est
souvent sollicité, et parfois cela l'exaspère peut-être à juste
titre, pour « faire sa part » moyennant quelques, de plus
en plus de « petits gestes » comme ne plus acheter de
produits jetables, respecter les doses préconisées, donner ce dont il ne se sert plus, etc... Dans le domaine alimentaire, parce qu'il
retient particulièrement l'attention de LocoBio, différentes
actions sont préconisées. Cela va de la réflexion sur les besoins,
là encore, au compostage pour les déchets de cuisine en passant par
l'achat de produits le moins/mieux emballés possible, locaux et de
saison, ou encore à l'inventaire régulier du réfrigérateur pour
éviter de gaspiller.
L'évolution de la consommation
responsable est régulièrement monitorée et on peut citer à ce
titre comme référence le baromètre annuel de l'Ademe dont je vous
mets le lien pour cette année :
https://presse.ademe.fr/2021/05/14eme-barometre-de-la-consommation-responsable-2021.html.
Cette étude est très encourageante car elle montre que, malgré la
crise sans fin connue à ce jour, que nous traversons du fait de la
pandémie (et je rajouterais malgré un virage sécurito-identitaire
de plus en plus marqué pouvant détourner l'attention, décourager
sans vergogne et de manière coupable), l'attrait pour ce type de
consommation alternative reste constant. Je cite : « (…)
cette année particulière n’aura pas déstabilisé l’engagement
des Français, qui font de l’urgence environnementale une de leurs
priorités : en 2021, 72% d’entre eux sont mobilisés en faveur de
la consommation responsable. Preuve une nouvelle fois de l’importance
des enjeux environnementaux dans la vie des consommateurs, et ce, en
dépit d’un contexte sanitaire, économique et social complexe ».
Mieux : il existe chez les consommateurs interrogés une
véritable attente vis-à-vis des entreprises avec l'idée que ce
serait une peu comme la fin d'une époque eldoradesque, qu'il
faudrait en finir avec une déconnade au fond pas si douce, autant
dire que la pub qu'elles émettent soit un peu plus fiable,
permettent de faire des choix plus en conscience et meilleurs pour
tous. Sur ce point, et malgré des avancées timides, je demeure
personnellement très sceptique car il faudra qu'on m'explique
comment pub et fairplay pourront cohabiter un jour. Le marketing
reste le marketing mais ceci est après tout un sujet certes
important mais connexe, donc autant ne pas se laisser démoraliser et
agir sur là où on peut agir. A ce propos, la même Ademe procède
régulièrement à des études sectorielles qui nous servent
d'information quand on s'intéresse à ces sujets mais qui lui
servent aussi bien évidemment à elle pour contribuer fortement à
la politique en faveur de la consommation responsable dans notre
pays. D'ailleurs, j'en profite au passage pour renvoyer à leur site
où vous trouverez toute une panoplie de formations et d'aides, que
ce soit pour vous former sur des aspects généraux de la Transition
comme « simple » citoyen ou sur des points plus précis
en tant que professionnel de tel ou tel secteur (https://www.ademe.fr). Viennent donc
de paraître les conclusions d'une enquête menée en partenariat
avec une entreprise du secteur du développement durable, Greenflex.
Et pour revenir à mon sujet initial du Black Friday, il apparaît
clairement que toutes ces périodes de promotion, donc d'incitation à
la consommation tout court et à la consommation non-responsable en
particulier, ébranlent le patient travail d'éducation et de
pratique de la sobriété. CQFD. Bien que conscients des techniques
de véritable manipulation utilisées à leur encontre (des prix soit
disant attractifs dont il a été montré qu'ils avaient en fait
souvent été gonflés avant la période où il n'était plus
possible d'en bouger le montant), les Français ne peuvent s'empêcher
d'attendre ces périodes. Alors la faute à quoi, on peut se
demander. J'avance la triple hypothèse du « c'est normal »
car il paraît que le pouvoir d'achat aurait augmenté mais je ne
suis pas certaine que les gens en bénéficient concrètement,
c'est-à-dire dans leur porte-monnaie et leur panier. Ensuite, on ne
peut pas demander aux plus modestes, de plus en plus nombreux avec
l'affaissement et peut-être bientôt la disparition de la classe
populaire, de moins consommer alors que consommer demeure un signe de
réussite sociale. Enfin, surtout en cette période anxiogène au
possible, à l'anxiété visiblement volontairement entretenue pour
tenir les corps et les esprits, consommer reste une valeur refuge, un
peu comme s'auto-cocooner. Toujours est-il qu'autre signe
encourageant, si les consommateurs ont le choix, ils déclarent très
massivement (près de 80%) privilégier l'achat d'un produit
responsable. Sauf que... mais... mais... mais ils se plaignent que ce
choix n'existe pas assez souvent. Concernant le secteur essentiel des
biens d'équipement, des progrès sont aussi notables car il existe
une véritable attente envers la technologie : elle doit moins
conduire à consommer qu'à permettre aux objets de durer plus
longtemps afin de limiter des impacts socio-environnementaux dont la
conscience augmente elle aussi. En matière de cosmétique, produits
d'hygiène et d'entretien, on semble un peu revenir à des dimensions
raisonnables car avoir le choix parmi une quantité invraisemblable
de marques, donc beaucoup toujours nouvelles, semble moins une
priorité qu'être assuré de la qualité pour sa propre santé de ce
qui est acheté.
La santé, la préoccupation
croissante pour qu'elle demeure bonne, sont on le sait une tendance
forte de notre époque. Cela peut expliquer les résultats de l'étude
concernant l'alimentation qui « reste la locomotive de la
consommation responsable »
( p.5, voir https://presse.ademe.fr/2021/11/barometre-de-la-consommation-responsable-2021.html). Comment ? Par
différentes actions, comme évoqué plus haut, à savoir :
-
une évolution du régime
alimentaire pour des raisons environnementales et/ou de
bien-être animal. Près d'un quart des Français ont ainsi connu
une telle évolution et s'affichent de plus en plus comme des
omnivores, certes, mais flexitariens tendant à limiter le plus
possible leur consommation de poisson et de viande.
-
La lutte contre le gaspillage
alimentaire à la fois à la maison et hors de celle-ci. Cela passe
par quasi ¾ des personnes interrogées qui disent consommer des
produits même quand leur date limite est dépassée et suggère
donc que l'information concernant la moindre prise de risque de
consommer tel ou tel produit fait son effet dans le grand public.
-
Le fait de demander aux
restaurateurs de pouvoir emporter les restes de leur assiette est en
hausse mais il est limité par une forme de honte qui serait sans
nul doute mise hors-sujet si les restaurateurs en question le
proposaient systématiquement. Or il y a une forte attente
concernant ce changement de comportement, de même que face à une
offre voulue plus large de produits bio et locaux lorsqu'il s'agit
de restauration collective.
Vous le constatez, malgré les
discours se faisant passer pour des analyses très très sérieuses
sur le moral des Français « en berne », sur « la
France qui va mal », eh bien les choses avancent, mûrissent
doucement et faire un effort pour maîtriser les tenants et les aboutissants en matière
de consommation responsable en atteste. Pour ceux que des
approfondissements intéresseraient, je renvoie aux travaux d'une des
chercheuses françaises spécialistes du sujet, Sophie
Dubuisson-Quellier (https://www.sciencespo.fr/cso/en/chercheur/Sophie%20Dubuisson-Quellier/844.html) et aux guides pratiques suivants afin... de
cultiver ses fameux « petits gestes » :
https://www.inc-conso.fr/content/consommation-responsable-33-reflexes-adopter-au-quotidien et https://www.economie.gouv.fr/particuliers/gestes-consommer-responsable.
©Yolaine de LocoBio,
Novembre 2021
|