Avec
la poire (bio),
vous prendrez bien un peu de fromage... végan ?
Cette chronique constitue un défi
-et absolument pas une provocation- pour LocoBio. A deux titres.
D'abord parce que nous sommes ancrés en France, pays du fromage
d'origine animale s'il en est, et ensuite parce que cet ancrage
demeure encore en Rhône-Alpes-Auvergne même si ni notre réflexion
ni nos activités ne s'y limitent pas. Or il s'agit d'une des régions
françaises les plus productrices de fameux fromages parmi lesquels
la tomme de Savoie, le Comté ou encore l'Abondance. Donc
s'intéresser au fromage végan, d'origine quant à lui végétale,
pourrait sembler en un sens sacrilège. En tout cas, le moins que
l'on puisse dire est qu'ici moins qu'ailleurs nous sommes en terrain
conquis. Quand je dis « nous », ce n'est même pas qui
serait « converti » à la consommation, c'est simplement
et initialement au niveau des mentalités, des représentations et,
bien sûr, des intérêts de corporations bien établies sur le
territoire, dans les instances dirigeant l'agriculture à la fois à
l'échelle locale mais aussi nationale... et même internationale. En
effet, l'auteure rappelle à juste titre que (comme par hasard, jeux
de pouvoir aidant, ou précaution sémantique tout à fait
justifiée?) pour l'Union européenne employer ce terme quand il ne
s'agit pas de produits laitiers d'origine animale est impropre. En
résumé, le fromage végan n'a rien, mais alors absolument rien
d'évident. Et pourtant, va-t-on pour autant s'arrêter là alors que
l'on sait très bien que les (r)évolutions ne se font ni sans mal ni
sans bousculer le langage pour qu'une nouvelle réalité, à
proprement parler « moulée » comme le fromage (de
« forme », en latin), soit inscrite dans le marbre de
mots nouveaux ? Certainement pas, d'autant plus que nous savons
tous désormais qu'une révolution -et là je laisse volontairement
le « r »- alimentaire est nécessaire au moins pour deux
raisons majeures : d'une part parce que les élevages ne sont
pas éco-compatibles avec les enjeux de la Transition, d'autre part
parce que toutes les recherches scientifiques apportent chaque jour
des preuves de la sensibilité animale, donc on ne peut plus faire
comme si on ne savait plus au moins sur ces deux chapitres.
Les raisons pour tester, au moins
tester le fromage végan, voire en confectionner soi-même, sont donc
nombreuses et je ne peux que souscrire à cette invitation formulée,
une fois n'est pas coutume, par les éco-responsables éditions La
Plage. Parmi ces raisons, il peut y avoir la volonté ferme, pourquoi
pas une bonne résolution pour l'année à venir, de ne plus
cautionner la production de fromage laitier d'origine animale. Car tout le monde sait
aussi, ou alors sans doute pas encore suffisamment, ce qui se cache
comme souffrance indue derrière l'onctueux et la blancheur candide
d'une belle tranche de fromage classique : des animaux,
précisément, c'est-à-dire concrètement des vaches inséminées à
répétition pour mettre au monde des petits dont elles sont séparées
quasi immédiatement afin qu'ils ne « prennent » (!) pas
le lait qui leur est logiquement destiné et qu'il serve à nos
propres fabrications. Je passe sur le destin lamentable de ces
nouveaux venus sur une bien drôle terre, mais en tout cas leurs
mères finissent mal, soit à l'abattoir épuisées et en steak.
Bilan peu reluisant sur le plan éthique et on peut tout à fait
comprendre le dégoût qui peut nous assaillir dès lors que la
conscience paraît (malédiction ou salut, vaste sujet?!). Parmi les
autres raisons, il peut tout simplement y avoir une intolérance aux
produits laitiers ; d'ailleurs il n'y a pas besoin d'être plus
ou moins allergique pour se souvenir qu'en médecine chinoise, sage
parmi les sages, ces produits sont considérés comme mauvais pour la
santé. Et même sous nos latitudes ultra pro-fromagères, il n'est pas rare
d'entendre tel ou tel pédiatre absolument en ligne et en règle avec
la doxa allopathique vous conseiller de limiter voire supprimer au
moins temporairement ces produits dès lors que vous subissez une
inflammation rhino-pharyngée. C'est que donc tout ne doit pas être
rose au pays du calcium et de la croissance mis en avant d'ailleurs à
grand renfort de pubs encore aujourd'hui et non, on ne peut pas
décréter sous prétexte que des filières ont été organisées
dans notre économie autour d'eux, de la consommation courante à la
gastronomie, du local à l'archi-global de la globalisation à coups
d'exportation, non on ne peut pas décréter qu'ils ne présentent
aucun inconvénient et sont bons pour tout le monde. Enfin, un
argument invitant à tester les fromages végans réside dans la
simple curiosité, la volonté de s'ouvrir à la richesse
d'alternatives qui nous sont d'ailleurs suggérées de pays
lointains, aux traditions ancestrales, comme par exemple le Japon
avec son tofu misozuke dont la recette est proposée page 44. Souvent
comparé au fromage mais aussi au foie gras, ce qui ne peut que nous
intéresser en cette proche période de fêtes, il n'est paraît-il
déjà pas facile à trouver sur place et est pourtant facile à
réaliser.
Facile à réaliser, facile à
réaliser... tel est le nerf de la guerre, il me semble, quand on est
décidé, ça y est, à goûter des fromages végans. Certes, on peut
les commander, en entier ou quelques ingrédients, sur le net, ou
alors les acheter tout faits en boutiques bio le plus souvent. Mais
cela pose quand même, à mon avis, la question du bilan écologique,
de ce qui est mieux pour soi tenant compte de l'éco-système dans
lequel on s'inscrit, dont on fait plus à proprement parler partie.
Eh oui, là encore on se cogne à des questions, des calculs et des
solutions compliquées et il ne faut surtout pas renoncer devant
certaines difficultés car, de toute façon, on sait très bien qu'il
faut désormais changer de braquet pour changer tout court.
Néanmoins, quand on voit la variété, la quantité et l'origine (du
moins pour l'instant, en attendant sans doute de structurer des
filières bio et locales) des composants de ces « fromages »,
on peut s'interroger et en tout cas s'interdire d'avoir, encore moins
de dispenser, des réponses toutes faites et dogmatiques. En effet,
rien que pour réaliser de la « féta » (p.26), il faut
des graines de lupin, du tofu, de l'huile de coco, du lait de soja,
du jus de citron et du sel. Cela me laisse un peu sceptique et
renvoie aussi à des interrogations en matière de digestibilité,
du moins recommande d'y aller progressivement car le mélange n'est
pas simple chimiquement et reste à savoir comment le corps, chaque
corps, peut s'y habituer.
Cela dit, que ce soit pour soi,
s'initier et se régaler d'abord les yeux, ou l'offrir à ses hôtes
à telle ou telle occasion, les prochaines fêtes n'étant qu'une
d'entre elles, je recommande ce livre en premier lieu parce qu'il est
proposé par une super-crack sur le sujet (https://www.laplage.fr/produit/220/9782842219314/mon-plateau-de-fromages-vegan). En effet, Marie Laforêt
anime de longue date maintenant le blog 100% végétal (https://www.100-vegetal.com), et ne cesse
de chercher et proposer de nouvelles recettes véganes. Chez La Plage,
elle n'en est pas à son coup d'essai. Elle est même en un sens, et
dans le bon sens du terme, une « abonnée » puisque
nombreux sont les ouvrages qu'elle y a publiés, parmi lesquels son
bestseller Vegan (en 2014) et
d'autres recommandables comme Vegan débutants
(2017). On sent chez elle un appétit de découverte tout à fait
communicatif, important pour se lancer et à ne certainement pas
négliger pour changer l'image excessive d'austérité accolée
(souvent pas ses irresponsables détracteurs) à une Transition
certes synonyme de plus de sobriété. Au final, dans ce magnifique
petit ouvrage au prix plus qu'abordable (moins de 10 euros), vous
trouverez 28 recettes de « fromages » de base, très
utilisés, comme la ricotta ou le cheddar (mon burger, ciel mais où est
passé mon burger, comment vivre sans lui?;)) ou des propositions plus évoluées comme la
bûche aux fines herbes ou encore la sauce pour nachos. Tout cela
après une introduction qui prend soin de rappeler l'importance des
règles d'hygiène car ce sujet est particulièrement sensible,
comparé par exemple aux légumes et aux fruits, en matière de
« fromage ». Vous serez assurément équipés après la
lecture des ingrédients de base (comme le soja, les noix de cajou),
de ceux qui apportent diverses textures (agar-agar, etc...), des
exhausteurs de goût naturels telle la levure maltée, des agents de
fermentation (où le jus de choucroute, si si, a toute sa place) et
des différentes techniques assortis du matériel indispensable. A ce
propos, oubliez vos rêves de décroissance trop subite car blender,
mixeur plongeant et robot culinaire voient ici leur heure de gloire
pour réaliser des mélanges visiblement difficiles sans. Pour
compenser et la fabrication de ces appareils, leur fin de vie, leur
consommation d'énergie, bref tout leur cycle de vie adossé aux
conditions de leur utilisation, je propose une compensation au
minimum carbone (il n'y a pas de raison, tout le monde faisant
semblant de penser que c'est la solution) dès lors que vous
confectionnez votre parmesan maison. Vous pouvez l'alléger et par là
votre peine morale en raccordant ledit appareil à pourquoi pas un
vélo d'appartement. Personnellement, c'est mon rêve et je ne vois
d'ailleurs toujours pas pourquoi ce genre d'installation demeure pour
l'instant réservée aux aéroports et autres gares qui, de toute
façon, dans le contexte pandémique actuel, peuvent à tout moment à
nouveau être désertés. Donc autant s'équiper pour pédaler et
faire son propre fromage, plus en faire tout un fromage et les vaches
seront peut-être enfin bien gardées (ou plutôt libérées).
Bon, eh bien voilà, je pense vous
avoir tout dit du bien que je pense de ce livre. Je vous laisse avec
la perspective de vous lancer dans cette nouvelle aventure en
commençant, soyons un peu kamikaze que diable, c'est pour la bonne
cause !, par une bûche de noix de macadamia. Alternative idéale
au pauvre saumon dont c'est pas du tout la fête pendant les
« Fêtes », on verra bien quelle version vous
retiendrez : à la ciboulette, au persil, en tout cas avec de
bons champignons poêlés sur des toasts. De toute façon, n'ayez
crainte de vous lancer car s'il s'en suit des engueulades, aucun
regret car c'est souvent le lot en cette période, donc tant qu'à
faire, encore une fois, autant que ce soit pour les bonnes raisons et
plus pour de vieux conflits qui ressurgiraient autour d'un vrai beau
foie gras malade d'animal ou d'un chapon qui n'a toujours pas compris
pourquoi on l'avait ainsi castré et ensuite, en plus, farci de
châtaignes et de patates. Par curiosité et quand même un brin de
provocation j'opterais bien pour la fondue végétale...
sans oublier quand même le vin blanc... et sans oublier non plus que
tous les vins ne sont pas végans. Cela aussi l'auteure le rappelle
et c'est bien, bien comme sont bonnes quoi qu'il en soit les boules
de mozzarella panées. Et d'ailleurs cela me fait penser qu'un autre
livre est sorti chez le même éditeur, qui met en avant la cuisine
italienne végétale (https://www.laplage.fr/produit/61/9782842215750/veganissimo). Décidément, tout un monde, c'est tout un
monde de saveurs qui s'ouvre à nos papilles alléchées.
©Yolaine de LocoBio,
Novembre 2022
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