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Cogitations et actions
Chronique 133
28-11-2021

 

Avec la poire (bio),

vous prendrez bien un peu de fromage... végan ?


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Cette chronique constitue un défi -et absolument pas une provocation- pour LocoBio. A deux titres. D'abord parce que nous sommes ancrés en France, pays du fromage d'origine animale s'il en est, et ensuite parce que cet ancrage demeure encore en Rhône-Alpes-Auvergne même si ni notre réflexion ni nos activités ne s'y limitent pas. Or il s'agit d'une des régions françaises les plus productrices de fameux fromages parmi lesquels la tomme de Savoie, le Comté ou encore l'Abondance. Donc s'intéresser au fromage végan, d'origine quant à lui végétale, pourrait sembler en un sens sacrilège. En tout cas, le moins que l'on puisse dire est qu'ici moins qu'ailleurs nous sommes en terrain conquis. Quand je dis « nous », ce n'est même pas qui serait « converti » à la consommation, c'est simplement et initialement au niveau des mentalités, des représentations et, bien sûr, des intérêts de corporations bien établies sur le territoire, dans les instances dirigeant l'agriculture à la fois à l'échelle locale mais aussi nationale... et même internationale. En effet, l'auteure rappelle à juste titre que (comme par hasard, jeux de pouvoir aidant, ou précaution sémantique tout à fait justifiée?) pour l'Union européenne employer ce terme quand il ne s'agit pas de produits laitiers d'origine animale est impropre. En résumé, le fromage végan n'a rien, mais alors absolument rien d'évident. Et pourtant, va-t-on pour autant s'arrêter là alors que l'on sait très bien que les (r)évolutions ne se font ni sans mal ni sans bousculer le langage pour qu'une nouvelle réalité, à proprement parler « moulée » comme le fromage (de « forme », en latin), soit inscrite dans le marbre de mots nouveaux ? Certainement pas, d'autant plus que nous savons tous désormais qu'une révolution -et là je laisse volontairement le « r »- alimentaire est nécessaire au moins pour deux raisons majeures : d'une part parce que les élevages ne sont pas éco-compatibles avec les enjeux de la Transition, d'autre part parce que toutes les recherches scientifiques apportent chaque jour des preuves de la sensibilité animale, donc on ne peut plus faire comme si on ne savait plus au moins sur ces deux chapitres.

Les raisons pour tester, au moins tester le fromage végan, voire en confectionner soi-même, sont donc nombreuses et je ne peux que souscrire à cette invitation formulée, une fois n'est pas coutume, par les éco-responsables éditions La Plage. Parmi ces raisons, il peut y avoir la volonté ferme, pourquoi pas une bonne résolution pour l'année à venir, de ne plus cautionner la production de fromage laitier d'origine animale. Car tout le monde sait aussi, ou alors sans doute pas encore suffisamment, ce qui se cache comme souffrance indue derrière l'onctueux et la blancheur candide d'une belle tranche de fromage classique : des animaux, précisément, c'est-à-dire concrètement des vaches inséminées à répétition pour mettre au monde des petits dont elles sont séparées quasi immédiatement afin qu'ils ne « prennent » (!) pas le lait qui leur est logiquement destiné et qu'il serve à nos propres fabrications. Je passe sur le destin lamentable de ces nouveaux venus sur une bien drôle terre, mais en tout cas leurs mères finissent mal, soit à l'abattoir épuisées et en steak. Bilan peu reluisant sur le plan éthique et on peut tout à fait comprendre le dégoût qui peut nous assaillir dès lors que la conscience paraît (malédiction ou salut, vaste sujet?!). Parmi les autres raisons, il peut tout simplement y avoir une intolérance aux produits laitiers ; d'ailleurs il n'y a pas besoin d'être plus ou moins allergique pour se souvenir qu'en médecine chinoise, sage parmi les sages, ces produits sont considérés comme mauvais pour la santé. Et même sous nos latitudes ultra pro-fromagères, il n'est pas rare d'entendre tel ou tel pédiatre absolument en ligne et en règle avec la doxa allopathique vous conseiller de limiter voire supprimer au moins temporairement ces produits dès lors que vous subissez une inflammation rhino-pharyngée. C'est que donc tout ne doit pas être rose au pays du calcium et de la croissance mis en avant d'ailleurs à grand renfort de pubs encore aujourd'hui et non, on ne peut pas décréter sous prétexte que des filières ont été organisées dans notre économie autour d'eux, de la consommation courante à la gastronomie, du local à l'archi-global de la globalisation à coups d'exportation, non on ne peut pas décréter qu'ils ne présentent aucun inconvénient et sont bons pour tout le monde. Enfin, un argument invitant à tester les fromages végans réside dans la simple curiosité, la volonté de s'ouvrir à la richesse d'alternatives qui nous sont d'ailleurs suggérées de pays lointains, aux traditions ancestrales, comme par exemple le Japon avec son tofu misozuke dont la recette est proposée page 44. Souvent comparé au fromage mais aussi au foie gras, ce qui ne peut que nous intéresser en cette proche période de fêtes, il n'est paraît-il déjà pas facile à trouver sur place et est pourtant facile à réaliser.


Facile à réaliser, facile à réaliser... tel est le nerf de la guerre, il me semble, quand on est décidé, ça y est, à goûter des fromages végans. Certes, on peut les commander, en entier ou quelques ingrédients, sur le net, ou alors les acheter tout faits en boutiques bio le plus souvent. Mais cela pose quand même, à mon avis, la question du bilan écologique, de ce qui est mieux pour soi tenant compte de l'éco-système dans lequel on s'inscrit, dont on fait plus à proprement parler partie. Eh oui, là encore on se cogne à des questions, des calculs et des solutions compliquées et il ne faut surtout pas renoncer devant certaines difficultés car, de toute façon, on sait très bien qu'il faut désormais changer de braquet pour changer tout court. Néanmoins, quand on voit la variété, la quantité et l'origine (du moins pour l'instant, en attendant sans doute de structurer des filières bio et locales) des composants de ces « fromages », on peut s'interroger et en tout cas s'interdire d'avoir, encore moins de dispenser, des réponses toutes faites et dogmatiques. En effet, rien que pour réaliser de la « féta » (p.26), il faut des graines de lupin, du tofu, de l'huile de coco, du lait de soja, du jus de citron et du sel. Cela me laisse un peu sceptique et renvoie aussi à des interrogations en matière de digestibilité, du moins recommande d'y aller progressivement car le mélange n'est pas simple chimiquement et reste à savoir comment le corps, chaque corps, peut s'y habituer.


Cela dit, que ce soit pour soi, s'initier et se régaler d'abord les yeux, ou l'offrir à ses hôtes à telle ou telle occasion, les prochaines fêtes n'étant qu'une d'entre elles, je recommande ce livre en premier lieu parce qu'il est proposé par une super-crack sur le sujet (https://www.laplage.fr/produit/220/9782842219314/mon-plateau-de-fromages-vegan). En effet, Marie Laforêt anime de longue date maintenant le blog 100% végétal (https://www.100-vegetal.com), et ne cesse de chercher et proposer de nouvelles recettes véganes. Chez La Plage, elle n'en est pas à son coup d'essai. Elle est même en un sens, et dans le bon sens du terme, une « abonnée » puisque nombreux sont les ouvrages qu'elle y a publiés, parmi lesquels son bestseller Vegan (en 2014) et d'autres recommandables comme Vegan débutants (2017). On sent chez elle un appétit de découverte tout à fait communicatif, important pour se lancer et à ne certainement pas négliger pour changer l'image excessive d'austérité accolée (souvent pas ses irresponsables détracteurs) à une Transition certes synonyme de plus de sobriété. Au final, dans ce magnifique petit ouvrage au prix plus qu'abordable (moins de 10 euros), vous trouverez 28 recettes de « fromages » de base, très utilisés, comme la ricotta ou le cheddar (mon burger, ciel mais où est passé mon burger, comment vivre sans lui?;)) ou des propositions plus évoluées comme la bûche aux fines herbes ou encore la sauce pour nachos. Tout cela après une introduction qui prend soin de rappeler l'importance des règles d'hygiène car ce sujet est particulièrement sensible, comparé par exemple aux légumes et aux fruits, en matière de « fromage ». Vous serez assurément équipés après la lecture des ingrédients de base (comme le soja, les noix de cajou), de ceux qui apportent diverses textures (agar-agar, etc...), des exhausteurs de goût naturels telle la levure maltée, des agents de fermentation (où le jus de choucroute, si si, a toute sa place) et des différentes techniques assortis du matériel indispensable. A ce propos, oubliez vos rêves de décroissance trop subite car blender, mixeur plongeant et robot culinaire voient ici leur heure de gloire pour réaliser des mélanges visiblement difficiles sans. Pour compenser et la fabrication de ces appareils, leur fin de vie, leur consommation d'énergie, bref tout leur cycle de vie adossé aux conditions de leur utilisation, je propose une compensation au minimum carbone (il n'y a pas de raison, tout le monde faisant semblant de penser que c'est la solution) dès lors que vous confectionnez votre parmesan maison. Vous pouvez l'alléger et par là votre peine morale en raccordant ledit appareil à pourquoi pas un vélo d'appartement. Personnellement, c'est mon rêve et je ne vois d'ailleurs toujours pas pourquoi ce genre d'installation demeure pour l'instant réservée aux aéroports et autres gares qui, de toute façon, dans le contexte pandémique actuel, peuvent à tout moment à nouveau être désertés. Donc autant s'équiper pour pédaler et faire son propre fromage, plus en faire tout un fromage et les vaches seront peut-être enfin bien gardées (ou plutôt libérées).


Bon, eh bien voilà, je pense vous avoir tout dit du bien que je pense de ce livre. Je vous laisse avec la perspective de vous lancer dans cette nouvelle aventure en commençant, soyons un peu kamikaze que diable, c'est pour la bonne cause !, par une bûche de noix de macadamia. Alternative idéale au pauvre saumon dont c'est pas du tout la fête pendant les « Fêtes », on verra bien quelle version vous retiendrez : à la ciboulette, au persil, en tout cas avec de bons champignons poêlés sur des toasts. De toute façon, n'ayez crainte de vous lancer car s'il s'en suit des engueulades, aucun regret car c'est souvent le lot en cette période, donc tant qu'à faire, encore une fois, autant que ce soit pour les bonnes raisons et plus pour de vieux conflits qui ressurgiraient autour d'un vrai beau foie gras malade d'animal ou d'un chapon qui n'a toujours pas compris pourquoi on l'avait ainsi castré et ensuite, en plus, farci de châtaignes et de patates. Par curiosité et quand même un brin de provocation j'opterais bien pour la fondue végétale... sans oublier quand même le vin blanc... et sans oublier non plus que tous les vins ne sont pas végans. Cela aussi l'auteure le rappelle et c'est bien, bien comme sont bonnes quoi qu'il en soit les boules de mozzarella panées. Et d'ailleurs cela me fait penser qu'un autre livre est sorti chez le même éditeur, qui met en avant la cuisine italienne végétale (https://www.laplage.fr/produit/61/9782842215750/veganissimo). Décidément, tout un monde, c'est tout un monde de saveurs qui s'ouvre à nos papilles alléchées.


©Yolaine de LocoBio,

Novembre 2022

 
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