Pourquoi
redonner droit de cité aux plantes
Ou
les bienfaits de la « Nature » en ville
Si LocoBio s'intéresse plus
particulièrement à l'agriculture urbaine sous l'angle de la
relocalisation alimentaire, l'intérêt pour cette nouvelle forme
d'activité dans un milieu qui l'a exclue ne se limite pas à cette
dimension. En effet, que fait-on quand on mange ? On ne fait
certainement pas qu'approvisionner un corps, a fortiori quand on
absorbe des aliments produits dans un environnement proche -si on est
soi-même citadin- et c'est encore plus vrai quand on a soi-même
contribué à produire ces aliments, par exemple dans un jardin
partagé. On s'en doute, les enjeux vont bien au-delà de la
« simple » nutrition et cela regarde bien évidemment le
développement urbain à venir dès lors qu'on voudra bien le penser
durable, donc vraiment vivable
Il revient à une association
d'Angers, Plante et cité, qui a quasiment le même âge que LocoBio
puisqu'elle a été créée en 2006, de proposer un étayage
scientifique à ce que tout le monde sent et pressent. Certes le
sujet est vaste et les travaux dans ce domaine sont quand même déjà
assez nombreux mais une thèse récemment soutenue a retenu toute
mon attention. Tout d'abord, je tiens à présenter brièvement nos
collègues qui œuvrent – notamment en accompagnant les
collectivités intéressées- sur ce que l'on appelle classiquement
la « nature en ville ». De quoi s'agit-il ?
Principalement de la gestion des espaces verts et du fait de
favoriser la biodiversité. Pelouses et abeilles au programme, quoi.
Cela pourrait sembler anodin sauf que pas du tout parce que les
pelouses en question connaissent nombre de mutations, ne serait-ce
qu'à travers le nécessaire respect de la loi Labbé pour une
gestion plus écologique et disons que ce n'était pas du luxe car
une drôle de routine s'était installée à cet endroit aussi
(voir : https://www.ecophyto-pro.fr/actualites/lire/779).
Concernant les abeilles, il s'agit comme on le sait chaque jour un
peu plus d'un sujet politique s'il en est tant il est vrai que sans
elles on peut se poser la question de l'agriculture et de
l'alimentation, sachant qu'actuellement, « grâce » à la
chaleur en ville et au moindre usage de produits toxiques, elles s'y
retrouvent plus prospères que dans les campagnes. On pourra dire à
ce constat que l'Humanité a réussi un brave tour de force car en
arriver là, il faut vraiment être motivé pour ne pas en rester à
de la consternation paralysante. En tout cas, vous trouverez sur leur
site https://www.plante-et-cite.fr
bien des éléments d'information et d'action sur ces sujets tout
comme la végétalisation des pieds d'arbre qui est actuellement
aussi à juste titre en vogue car marre de pauvres arbres entourés
d'asphalte. Après, ils soulèvent tout car souvent leurs racines
suffoquent et on fait quoi ? On râle parce que les trottoirs et
les routes gondolent donc... donc... la sécurité est en jeu,
toujours elle, et alors le plus simple, toujours le plus simple est
d'aller au plus court... et justement de les couper. Un peu
d'intelligence et d'anticipation ne ferait pas de mal parce qu'il ne
s'agit pas que d'un décor, encore moins d'un théâtre. Quand on
coupe, il s'agit d'êtres vivants qui ont mis des années à pousser
et nous aussi, en principe, nous sommes des êtres vivants au milieu
de ce cirque parfois triste, souvent pas à la hauteur.
A propos d'êtres vivants et bien
vivants, venons-en précisément à la thèse de psychologie qui
vient d'être soutenue par Bastien Vajou. Elle témoigne d'une
ouverture, du moins je la perçois comme telle, de Plante et cité aux thématiques
alimentaires et de santé publique. Ainsi, leur dernière publication
annuelle
(https://www.plante-et-cite.fr/n/les-publications-de-la-collection/n:43) s'intéresse à l'impact des espaces verts sur la santé humaine. Le
travail de B.Vajou s'inscrit dans cette perspective et s'est ancré
dans un parc à Angers, ville où se situe l'association qui a
d'ailleurs également depuis 2010 une antenne en Suisse, à Genève.
L'idée était, en faisant vivre une « expérience de
nature » à des volontaires, de les confronter à deux
parcours, l'un ouvert et l'autre fermé, pour ensuite recueillir leur
impression. Bien sûr les recherches doivent être poursuivies mais
nous en savons déjà bien assez pour passer à la vitesse supérieure
et ne plus réduire le classique « parcours santé » à
un simple jogging dominical avec obstacles et exercices au grand air. Tout
l'enjeu ne se limite pas, et ce n'est déjà pas rien, au « cardio »
et à des pathologies comme l'obésité. Il s'agit en effet de mieux
se sentir, suivant en cela l'acception large du terme « santé »
qui prévaut désormais des plus hautes instances comme l'OMS à
notre propre ressenti car nous sommes bien les premiers à savoir
qu'on peut ne pas être malades extérieurement, cela ne signifie pas
pour autant que tout aille bien au plan global de notre petite
personne. A l'issue de ce protocole qui a certainement eu des
bénéfices pour le propre chercheur puisque « faire son
terrain » dans un parc, on peut dire qu'il y a pire;), il a été
constaté des effets positifs sur l'humeur, le stress, bref tout ce
qui nous bouffe bien au quotidien et nous tape sur le coco au point
de réduire certainement notre espérance de vie. Tout cela grâce à
la vue qui est bien évidemment stimulée, mais aussi par la
stimulation de tous les sens, à commencer par l'odorat, ah Mignonne
allons voir si la rose... merci Monsieur Ronsard. Si ce sujet vous
intéresse (et vous y auriez intérêt!), rdv le 7 décembre prochain
pour une visioconférence qui présentera plus en détails le
pourquoi et le comment de ce travail ainsi qu'un guide pour tous ceux
qui voudraient s'engager dans une démarche d'amélioration de la
santé par la prise en compte du paysage, y compris comestible, en
ville
(https://www.plante-et-cite.fr/specif_actualites/view/1006/typeactu:actualites/slug:visioconference-nature-en-ville-et-sante-par-plante-cite-et-la-metropole-du-grand-paris-le-decembre/n:39/themes:8,13,14).
Je
conclue en disant que comme je fais partie de l'espèce humaine,
je m'intéresse à son amélioration et donc sa santé, la mienne,
m'intéressent. Toutefois, la présence de la « Nature »
en ville relève davantage selon moins d'un principe moral puisque
venant d'elle, l'ayant sans ménagement (mais à coups, certes, de
nombreux aménagements) expulsée des villes et la mettant en danger
partout à la surface de la planète, je vois mal comment un humain
pourrait sérieusement tenir debout, se regarder dans une glace et
marcher droit, on dira avancer, sans retrouver des relations
pacifiées, justes et équilibrées avec cette part de nous-mêmes.
La question se situe donc plus en amont, à un niveau si on veut
spirituel, sachant que l'entité en question se compose d'un nombre
fantastique d'autres espèces qui ont tout autant besoin que nous
d'écosystèmes sains et durables. Toute la question est : quand
ce message d'ensemble va-t-il enfin passer ?
©Yolaine de LocoBio,
Novembre 2021
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