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Chronique 129
20-11-2021

 

L'art de la boucherie végane :

pour une gourmandise amateure sans cruauté


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Je le dis tout de suite : j'ai emprunté une partie du titre de cette chronique à la dédicace qui ouvre le formidable petit ouvrage Ma petite boucherie vegan, écrit par Sébastien Kardinal (voir son blog Kardinal.fr) et Laura Veganpower (fondatrice avec lui de VG-Zone.net). Les non moins formidables éditions La Plage, membres du collectif des éditeurs éco-compatibles, proposent en effet dans leur catalogue riche d'alternatives inspirantes ce bijou de livre que je recommande au moins à deux titres : pour le prochain Noël ou toute occasion de cadeau à une personne amie, mais surtout à soi-même (ce qui, je l'espère, revient au même;)) car il ne coûte que 9,95 euros et vous en trouverez des idées, oui vous en trouverez sans souci.

Après un court mais efficace avant-propos judicieusement intitulé « Introduction au monde des similicarnés » et où il est au passage rappelé que l'alimentation végétale ne date pas d'hier comme en témoigne l'usage traditionnel du seitan chez les moines bouddhistes de Chine végétariens, place à une double-page sur les ingrédients de base. Gluten de blé, tofu, tempeh, légumes et fruits secs, sans oublier les épices -qui permettent d'ailleurs de lever le pied non seulement sur la viande mais aussi sur le sel- sont brièvement mais toujours aussi efficacement passés en revue. On apprend en quoi ils consistent, cela ne mange pas de pain car honnêtement on peut parfois se poser la question quand on se trouve seul face à face avec un bloc de tofu, mais aussi comment les préparer au mieux. Cela complété des « aides culinaires » comme le tamari ou les bouillons de légumes. Le livre se déploie ensuite sur une cinquantaine de pages qui proposent pas moins de 25 recettes, balayant aussi bien la charcuterie (« saucisses » aux herbes) que les plats classiques d'ici (« paupiettes ») ou de contrées plus lointaines (le fameux « steak » à burger, car sinon on serait vraiment trop frustrés). Pour chaque recette figure le temps à consacrer et une note, lesquels montrent bien que cela ne prend en réalité pas plus que la cuisine classique. Surtout, il y a aussi possibilité de conserver au frigo plusieurs jours ou au congélateur, comme par exemple le classique des classiques qui met en général tout le monde d'accord car c'est le roi du plat fait fissa et convivial : les pâtes à la bolognaise, sauce proposée page 58 à base de protéines de soja texturées et réhydratées. Je peux moi-même attester du caractère délicieux et assez bluffant de cette version non-violente de ce met de base, de même que constitue un ingrédient absolument de base pour bien des mets ce type de protéines. Bien des plats peuvent aussi se préparer à l'avance et être emportés en pic-nic et/ou barbecue. A base de gluten de blé, le « chrorizo » s'y prête bien, de même que les brochettes toujours à base de protéines de soja texturées ou encore les « bbc ribs » convoquant nombre de saveurs toutes plus alléchantes les unes que les autres. A propos d'alléchant, les photographies mettent en appétit mais permettent aussi de visualiser ce vers quoi on tend. Or je pense que ce point est particulièrement important en matière de cuisine alternative, que ce soit pour transitionner vers un régime sans produit d'origine animale (de végétarien à végan) ou, déjà, diversifier son alimentation non seulement parce que c'est bon pour sa propre santé, pour les êtres vivants qui peuplent la planète au même titre que nous. S'attacher à proposer de justes et belles images du monde de demain -et ces plats en font partie- est essentiel car cela donne un effet de réalité entraînant.



J'aurais juste trois petits bémols, en toute honnêteté et en toute indépendance : me manque toujours une idée du coût de ces plats car cela fait aussi partie de la balance que l'on fait à l'heure de nos choix alimentaires. Et cela est d'autant plus vrai car cette semaine encore le Secours Populaire a alerté sur les effets désastreux de la pandémie (mais c'était déjà vrai avant et cela est scandaleux, il n'y a pas lieu de s'y résigner) sur la précarité alimentaire dans notre propre pays. Voir: https://www.mediapart.fr/journal/france/181121/selon-le-secours-catholique-10-de-la-population-recu-des-aides-alimentaires-en-2020-du-jamais-vu-en-temps. C'est à se demander quand on parlera sérieusement de santé et rien ne serait tel, tiens, qu'un grand vrai et franc débat sur notre santé, la santé publique après tout. 2ème réserve mais petite : les recettes de cuisine végétale appellent souvent le mélange d'un nombre certain d'ingrédients, dont certains peuvent être nouveaux. Donc, et il s'agit encore là d'un témoignage personnel, je pense qu'il faut y aller doucement et progressivement. Surtout s'il s'agit d'atteindre l'objectif de transitionner. Enfin, plus sous l'angle LocoBio, c'est-à-dire d'une réflexion sur les conditions pour relocaliser l'économie, la convertir aux normes biologiques et plus largement « propres » au sens d'intégrer des paramètres encore trop externalisés comme la pollution ou les conditions de production plus ou moins justes socialement, se nourrir végan n'est pas forcément la panacée. Logiquement, si on se nourrit de la sorte, c'est par une recherche de cohérence, d'alignement de certains paramètres importants et dans une optique d'amélioration. Il est bien difficile de faire soi-même le bilan carbone et autres de tous les aliments que nous consommons, et Dieu sait si nous en consommons beaucoup. Néanmoins, nous avons des choix à faire et il convient dès lors que l'on est dans ce genre de démarche dans laquelle tout le monde devrait être pour s'en sortir, oui il convient de faire ces choix le plus en conscience possible. Cela passe par une sensibilité/sensibilisation mais aussi par de la bonne information. Et cela passe inévitablement par ce que l'on achète en regardant les étiquettes... en espérant ou en faisant fortement pression pour qu'elles soient d'une transparence totale. Et donc à l'heure en apparence banale mais déterminante d'acheter, il faut prêter une attention à l'origine des produits. Car acheter des produits végans tout prêts, d'origine fortement industrielle comme les autres car la grande distribution n'a pas oublié d'investir ce champ comme avant celui du bio, lesquels produits viendraient en plus de loin, on peut se poser la question de leur intérêt. Bien sûr si on ne pose pas la limite, quoi qu'il arrive, de la présence ou non d'ingrédients d'origine animale. Car dans ce cas le curseur est vite mis et tout cela ne peut dès lors que nous inciter à pousser les décideurs économiques et politiques, privés et publics, à développer des filières locales de protéines végétales. Qui sait si une partie des éleveurs actuels ne seraient pas partants pour eux aussi transitionner si on explique et on accompagne assez ? On risquerait d'être surpris et les clivages, dans ce domaine comme dans malheureusement trop d'autres, ne seraient sans doute pas ceux que l'on croit. Enfin, vraiment enfin, manger végan suppose de se nourrir quand même (et heureusement!) de produits d'origine végétale. A l'heure de les consommer, un peu de gratitude ne serait pas de trop, c'est vrai quoi une petite pensée, pour ces êtres aussi qui ont donné leur vie pour que nous, nous poursuivions au mieux la nôtre.



Allez, sur ce, je m'en vais préparer un bon rougail « saucisses » à base de tofu fumé. Sincèrement, ça vaut la peine d'essayer et que l'âme des truies aille en paix.



©Yolaine de LocoBio,

Novembre 2021

 
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