Résilience alimentaire, mode d'emploi
(4ème
et dernière partie)
Toutes les bonnes choses ont une
fin mais là pas de quoi être triste car nous sommes justement face
au champ des possibles et je dirais même des souhaitables. Voyons
donc quelles sont les 5 voies d'action, sur un total de 11 je le
rappelle, avancées par Les greniers d'abondance? Il s'agit d'abord
de généraliser l'agroécologie, ensuite de développer des outils
locaux de stockage et de transformation, de simplifier et raccourcir
la logistique et l'achat alimentaire, de manger plus végétal et enfin de
recycler massivement des nutriments on le verra au premier
abord assez surprenants.
Concernant
l'agroécologie, l'excellent Mooc qui lui est consacré par
différents partenaires dont SupAgro Montpellier -tout un symbole de
transition en soi puisque cette approche est longtemps restée
confidentielle, pour ne pas dire
moquée et discréditée, comme quoi-, en donne cette définition :
« (…) à la fois
discipline scientifique, à la fois ensemble de mouvements sociaux
et politiques, avec une visée finalement d'agriculture alternative
ou d'imaginer un autre modèle de société. Mais également
(...) ensemble de pratiques agricoles, comme systèmes techniques
qui émergent ou qui ont toujours existé à travers le monde et
qui sont revisités (...) ». On peut la mettre en œuvre aussi
bien en maraîchage qu'en élevage, en agroforesterie ou en cultures
associées. Un utile schéma p.115 présente ses 6 principes
généraux, tous orientés vers l'organisation de systèmes agraires
durables qu'il conviendrait d'ériger en nouveau standard de
production : minimiser l'usage de ressources pour le moins
sensibles comme les engrais, les produits phyto, les carburants et
l'irrigation ; contribuer au système alimentaire local et donc
en finir avec des productions soit exportées soit importées ;
promouvoir les services écologiques, c'est-à-dire ce que la Nature
fait naturellement et dont nous avons tous besoin, comme la
pollinisation, la lutte biologique, le stockage de carbone et la
régulation du climat ; favoriser la diversité des variétés,
populations et races ; préserver les ressources naturelles que
sont l'eau, le sol et la biodiversité ; enfin,
optimiser et équilibrer des flux de nutriments comme par exemple les
couverts végétaux afin d'économiser l'eau. Les auteurs insistent
bien sur le fait que l'enjeu de cette révolution agroécologique ne
réside pas seulement -et c'est déjà pas mal!- sur le plan
alimentaire. Il est plus global, pour employer un terme à juste
titre récurrent aujourd'hui « systémique », aussi cela
implique de redessiner les paysages non plus pour prioriser la
production alimentaire mais afin de la concilier avec d'autres
impératifs pour l'équilibre entier du système, comme la
biodiversité. Le mot-clef est bien « concilier », à
l'opposé de toute la vision malheureusement de longue date
prévalente, faite de prédation, d'extension, de dégradation. A ce
propos, les auteurs mettent l'accent sur un sujet, enfin plutôt des
sujets souvent totalement absents des radars : les arbres.
En-dehors du fait que, oui, c'est joli un arbre (et d'ailleurs on en
« prélève » volontiers dans la forêt pour Noël, sic
le JT pour annoncer de fait la coupe d'un magnifique sapin pour le
mettre en centre-ville à Strasbourg) ; oui cela fait du bien de
se prendre de temps en temps un « bain de forêt »,
d'embrasser un arbre pour se sentir peut-être moins seul et pour se
ressourcer... mais au final tout le monde s'en tape un peu des arbres
quand il s'agit de faire ce que l'on veut dans son propre jardin ou
de construire un immeuble haut-standing au hasard avec vue sur le lac
Léman, toujours dans cette chère région d'Evian dont je m'aperçois
au fil de l'égrenage des leviers d'action qu'il y en aurait du
boulot en ce lieu encore magique mais en passe comme d'autres lieux
d'être défigurés. Sans parler de l'impact qui nous occupe ici sur
la diversité et l'autonomie alimentaire. Petite parenthèse pour
dire que cette allusion à un Chablais aussi fameux que perdu aux
confins de la France, aux frontières de la Suisse, montre bien toute
la complexité du développement territorial car la région est en
apparence riche, elle ne fait pas trop parler d'elle contrairement à
certaines villes, à certains quartiers, et pourtant elle est comme
les autres exposée aux mêmes défis contemporains et favoriser plus
d'autonomie alimentaire à l'échelle de ce territoire déjà très
contraint géographiquement permettrait sans doute déjà de réduire
le flux incessants de camions transportant de la nourriture sur des
routes saturées... sans avoir besoin de recourir à la solution de
facilité d'ailleurs contestée d'une voie rapide. Deuxième petite
parenthèse : le combat pour sauver de grands cèdres menacés
par l'extension, toujours l'extension, de l'hôpital de Thonon -là
encore, adieu la carte postale de la jolie petite ville thermale au
bord d'un lac aux eaux paisibles, tout un art de vivre, une
expérience inoubliable, on connaît la chanson-, ce combat-là est
un combat parmi d'autres qui témoigne bien du traitement par-dessus
la jambe réservé aux arbres et il va bien falloir élever le niveau
de conscience général pour arriver à mettre en phase besoins (matériels et immatériels) et
politiques publiques. Les collectivités locales ont assurément un rôle à
jouer dans ce domaine de la protection de même que dans d'autres
domaines visant à promouvoir l'agroécologie. Bien sûr, il va
falloir affronter ce qui fâche souvent comme en passer par un
diagnostic des pratiques agricoles, fixer des objectifs
d'amélioration, revoir la formation des agriculteurs et les
sensibiliser s'ils ne le sont pas déjà à la nécessité de
modifier leurs pratiques, évidemment promouvoir le bio et les labels
type Appellation d'Origine Protégée. Il faudra lever bien des
résistances et jouer franc jeu car la réalité est que bien
souvent, notamment dans les régions de montagne en Savoie et
Haute-Savoie qui sont celles que je connais le mieux, les élus
sont aussi des agriculteurs et que les facteurs de résistance se
retrouvent ainsi à deux niveaux. Non que tel élu en même temps
agriculteur soit à titre personnel hostile à une transition, mais
la pression de pratiques désormais ancrées depuis des décennies et
celle du groupe, de collègues résistant pour telle ou telle raison,
peut parfois remettre en cause, du moins retarder le processus. Dans
ma propre famille, j'ai pu constater combien passer de la monoculture
à une diversité de cultures, moins voire plus du tout utiliser de
produits chimiques nocifs pouvait faire l'objet de discussions âpres
et de pressions potentiellement décourageantes. La famille étant
après tout la première assemblée politique, on peut imaginer (et
constater, mieux comprendre) à l'échelle du conseil d'une petite
commune rurale, et ainsi de suite en progressant dans les échelles.
Ce problème est d'ailleurs évoqué sans détour dans le livre sous
l'étiquette « normes sociales », au même titre que
d'autres obstacles qu'il faut absolument s'évertuer à surmonter
comme les difficultés économiques des agriculteurs et donc un
contexte a priori peu favorable au changement, ou encore l'éternelle
et lancinante question de la propriété et de la structuration du
foncier.
Sur
la question des outils locaux de stockage et de transformation, le
potentiel est bien là mais il va falloir beaucoup de courage pour
affronter l'inertie d'un système bien installé et la résistance
d'un acteur majeur, l'industrie agroalimentaire, qui entretient
d'ailleurs cette inertie à coups de concurrence déloyale grâce à
la publicité omniprésente. Il est d'ailleurs préconisé quelque
part, je ne sais plus où exactement tant ce « manuel »
de résilience est dense, qu'une action politique locale serait
bienvenue dans plus de maîtrise au niveau du marketing et de la
communication de ce genre d'acteur déjà dominant. Cela pose
évidemment la question des revenus pour des collectivités déjà
globalement assez mal en point car cette publicité en est une
source. Actuellement, notre alimentation est très majoritairement
composée de produits transformés et cette transformation, de même
que le stockage et la distribution, est assurée par une filière
devenue au fil des dernières décennies ultra-concentrée tant de
par qui la possède et les lieux où sont réalisées ces opérations.
Le décalage est donc grand entre la capacité de pourvoir aux
besoins élémentaires d'une population à travers des produits de
base comme la farine, l'huile, les produits laitiers, la viande et
l'organisation spatiale de l'ensemble. Si on ajoute à ce que cela
signifie en termes de risque, la pollution, les infrastructures
sur-occupées par les véhicules assurant le transport , le lien
entre mal-être animal et allongement des chaînes
d'approvisionnement, on peut dire que le tableau est à peu près
complet pour achever de convaincre de la nécessité d'une mutation.
Comment ? Toute la difficulté est précisément à mon sens de
lister au préalable, avant un quelconque état des lieux des unités
et des filières de transformations existantes par ailleurs aussi
nécessaire, ce que l'on entend exactement par besoins élémentaires
d'une population. Car cela va permettre de prioriser certains
produits et de dynamiser ou de créer les conditions d'une production
à l'échelle locale. Cela touche nécessairement la question
sensible de la consommation de viande. J'y ai consacré une chronique
encore récemment et les données scientifiques montrent à ce propos
non seulement que s'en passer est possible mais qu'en plus, en tout
cas, la baisser est meilleur pour la santé. Cela signifie qu'il va
falloir clairement trancher dans le vif, informer et associer les
premiers concernés c'est-à-dire les citoyens, pour qu'un débat
ouvert, vraiment démocratique, ait lieu sur quels produits sont
priorisés, pourquoi ici et là. Et ne pas abandonner les
producteurs de produits d'origine animale en leur disant qu'après des
décennies de bons et loyaux services, eh bien le paradigme change,
et ils se débrouillent pour assurer leur propre changement. C'est
souvent un argument opposé par exemple par les producteurs de foie
gras dans le Sud-Ouest et je comprends tout à fait la véritable
rage qui puisse s'emparer d'eux. Cela dit, et cela
concerne en particulier cette production, on ne résout pas ici la
question des valeurs, de ce que cela signifie gaver un animal, donc
le rendre malade et ensuite faire d'un organe malade un des must de
notre gastronomie à vocation universelle. En un sens la question de
la viabilité des exploitations est distincte de cette dernière
question... mais jusqu'à quel point et comment allons-nous aborder
ces aspects on ne peut plus, une fois n'est pas coutume, culturels ?
Les collectivités locales n'auront pas non plus la main sur tout,
elles ne pourront pas faire de miracle surtout selon comment se présentent
les configurations d'acteurs et le degré de résistance à l'intérieur. Toutefois,
la marge est là pour carrément relocaliser des filières entières
comme c'est par exemple le cas au Pays basque où une association,
véritable cluster en elle-même, fédère des exploitations
productrices de blé, des minoteries et des boulangeries afin de
proposer un pain totalement local. A noter que la FNAB (Fédération
nationale de l'agriculture biologique) est particulièrement active
sur le net et sur le terrain pour proposer des méthodologies
adaptées à la stimulation de ce levier autour de la transformation
et du stockage.
Autre
levier, plus connu celui-ci car des citoyens sont souvent partie
prenante : la simplification et le raccourcissement de la
logistique et de l'achat alimentaire. On ouvre ici un des domaines de
prédilection de la consommation responsable que LocoBio a essayé de
soutenir depuis sa création via différents moyens dont ces mêmes
chroniques et la réalisation du 1er annuaire de Chambéry et sa
région. J'en profite pour témoigner d'ailleurs ici de la
difficulté, à l'époque, certes pas si lointaine mais beaucoup de
choses ont quand même changé depuis, de pérenniser un tel
annuaire. En effet, ce travail avait été réalisé principalement
par mes soins et bénévolement. J'étais alors identifiée comme une
actrice du développement durable on dira « dévouée »
par rapport à ceux qui en faisaient déjà profession. Ayant regroupé
toutes les bonnes adresses permettant de consommer local et propre
(piliers social et écologique du DD), j'avais en effet jugé utile
de les regrouper dans un document diffusé gratuitement. C'est ce qui
a été fait et ce document demeure disponible sur le site.
Toutefois, pour vraiment bien renseigner le consommateur sur ce qui
est disponible près de chez lui et par-là même assurer des
débouchés aux producteurs, il faut actualiser ce genre de document,
surtout l'imprimer en version poche, facilement transportable dans un sac,
et le diffuser en nombre d'exemplaires suffisants pour toucher un
maximum de gens, que cela s'inscrive dans leur quotidien. D'où des
coûts dont certains avaient été pris en charge bénévolement et d'autres qui auraient appelé un soutien. Et c'est là
que ça a coincé car je me suis retrouvée à proposer différents
formats d'encarts publicitaires à des interlocuteurs aussi variés
que des magasins bio dont certains ont une bonne marge financière,
ou encore des producteurs qui, eux, tirent bien souvent la langue.
Certains seraient bien partis sur le projet mais cela n'a pas été à
la hauteur du coût réel -encore lui- d'un tel annuaire pour qu'il
produise l'effet social escompté. J'ajouterais que les collectivités
étaient alors moins mûres sur le sujet, parfois on arrive trop tôt.
Aussi, et ce fut la source principale de ma déception et de l'arrêt
-peut-être temporaire- de cette initiative : il a souvent été
considéré que comme j'avais fait ce travail bénévolement, eh bien
je pouvais continuer ! Et le pire est que les plus écolos de
mes interlocuteurs ne se sont pas montrés toujours les moins
cyniques en faisant preuve en réalité d'une réelle avarice et en
attendant de pouvoir profiter ensuite des bénéfices liés à la
réalisation de cette œuvre. C'est un peu sans commentaire mais on
dira que la nature humaine reste la nature humaine et ce n'est pas la
moindre des contradictions de base quand on parle d'écologie. Avant
de parler des collectivités locales et de leur rôle, on peut tout
simplement parler du rôle que chacun peut jouer et des actes qu'il peut
aligner en vertu de valeurs souvent uniquement affichées. D'un autre
côté, les « écolos » sont des hommes et des femmes
comme les autres, c'est peut-être moi qui ai commis une erreur en
pensant, en voulant penser le contraire ! Alors c'est à moi de
changer aussi et cela tombe bien puisque la vie n'est que changement,
c'est ça qui est enthousiasmant.
Après
le récit de cette anecdote personnelle mais je pense significative,
comment faire cesser une situation absurde qui fait que, si l'on
voyait vraiment les choses comme elles sont, nous verrions une
majorité de pétrole dans nos assiettes ? Car il s'agit bien de
pétrole, de celui utilisé pour acheminer les denrées vers là où
nous les achetons et ensuite de celui évaporé pour les rapporter
dans nos foyers. Tout l'enjeu est donc bien de «développer une
offre alimentaire de proximité, accessible à pied (ils sont où les
commerces de proximité, solubilisés dans les centres commerciaux en
périphérie?), à vélo ou en transports en commun » (p.135).
C'est là que le sujet sensible de la planification urbaine rentre en
jeu car l'alimentation, de la production à la consommation, doit
désormais y être pleinement (ré)intégrée. En complément, une
aide peut être apportée pour faire émerger des plate-formes
mutualisées de distribution pour les producteurs locaux afin de les
soulager d'une activité nécessaire mais qui ne constitue pas leur
cœur de métier. Développer les circuits-courts est sans doute
l'action la plus avancée et la plus notoire, avec les paniers et
autres Amap labellisées ou non comme telles. Beaucoup serait à dire
sur ce sujet que je connais assez bien car cette contractualisation
entre agriculteurs et consommateurs a été développée en France par
des membres de ma famille, dans le sud, mais la littérature est abondante sur ce thème donc je ne m'appesantis pas. Je peux
juste dire que les relations entre parties prenantes ne sont pas
toujours aussi idylliques que ce que l'on pourrait croire, encore une
fois la nature humaine ne manque pas de poindre de temps à autre et
j'ai moi-même pu être aussi bien choquée de consommateurs tyrans
sur les bords entendant fixer au producteur le prix de « leur »
panier que des producteurs qui parfois ne mettaient pas grand chose
dans le même panier et écoulaient une partie de la marchandise
ailleurs. La transparence et la confiance restent à mon sens la clef
dans ce genre de relation qu'on le veuille ou non marchande de
proximité. Autres modes d'action à hauteur tant des citoyens que des
collectivités : favoriser l'installation de points de vente et
de solutions logistiques dites du « dernier kilomètre »,
l'autopartage, toute solution visant aussi à limiter le
congestionnement des villes tout en retrouvant un tissu urbain
véritablement humain.
J'en viens enfin aux avant-dernier et dernier axes d'action. Je mentionne juste celui relatif au développement d'une alimentation plus végétale
car j'ai encore récemment consacré à cette question plusieurs
chroniques (113, 115, 117) et je vais m'y atteler une nouvelle fois
prochainement. Le rôle de la restauration collective est ici
cardinal et on le sait assez car de nombreux "frottements" n'ont pas
manqué de s'y manifester. Cela est normal car il s'agit d'enfants et de
nourriture donc on évolue entre données objectives comme la définition
du bon équilibre alimentaire et éléments à la fois subjectifs et
culturels comme la représentation de ce qui constitue un bon équilibre.
Sans parler des pressions communautaires émergeant de toutes parts et
contraignant sans doute les collectivités à régler "en bas" ce qui ne
l'est pas, voire est aggravé "en haut". Il est à espérer qu'un
travail sérieux d'élaboration et de proposition de menus équilibrés,
basés sur des produits locaux, de saison donc frais, au maximum
biologiques et végétaux, contribuera à calmer les esprits, la
multiplication des expérimentations creusant le terrain favorable à une
mutation culturelle de plus grande ampleur. L'assiette,
singulièrement celle de la restauration collective, reste le vecteur-roi
de l'éducation et de la sensibilisation car elle ne concerne pas que
celui qui mange mais son entourage, les familles des élèves pouvant
ainsi évoluer ensuite dans leurs pratiques domestiques... et donc être
au rendez-vous des productions locales... et donc s'inscrire dans une
logique de cercle vertueux, d'économie circulaire. Voici
justement un bon exemple de ce type nouveau (enfin pas si nouveau en
réalité, il a juste dominé l'histoire de l'Humanité) d'économie: le recyclage de nutriments essentiels à la fertilité des sols, donc à la quantité et à la qualité des productions.
Le problème est qu'actuellement la majeure partie de ce qui nourrit le
sol est d'origine minérale, cette production étant elle-même très
dépendante de la ressource pétrole dont on sait qu'elle n'est ni locale
ni propre. Si cette question présente des aspects très techniques, elle
se traduit cependant par un risque très concret: la baisse de la
production agricole. Il convient donc de s'en prémunir en travaillant à
une plus grande autonomie en matière d'engrais. Cela est possible
notamment en utilisant nos propres excrétats, à commencer par l'urine
qui, par delà une image pouvant aussi bien surprendre que repousser,
est une ressource par définition renouvelable. Que peuvent faire les
collectivités? Plusieurs pistes sont pointées: faire des établissements
dont elles assurent la gestion des exemples en matière de recyclage des
excrétats (toilettes sèches avec urine séparée, par exemple),
installation d'équipements de récupération (notamment via les cahiers
des charges des opérations immobilières à venir...), aider à structurer
une filière de valorisation agricole de cette matière et, comme cela est
sans doute déjà plus développé, encourager le recyclage des biodéchets
(compostage en bas d'immeubles, etc...). Plusieurs obstacles sont
toutefois à lever comme celui de la réglementation et de certaines
contradictions du type: comment prétendre nourrir sur la base de
l'agriculture biologique qui a besoin jusqu'à présent d'engrais minéraux
d'origine fossile si les alternatives d'origine humaine demeurent
interdites? Sur la question des risques liés à la présence de résidus
médicamenteux dans les urines ou d'autres polluants, les auteurs
avancent qu'ils restent mineurs au regard des bénéfices potentiels mais
j'ai à ce propos quelques réserves tant on sait que beaucoup de produits
de ce type sont consommés. Parfois on ne peut pas faire autrement et
ces médicaments sont de bon aloi, parfois ils relèvent de la
surconsommation liée au fait que notre propre santé a elle aussi été déléguée à autrui alors que comme pour l'alimentation cela n'était pas le cas avant.
D'où des résidus qui peuvent à leur tour avoir un impact sur la santé
humaine et pas que. Donc des données précises et approfondies me
semblent nécessaires en général et au cas par cas, c'est-à-dire dans un
bassin de vie donné, pour savoir ce qui est exactement possible. Une
thèse a en tout cas été présentée récemment sur le sujet (https://www.leesu.fr/ocapi/2020/12/14/lurine-humaine-en-agriculture-soutenance-de-these-de-tristan-martin). Elle devrait pouvoir participer au grand mouvement d'innovation que nécessite la transition alimentaire qui
a une nouvelle fois retenu, comme vous pouvez le voir et le lire, toute
mon attention. J'espère vivement que le remarquable effort de synthèse
réalisé par l'équipe des Greniers d'abondance contribuera à une mutation
aussi significative qu'essentielle. Il y a fort à parier que les
années, les décennies à venir, seront pour moi l'occasion de revenir sur
ce vaste et beau chantier.
©Yolaine de LocoBio,
Novembre 2021
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