La
pause champi, champignons
Ah,
vous aimeriez bien connaître la suite de la chronique 116 sur la
résilience alimentaire et l'action des collectivités locales en la
matière ! Ah comme je vous comprends mais... mais... mais il va
falloir un peu attendre et c'est, figurez-vous, pour la bonne cause.
Car, figurez-vous encore, c'est bientôt Noël. On pourrait dire
qu'on s'en fout, que c'est banal, qu'on est bien trop déprimés pour
fêter quoi que ce soit, que c'est toujours la même chose et qu'en
même temps c'est jamais la même chose, qu'on voit bien que vous
êtes confus à force d'être déprimés... bref, c'est précisément
le moment de se ressaisir et de jouer le jeu puisque la vie c'est ça,
c'est avant tout jouer sérieusement le jeu. Pour cela, rien de tel
que de faire sa petite part, comme le colibri-cui-cui, et pas toujours
attendre que ça vienne d'en-haut la bectance-cui-cui. Les maires et
autres présidents, l'action locale et pourquoi pas internationale,
ok, bien sûr que c'est important. Mais vous face à vous-mêmes
aussi c'est important et rien de tel que se mettre au DIY, le fameux
Do It Yourself, alias "démerde zidich" comme disait mon père quand
j'étais petite et j'espère bien retranscrire ce mot à la sonorité
unique. Et vraiment rien de tel que cultiver ses propres champignons,
ça vous changera sans jeu de mot mais je l'avoue avec une certaine
lourdeur (assumée) de vos plantes de pied un brin hallucinées.
Cela
dit, comment faire, peut-on s'improviser myco... myco... je cherche
parce que je sais que « myco » ça veut dire champignon
en grec ou en latin, enfin bref dans une de nos deux racines
antiques, après tout on est tous un peu des champignons, mais
cultivateur de champignons, je ne sais pas. Mycoculteur ? Si
c'est ça, c'est pas top. Ah ça y est, je me souviens !
Myciculteur ! Magie de la langue et de son évolution, on a mis
un « i » comme pour adoucir un mot qui finissait par
lui-même ressembler en calligramme à un champignon. Et donc, ce
débat sémantique initialo-fondamental étant clos, toute la
question elle aussi initiale demeure : alors comme ça, je peux
vraiment devenir une mycicultrice (je parle pour moi et à l'issue
d'un débat avec moi-même aussi intense que pour la question
sémantique ci-avant, je pense pouvoir parler de moi au féminin, du
moins en ce moment) ? Eh oui, il est tout à fait possible et
même recommandé pour les nerfs, les pieds, le nez, tout votre
métabolisme en effercvescence à cette folle et si douce idée de
cultiver vos propres champignons par définition comestibles parce
que sinon, si l'idée c'est du faire du sport et de paraître un peu
intelligent, autant pédaler pour recharger votre portable.
C'est
donc à cette fin si noble et oubliée que j'ai dévoré le dernier
livre consacré à la question par les éditions Ulmer. Il fallait
bien que je dévore quelque chose en attendant de faire ma propre
récolte et si je comptais sur en rapporter des bois, ben Tintin
parce que cette année c'est une année où Tintin, les champi y'en
n'a pas des masses dans les bois. En plus, les coins à champi, c'est
un secret et moi personne a voulu me dire et même qu'en plus vaut
mieux parce que je les garde pas les secrets. Blague à part car je
suis quelqu'un de très docte et très fiable et c'est précisément
pour cela que je m'intéresse de près aux champignons, que trouver
dans ce joli livre ? Ah, d'abord, comment s'appelle-t-il (quand
même la base pour une recension aussi docte que fiable comme ma
personne!) ? Cultiver
les champignons. A la maison, sur le balcon, dans la cave et au
jardin.
Son auteur, pas un rigolo ni un dernier né de la dernière pluie,
puisque titulaire d'une thèse en agronomie, est un journaliste
spécialisé dans le jardinage. Lui-même jardinier dans son propre
jardin, il a souhaité faire ce que font tous les jardiniers et je
dirais les humains encore un peu humains : expérimenter et
partager le résultat de ses expérimentations. C'est ainsi que
Folko Kulmann a publié ce livre à la base en allemand et le voici
maintenant traduit en français pour la plus grande joie de la
curiosité, des yeux et j'espère bientôt des papilles. Ce
splendide ouvrage, qui fait partie de mes premières recommandations
de cadeaux (à se faire soi-même et éventuellement, s'ils ont été
bien sages, aux autres) à Noël et en tout temps, vous en apprendra
des vertes et des pas mûres et ce en 3 temps. D'abord comprendre ce
qu'est un champignon car la base, pour un jardinier, c'est la
connaissance et l'attention. Donc un petit peu de biologie ne vous
fera pas de mal car vos souvenirs de dissection de champi et de
cerveau de grenouille après l'oeil de la vache pas si folle
commencent à s'éloigner. C'est normal, tout à fait normal et, mes
bien chers frères, mes bien chers sœurs, allez en paix puisque la
culture du champignon va vous soigner. Où il est rappelé que le
champi est un peu un alien, ni animal ni végétal, et que c'est pour
cela, sans le savoir, qu'on l'aime en fait bien ; qu'il en
existe beaucoup dans ce qui constitue un règne, mais vous vous
rendez compte ?, un règne à part entière !; qu'ils sont
de longue date présents dans l'alimentation de nombreux peuples mais
pas que puisqu'ils ont aussi un usage en médecine. En Asie ou en
Europe, songez aux champignons de Paris, les cultiver est une
tradition ancestrale. Enfin, ils constituent le compagnon idéal de
nos menus santé puisque riches en protéines, en fibres, en
vitamines et en minéraux, ils contiennent à l'inverse peu de
graisses. Champions de l'adaptation, on peut les cultiver à peu près
partout, que ce soit à l'intérieur de la maison ou en extérieur.
Qui dit mieux ? Personne. Donc je poursuis et on attaque dans le
vif du sujet avec la seconde partie consacrée à tout ce qu'il faut
savoir pour se lancer dans l'autoproduction. Des outils au calendrier
de culture en passant par le choix du bon substrat, des bons lieux,
des bons soins au quotidien, sans oublier comment récolter, stocker
et conserver, bref vous saurez tout tout tout sur tout le cycle de
culture du champi. Je retiens pour leur intérêt particulier pour
des débutants un certain nombre de tableaux récapitulatifs
comme celui du classement par ordre de difficulté. Et cela donne
immédiatement envie de se lancer parce que la pleurote et le
shiitake, qui sont quand même parmi les champignons les meilleurs,
les plus raffinés, eh bien ceux-là même se trouvent à la portée
immédiate des apprentis jardiniers. Je retiens aussi le focus fait
sur la culture avec le marc de café car c'est un bon exemple
d'économie domestique circulaire, pour parler vite vos déchets
deviennent terreau fertile et c'est CQFD (le souci, c'est qu'il faut
boire du café donc cela peut ne pas trop s'avérer logique de
vouloir se calmer, admettons, à coup de champignons, et de s'énerver
d'un autre côté pour leur fournir une forme de terre, sans parler
de l'aspect équitable ou non du café, et sans parler non plus d' où
il vient, du bilan carbone lié aux transports, bref tout ce qui
déprime quand on pense conso responsable et même que c'est
justement pour ça qu'il nous en faut beaucoup beaucoup beaucoup de
champi-champignons). Je retiens également que si vous avez une cave
et que vous n'avez pas peur d'y descendre en mode au-secours-Hitchcock-les-champignons-me-courent-après-ils-sont-devenus-fous, eh
bien voilà une bonne occasion de valoriser un endroit sombre et
potentiellement humide, bref l'endroit pouah où aucune plante ne
voudrait pousser. Décidément, le champi est un être cool et c'est
encore plus vrai si vous vous rendez compte qu'il pousse sur une
vieille souche. Du coup, si vous avez une belle-mère ou un mari dans
cet état et que vous voulez faire du social, pas jeter les vieilles
souches, ça jamais, n'hésitez pas à leur donner une seconde vie en les
transformant en support de culture d'éternelle jeunesse. A noter
qu'en terrasse ou en balcon, c'est-à-dire ce qui concerne la
majorité des urbains urbanisés que nous sommes de plus en plus, il
ne faut pas grand chose : pots ou grands récipients suffisent
pour peu qu'ils soient au nord et donc vous allez devoir déménager
au nord si vous voulez de beaux champignons ; tant pis si à
vous il faut du soleil, vous en aurez ensuite dans l'assiette.
L'assiette,
il s'agit justement d'elle et uniquement d'elle, miam miam, dans la
troisième partie. Celle-ci s'ouvre sur un précieux tableau
récapitulant pour chaque espèce son utilisation, sa durée de
stockage au réfrigérateur et les différents modes de conservation.
C'est là qu'on s'aperçoit de la force unique de la pleurote en
forme d'huître (je précise parce qu'il y a quantité de pleurotes)
et du shiitake puisque les deux se gardent une bonne semaine au
frigo et peuvent se conserver tant congelés qu'en conserve au
vinaigre ou à l'huile. Si c'est pas motivant ça ! Ensuite, 18
champignons sont systématiquement passés en revue. Vous allez
devenir fortiches sur leurs caractéristiques, leur technique de
culture, la phase d'incubation, la récolte, re-stockage et
re-conservation, puis en cuisine comment ça se passe, leurs bienfaits
et le tout et tout de leurs petites particularités à chacun. Étant
écrivain, je ne me lasse pas de prendre de telles précisions au
second, que dis-je, à je ne sais quel degré : « La
variété Florida n'a pas besoin de vernalisation ». Si c'est
pas du code secret ça, j'en met ma non-main de jardinière au feu
sacré ! Le must de cette partie se cache comme toujours dans
les interstices et vous trouverez donc de suggestives recettes ci et
là dans votre jardin aux 18 champignons. Ce qu'il y a de bien, c'est
que l'on peut choisir et adapter selon les saisons. Je pense
particulièrement aux pleurotes sur leur lit d'artichaut, mets
d'automne s'il en est, eh bien pourquoi pas leur faire un transat de
poivrons de toutes les couleurs, à l'huile d'olive, en été ?
Je passe sur le sandwich aux pleurotes du panicaut car si je le
visualise trop j'arrête tout de suite d'écrire et je vais m'en
faire un. Ça doit être p... de bon ! Bref, vous trouverez de
quoi vous régaler et aussi de quoi transitionner car les champignons
sont les rois pour tout régime végétarien/végétalien. Cela
n'enlève malheureusement rien à la barbarie qui consiste à les
cultiver pour miam miam les manger. Mais que voulez-vous, que
voulez-vous... On aura juste des comptes à rendre à la pholiote
changeante. Et il faudra convaincre l'hydne hérisson de nous
épargner à l'heure des grands jugements derniers. Pour l'heure, qui vivra verra. Enfin surtout, qui cultivera vivra et verra.
Yolaine de LocoBio,
Novembre 2021
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