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Chronique 76
07-03-2015

Parce qu'eux, c'est nous, « Désobéir pour les animaux » :

une vérité bonne à dire et à incarner

 

  

Evolution du statut juridique de l'animal, ferme des 1000 vaches, salon de l'agriculture... l'actualité rappelle à qui l'ignorerait ou l'oublierait que « nos amis les bêtes »  sont à la fois au cœur de l'économie et de luttes pour améliorer leur condition. Car il y a en la matière malheureusement bien à faire. Et pour faire, rien de tel que se procurer, dévorer et se référer régulièrement au livre en format poche, accessible au plus grand nombre de par son prix (5 euros) et son parti pris pédagogique au récent ouvrage édité par le Passager clandestin : Désobéir pour les animaux.

Des livres pour désobéir

Rappelons juste que cette maison d'édition, fondée en 2007 (comme Locobio!) dans les Pays de la Loire affiche une ligne éditoriale claire, faite de révolte contre le monde tel qu'il persiste dans la justice et le vivant mis à mal, ainsi que la promotion de valeurs et de pratiques alternatives. Cela commence par un souci pour le livre en tant qu'objet, celui dont il est ici question, certifié Imprim'vert et PEFC de même qu'imprimé en Auvergne. Ce souci demeure assez minoritaire parmi les professionnels de ce secteur d'activité, la routine et les difficultés économiques fournissant des arguments en faveur de l'immobilisme. Qui opère différemment mérite donc d'être mis en avant afin de voir son travail encouragé.


La volonté d'oeuvrer pour une transformation radicale de la société se traduit par ailleurs par le développement d'une dizaine de collections et la publication de, déjà, une centaine d'ouvrages. Le premier d'entre eux fut, de manière emblématique, une réédition de La désobéissance civile de Henry David Thoreau présentée par Noël Mamère. (Rappelons à ce sujet que la dernière biographie chez Folio de l'écrivain-philosophe américain a fait l'objet de la précédente chronique sur le site de LocoBio). Car l'option du capitalisme vert et des moyens d'action politique traditionnels est clairement écartée au profit de celle de la décroissance et de nouveaux types de mobilisation citoyenne. Telle est la raison pour laquelle l'une des collections-phare, « Désobéir », est dirigée par Xavier Renou, par ailleurs membre fondateur du collectif « Les désobéissants » et co-auteur avec des militants de L214 - association pour une éthique envers les animaux- du présent livret.


L'Homme : un animal angoissé... et angoissant

L'idée est bien de prendre acte des rapports de force existants, de leur influence néfaste sur la planète, et d'agir, chacun à son échelle mais tous ensemble. Elle est en la matière de renouer avec la culture de la désobéissance civile et l'action directe non violente pour les animaux qui, faut-il encore le rappeler, ne sont pas des « autres », à ce titre exploitables sans vergogne, mais biologiquement des « mêmes » puisque l'Homme n'est ni plus ni moins qu'un « être appartenant à l'espèce animale la plus développée, un mammifère de l'ordre des Primates, seule espèce vivante des Hominidés, caractérisé par son cerveau volumineux, sa station verticale, ses mains préhensibles et par une intelligence douée de facultés d'abstraction, de généralisation, et capable d'engendrer le langage articulé » (d'après le Larousse).


L'Homme est donc un animal, certes modelé par l'usage d'une certaine raison, mais il n'en demeure pas moins un animal... visiblement tourmenté par sa propre définition (que de pages écrites en philosophie, on se demande parfois pourquoi, tout ça pour ça, sur le « propre de l'Homme »), avide de se distinguer à tout prix comme pour se rassurer lui qui est semble-t-il le seul à savoir qu'il va mourir et pollue tout le monde avec cette angoisse première. Avide de se distinguer aussi pour mieux établir une hiérarchie et au passage copieusement exploiter d'autres êtres vivants. Au fond, le mécanisme est le même que pour le racisme, le colonialisme et les phénomènes de domination masculine sur la femme, l'enfant, ou telle minorité religieuse. Rien de très nouveau, de très exotique, le « propre de l'Homme », ce serait avant tout cela, cette formidable et si banale aptitude à utiliser son intelligence à mauvais escient, pour dissimuler de la malhonnêteté, du pouvoir, du mépris des autres que soi et certainement du mépris envers soi, petit être incapable de se débrouiller tout seul dans une Nature soudain immense, bien immense, trop immense.


Du déjà vu dans l'Histoire et des chiffres affolants

Telle pourrait être une version pessimiste de la vie. On se demande qui peut sérieusement, durablement, s'en satisfaire. Reste alors l'action. Or celle-ci repose sur l'éducation, donc le savoir en connaissance de cause. C'est précisément ce à quoi s'emploie ce court (62 pages), dense et efficace ouvrage sur la « cause animale ». L'usage des guillemets est de rigueur car, on l'aura compris, point d'a priori spéciste dans cette recension : il s'agit bien de notre cause à tous, prenant acte d'une distinction biologique qui ne peut en revanche fonder aucune suprématie. Comme les autres (18 au total!) manuels pratiques de cette collection, le propos est divisé en 4 parties. Le ton est donné dès le début par quelques citations percutantes du genre : « L'éventualité des pogroms est chose décidée au moment où le regard d'un animal blessé à mort rencontre un homme. L'obstination avec laquelle celui-ci repousse ce regard : « ce n'est qu'un animal » réapparaît irrésistiblement dans les cruautés commises sur les hommes dont les auteurs doivent constamment se confirmer à eux-mêmes que ce n'est qu'un animal, car même devant un animal, ils ne pouvaient le croire entièrement. (…) Auschwitz commence quand quelqu'un regarde un abattoir et pense : ce ne sont que des animaux. » (p.6). A noter que l'auteur de cette réflexion est un grand esprit, sociologue, philosophe, compositeur et musicologue, puisqu'il s'agit de Theodor W. Adorno. On peut donc lui accorder un certain crédit, en tout cas plus qu'à tous les lobbys avérés pro-viande et à leur communication payée à grands frais par le consommateur.


Le ton est également donné par les chiffres qui informent sur l'ampleur des massacres silencieux (le pire se déroulerait en mer, avec une pêche effrénée), invisibles et pourtant aussi massifs que quotidiens : plus de 10 millions d'animaux sont utilisés, rien qu'en Europe, comme « matériel scientifique » pour tester produits cosmétiques, ménagers et médicaux. La maltraitance peut prendre d'autres formes, en apparence moins « sauvages», et pourtant... comme l'abandon constant et effarant de 100 000 chiens et chats, en France, chaque année, avec ce que cela suppose de prise en charge par des bénévoles, des dons, bref des actions toujours et dramatiquement que réparatrices d'un système sachant faire si peu autre chose que casser. Le pire provient de notre régime alimentaire excessivement carné et donc de l'élevage industriel intensif, de plus en plus intensif et fou, déconnecté tant des besoins réels des humains que ceux servant de chair à ingurgiter. Là encore, la logique est implacable : à partir du moment où l'humain se déconnecte de la Nature en (sur)vivant dans des villes, souvent dans des édifices à étages, il est peu étonnant que le même régime soit réservé aux animaux chargés de le sustenter, privés eux aussi de la moindre litière, du moindre contact avec l'air frais.


Du « chien-chien à sa mémère » à rien : images interdites

Une fois le ton donné, on s'attache dans un premier temps à comprendre pourquoi désobéir pour les animaux. Où il s'agit d'en finir avec la « schizophrénie morale » distinguant animaux de compagnie et animaux de boucherie. Où il s'agit aussi de prendre acte des avancées scientifiques qui, grâce à l'éthologie et à de grands noms comme Boris Cyrulnik (http://www.psychologies.com/Planete/Les-animaux-et-nous/Articles-et-Dossiers/Les-animaux-nous-aident-a-nous-redefinir; http://www.seuil.com/livre-9782021101911.htm

; http://www.huffingtonpost.fr/2013/10/24/24-intellectuels-changement-statut-juridique-animal_n_4149765.html), sous le terme de « sentience », démentent nos préjugés dominateurs : oui, les autres animaux sont doués de sensibilité, aptes à l'art, à la culture, insérés dans des dynamiques politiques. Où cet éclairage scientifique anti-négationniste confirme ce qui serait par ailleurs dans notre intérêt du point de vue de la santé : manger moins de viande et plus diversifié. Bref, les raisons ne manquent pas pour justifier le combat.


Des figures inspirantes pas si minoritaires que ça

Dans un second temps, on survole l'histoire de la désobéissance pro-animaux. Utile et nécessaire mise en perspective qui aide à prendre conscience de l'horreur du carnage dénoncé mais de son possible arrêt car les conceptions qui sous-tendent ces pratiques apparaissent relatives dans le temps et à la surface du globe. En effet, dès l'Antiquité gréco-romaine, des philosophes prônaient un régime végétarien ou à dominante végétarienne qui était alors le lot commun des gladiateurs, pas des mauviettes donc. Faut-il aussi rappeler que les trois religions monothéistes n'ont pas -ou ne devraient pas- avoir le monopole du paysage religieux, encore moins sprirituel, et que l'hindouisme se distingue par un positionnement différent au regard des animaux ?


Au fil des siècles, en traversant des frontières elles bien humaines, on s'aperçoit ainsi de la relativité de ce qui nous est, comme par hasard, présenté comme immuable, universel, indiscutable. On puise de la force tant chez Edith Piaf qui avait en son temps soutenu une pétition pour un « abattage humanitaire » (vieille et sordide question toujours honteusement non réglée) que chez cette adolescente à l'origine d'une collecte de signatures contre la dissection au collège, autre geste routinisé et non moins hérétique pour une matière intitulée « Sciences de le vie de la Terre »... On mesure au passage comme il y a aussi, dans cette drôle de République (mais après tout aucun régime politique réel par opposition à un idéal n'est à l'abri de contradictions), deux poids deux mesures, une différence de traitement dont la liberté de conscience fait les frais. En effet, quid, en particulier à l'école, pour les végétariens ou, plus loin, pour les adeptes du véganisme ? Le silence est assez sidéral et impose à ceux qui dérogeraient de la violence, celle d'avoir de la viande sous le nez ou de savoir que leur portion va alimenter le gâchis ambiant. Mais il est vrai, aussi, que végétariens ou véganiens font sans doute moins peur que d'autres, donc ils peinent à se faire entendre, comme on dit à « s'imposer sur l'agenda politique ».


A bas l'apathie, en avant pour le combat !

C'est exactement de cela qu'il s'agit, prendre, donner la parole en faveur des animaux, donc d'une pensée autre, dans la 3ème partie intitulée « Agir ». On y trouvera d'abord le moyen de se (ré)conforter et de sortir du vertige qui peut prendre, brutal, en découvrant l'étendue de l'hécatombe sans nom. Car les animaux sont à bien y réfléchir partout, et souvent utilisés bien sûr à leur corps défendant. Sans être adepte de fourrure, on ne peut ainsi nier que la majorité des chaussures sont par exemple en... cuir. Idem pour les sacs à main, les ceintures... D'un autre côté, cela donne du pain à la planche pour imaginer des alternatives qui sont d'ailleurs en bon chemin grâce à des matériaux que l'on souhaiterait distincts, aussi, du plastic car ce n'est pas très cohérent, écolo-compatible. Dur, dur de sortir des cercles vicieux quand on s'y est mis...


Plusieurs pistes s'ouvrent donc à qui voudrait s'investir dans cette noble lutte : rendre visible la souffrance car elle ne tient que par son opacité ; occuper la rue ; libérer des animaux pour les arracher à leur sort et faire respecter la loi car des lois existent déjà ; faire obstruction, par exemple en empêchant la tenue de battues dans des chasses d'un autre âge; soutenir les associations qui militent pour l'évolution du statut juridique de l'animal car ce front n'est absolument pas à négliger... tout comme celui du pouvoir en tant que citoyen-consommateur à même de boycotter tel ou tel produit, ou au contraire de privilégier celui-ci au détriment de celui-là (foie gras versus terrine végétale, pourquoi pas?).


Enfin, des ressources bibliographiques sont à disposition dans le dernier volet, sachant que les nombreuses notes en bas de pages informent déjà copieusement à ce sujet. Liens vers des revues scientifiques, des films, documentaires, chansons, sites web, associations et collectifs... tout est à disposition pour que chacun trouve sa juste place, que ce soit les humains dans une noble cause ou les êtres vivants, plus généralement, dans un monde meilleur, plus à notre réelle et profonde hauteur.


+ d'infos

- Approfondissements conseillés grâce au pack désobéissance, pourquoi s'en priver ?: http://lepassagerclandestin.fr/catalogue/paniers-thematiques/panier-desobeissance.html


- Eveil à poursuivre en guettant les sorties de ces éditions décidément enragées, dans le bon sens du terme : http://lepassagerclandestin.fr/catalogue/a-paraitre.html


- Piqûre de rappel sur le sujet et critique d'un autre ouvrage de ces éditions sur le site de LocoBio : voir les chroniques 61 et 65.


+ de baume au coeur

Et pour finir tout à fait, que ces deux pensées nous accompagnent :

«  Ceux qui luttent ne sont pas sûrs de gagner mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu » (site internet des Désobéissants)

« L'idée du calme est dans un chat assis » (Jules Renard, ça ne s'invente pas!) 


Parce qu'eux... c'est nous.



©Yolaine de LocoBio




 
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