A
propos de la « green fatigue ».
Mais de quoi est-on réellement fatigués ?
Fatigue...
fatigue... mais d'abord de quoi parle-t-on ? Allez, un petit
tour du côté des définitions, histoire de fixer le cadre. Alors, selon le Larousse, la fatigue est :
- L'état physiologique consécutif à un effort prolongé, à un travail physique ou intellectuel intense et se traduisant par une difficulté à continuer cet effort ou ce travail.
- Ce qui cause cet état de lassitude (surtout pluriel) : Supporter les fatigues du voyage.
- L'endommagement d'un matériau provoqué par la répétition de sollicitations mécaniques et pouvant entraîner sa rupture sous des contraintes inférieures à celles résultant d'actions statiques.
- En agriculture :
Baisse de fertilité d'un sol ou mauvais rendement des récoltes, dont l'origine est mal expliquée.
« Effort
prolongé », « travail intense » au point d'avoir
des « difficultés à continuer », « lassitude »,
« endommagement par répétition de sollicitations mécaniques
au risque d'atteindre un point de rupture », « baisse de
fertilité », « de rendements ».... toute
ressemblance avec ce qu'à peu près tout le monde éprouve
actuellement dans notre pauvre et cher pays est absolument logique.
Rien de fortuit. Le souci, l'erreur, la malhonnêteté, le danger
fatal, c'est d'en rendre quasi responsable l'écologie (au sens large
de défense non partisane du vivant). C'est là que le bas blesse
vraiment, que l'on tombe sur la fameuse « green fatigue »
qui a depuis quelques temps le vent en poupe... et que l'on est
légitimement en droit de se demander à qui profite ce trouble, ce
relâchement ; et pourquoi pas qui l'orchestrerait pour défendre
de coupables intérêts.
De
quoi parle-t-on exactement ? Green fatigue = lassitude du vert,
de tout ce qui est vert, de tout ce qui transpire le vert, de tout ce
qui pue (visiblement) le vert. L'heure est à la schizophrénie
généralisée, institutionnalisée, donc pourquoi pas en effet en
arriver à se nier ? Car nier, rejeter le « vert »,
n'est rien d'autre que se rejeter, s'anéantir soi en tant que
personne et en tant que collectivité. Cela s'appelle arriver au
bout d'un processus d'autodestruction unique, inouï, impensable.
Cela s'appelle se tromper de cible et oublier que la vraie fatigue
provient des vrais sujets mal traités au point de générer du
mortifère dans nos vies. Cela s'appelle être manipulés, aliénés,
sous la vague et les chocs successifs sans être capable (on peut le
comprendre) d'être lucide et de relever la tête.
Cela
s'appelle quoi ? Faire comme si le système actuel et
politique allait bien alors que le problème de fond réside ici ?
Comment supporter plus longtemps que les mêmes s'en sortent toujours
grâce aux plus démunis ? Ainsi, il ne faut pas s'y tromper, le
secteur bancaire a bénéficié d'au moins 200 milliards d'euros par
an de subventions publiques (voir article du Monde « Les
banques européennes et le jackpot des garanties d'Etat », 28
janvier 2014). Or ces subventions, l'Etat, c'est qui ? C'est
nous, pardi ! Comment faire comme si cela était normal qu'un
jeune français sur cinq de moins de 25 ans ne trouve pas d'emploi
trois ans après sa sortie du système scolaire ? Comment
s'habituer à ce qu'un SDF sur 4 soit pourtant en possession d'un
emploi régulier ou à temps partiel ? (cf. http://democratie-reelle-nimes.over-blog.com/article-un-quart-des-sdf-ont-un-travail-123269810.html).
Faut-il encore de nombreux indicateurs réputés sérieux, officiels,
pour se rendre compte que la situation est grave, que le système
dans lequel nous sommes de force maintenus est inefficient, pire
contre-productif ? Que faut-il donc pour voir en face la
souffrance ? C'est à se demander ce qui peut toucher les
décideurs. Cela, oui, c'est désespérant. La fatigue vient de cette
attitude de plus en plus dénuée de fondement, les consultations
électorales rassurant seulement qui veut être rassuré.
Incompétence,
démission. Bien sûr que tout va à vaut-l'eau car tout le monde
ressent à raison de l'abandon de la part de ceux en charge de et
mandatés pour. Un autre exemple ? L'épisode pathétique du
pic de pollution à Paris le mois dernier : dès qu'il a un peu
plu, que le vent a un peu soufflé, on a cru respirer et on a permis
à nouveau à tout un chacun de prendre son auto. Et finis la
rigolade et les transports collectifs gratuits, faut pas exagérer,
y'a des économies sérieuses à faire. Or on sait désormais très
bien, c'est documenté scientifiquement, que la bagnole -en
particulier le diesel- est cancérigène, mais on continue ici à
ménager les constructeurs automobiles, là à dorloter son
électorat. On évacue au passage une autre vérité désormais
connue : le coût financier de toute cette macabre mascarade,
car figurez-vous que les malades au long terme, cela coûte à la
société Madame. Un article récent est à ce titre éclairant :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/04/11/la-pollution-de-l-air-interieur-couterait-au-moins-20-milliards-d-euros-par-an-en-france_4399429_3244.html.
Voilà. Donc on sait tout, depuis longtemps et l'on ne fait rien.
Pire : on empêche ce qui voudraient agir de le faire. Criminel.
Peut-être pas (encore) au regard du droit, mais moralement si.
Au passage, ce n'est pas mieux dans nos régions et on s'en est tapé
un sacré de pic de pollution, avec son cortège d'affections
respiratoires... non comptées dans quel bilan fondé, au juste ?
Au
final, la « green fatigue » est donc une vaste
tartufferie. On n'a absolument pas le droit de faire comme si on
ne savait pas que ça ne va pas et que le problème provient d'une
surcharge de soucis à cause de l'écologie. C'est le comble... et
c'est clairement l'inverse. Certes, comme cela est relevé avec
justesse dans le dossier consacré à ce sujet dans Psychologies
Magazine d'avril
(http://www.psychologies.com/Planete/Semaine-du-developpement-durable/Articles-et-Dossiers/Surmonter-la-green-fatigue/Ecologie-pourquoi-on-a-lache),
trois facteurs peuvent expliquer cette malheureuse tendance :
l'impact de la « crise », des écolos pas forcément
jojos et attractifs, un idéal déçu à la suite de divers échecs
comme celui du sommet de Copenhague en 2009 ou celui de
l'essoufflement du Grenelle de l'environnement. Certes, mais ce
serait bien d'être pour une fois à la hauteur et de tirer quelques
leçons du passé, comme nous y invite d'ailleurs le Sciences
Humaines de ce mois-ci
(http://www.scienceshumaines.com/le-climat-fait-il-l-histoire_fr_529.htm).
On ne va tout de même pas sombrer -ou rester, c'est selon- dans
l'égoïsme, la bêtise, le déni et donner raison à l'ancien
président des Maldives exprimant ainsi son amertume : « Pour
comprendre la réalité du réchauffement climatique, il faut avoir
de l'eau dans son salon »
(http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2014/02/17/les-etats-face-a-la-realite-des-dereglements-climatiques_4367980_3208.html).
Car de l'eau dans le salon, on en a tous déjà ! Les résultats,
catastrophiques, des dernières élections municipales le prouvent
une fois de plus.
Allons
donc. Les personnes se sentant vraiment responsables d'elles-mêmes
et de leur environnement humain, naturel, c'est-à-dire de leur
environnement tout court, ne peuvent pas à leur tour démissionner.
Bien sûr que c'est difficile de résister. Qui a jamais dit le
contraire ? C'est plus facile de suivre les rails. Sauf que l'on
sait où cela mène de trop suivre les rails au sens physique et
métaphorique. L'heure est plus que jamais à la mobilisation
générale : défense des valeurs, action à plusieurs et
travail sur soi. Il s'agit d'un changement global et on n'y coupera
pas. Et c'est tant mieux car ça ne peut plus durer. Vraiment,
qui pourrait dire avec sérieux que l'on peut ainsi continuer ?
L'ancien contrat social est mort, alors vive le nouveau contrat à
inventer ! Nous sommes au cœur d'une crise, certainement, mais
au sens gramscien du terme : croisement d'un moment et d'un
mouvement. Nous sommes la crise. A nous de l'assumer.
Concrètement,
quoi faire ? D'abord faire, c'est sûr. J'aime bien le slogan
des Colibris : « Je fais ma part », tiré de la
légende du petit oiseau qui ne s'en laisse pas conter et agit quoi
qu'il arrive. On dira « C'est niais, simpliste, ça ne sert à
rien ». Dont acte : qui fait quoi ? Qui a le droit
d'ainsi dénigrer ? Donc faire, mais faire quoi ? Tant à
faire... vertige et désordre. Sincèrement, vous êtes grands et si
vous lisez cette chronique c'est que certainement vous avez déjà
une petite idée de quoi faire, sans doute même vous agissez déjà
à votre échelle. Car l'échelle, la petite, avec détermination,
semble être la bonne tant nous sommes submergés. Sinon, toutes
les chroniques disponibles sur le site de LocoBio peuvent vous donner
des idées, sachant que les vôtres sont aussi bienvenues. Ce
mois-ci, quelques pistes :
-
continuer à se mobiliser pour changer le statut juridique de
l'animal, véritable scandale indigne de notre humanité. A soutenir
parmi d'autres :
http://www.30millionsdamis.fr/agir-pour-les-animaux/petitions/signer-petition/pour-un-nouveau-statut-juridique-de-lanimal-22.html.
Une
citation pour la route de l'illustre et néanmoins modeste
Albert Camus : « Toutes les contraintes du monde ne
feront pas qu'un esprit un peu propre accepte d'être malhonnête ».
©Yolaine
de LocoBio
Avril
2014
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