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Cogitations et actions
Chronique 70
01-03-2014

Et un membre de plus dans la grande famille des jolis révoltés:

Bienvenue à Tante Hilda !

 

  

Il y a des films, comme ça, on a peur d'être un peu injuste avec eux, d'avoir un regard un peu biaisé. Pourquoi ? Parce qu'ils sont clairement militants. Or on sait que militantisme et esthétique ne font pas forcément bon ménage, que les bonnes intentions, les bons sentiments de l'un, n'agissent pas forcément de manière bénéfique sur l'autre. C'est le risque avec Tante Hilda !, film d'animation anti-OGM de Jacques-Rémi Girerd, fondateur du studio drômois Folimage et réalisateur à succès de La prophétie des grenouilles ou de Mia et le Migou (http://www.folimage.fr/fr/production/dernieres/tante-hilda-100.htm). On risque de trop le considérer sous l'angle de son engagement « écolo », direct chiant, et pas assez sous celui, tout simplement, … du film d'animation. Or c'est d'abord et avant tout un beau film, certes peut-être pas un grand film, mais les couleurs, la musique, l'action, la variété et la justesse des personnages confirment tout l'intérêt de ce genre à part entière qui, cela fait belle lurette, est bien loin de ne s'adresser qu'au jeune public.

On comprend d'ailleurs mieux aussi, au passage, pourquoi la France est l'un des leaders de l'industrie dans ce domaine, laquelle industrie est l'une des rares à générer de l'emploi. Mais c'est juste au passage une petite réflexion à destination des politiques, toujours enfermés dans le schéma croissance-travail qui me laisse absolument sceptique (je ne suis pas la seule) pour son obsolescence confirmée. Voici en effet un secteur d'exception où ce vieux schéma moribond fonctionne encore un peu, ce qui ne doit d'ailleurs en aucun cas freiner l'avènement d'un nouveau paradigme économique (au sens large) fondé sur la révision des notions de croissance et de travail. En un mot, car ce n'est pas le sujet... le sujet, c'est Tante Hilda, mais on constatera qu'elle est inspirante : bien sûr la décroissance et bien sûr l'activité, avec en toile de fond (vert, pourquoi pas safran) un épanouissement individuel, un retour au (bon) sens commun et une certaine harmonie avec ce que nous sommes et ce qui est trop souvent tenu à distance avec le concept folklorico-loufoque d' « environnement » : la Nature.


Mais revenons non pas à nous, comme chantonnait France Gall dans les années 80 (voir la surprenante version champêtro-provençale de « Débranche » sur http://www.youtube.com/watch?v=iK-6EELfnBo), mais à cette tante éprise de botanique, aux prises avec l'odieuse Dolores, PDG d'une multinationale qui empoisonne l'Humanité et se fait ensuite du gras -elle n'en a pourtant pas besoin- en vendant, tiens comme c'est bizarre, l'antidote. Au passage encore, le roman de l'écrivaine rhône-alpine Elena Varécy, Tes mains sur mes hanches (http://www.elena-varecy.com/Le_roman.html) dépeint exactement le même mécanisme hyper capitaliste et hyper toxique dans un style que la presse a qualifié avec justesse de « poético-trash ». Il n'y est pas question d'OGM mais de prothèses, comme d'ailleurs dans le documentaire récemment diffusé sur ARTE, Malaise au pays de la prothèse (http://www.arte.tv/guide/fr/048728-000/malaise-au-pays-de-la-prothese). Certes, mais le mécanisme est toujours le même, fait de prédation et d'intelligence utilisée à mauvais escient. En un mot, la résultante d'une économie, d'une idéologie qui marchent depuis longtemps sur la tête, et d'un monde qui, étant à leur triste remorque, tutoie les abimes. Et nous avec lui. Enfin, hors de lui et hors de nous-mêmes, ce qui est aussi stupéfiant que gravissime.


Mais revenons à Hilda. Et on voit, comme cela était à craindre, que c'est difficile d'en rester à ce personnage attachant ayant pour voix celle de la pétillante comédienne Sabine Azéma. Encore la faute au militantisme qui pollue tout, c'est bien connu!:) Trêve (temporaire) d'engagement, c'est un chouette film qui mérite vos suffrages et vos sou-sous. Allez-y en famille, ratissez large autour de vous, profitez de cette période de vacances bien méritée pour y emmener des gamins dans votre entourage plutôt que de les laisser se dézinguer aimablement en réseau et tellement ils échangent dans le virtuel, tellement ils ont même plus besoin de se voir pour de vrai. Tante Hilda va les vacciner, gentiment leur (re)mettre les pieds sur, que dis-je, dans la terre.


Elle fait du bien, cette Tante Hilda. Dommage que les produits dérivés type album, roman jeunesse -quand même la cible principale, avec les enjeux que l'on sait-, ou encore le livre documentaire sur la biodiversité ne soient imprimés ni localement ni avec des labels écologiques. Dommage ce manque apparent de cohérence. Dommage de s'arrêter en si bon chemin lorsque l'on prétend ouvrir la voie. Bien sûr, venant de ce type d'initiative, on exige plus. Bien sûr que d'une certaine façon, c'est injuste. Je l'avais bien dit. Mais quand même... comment ne pas se poser la question et la poser à l'heure où manque et compte tant l'exemplarité ? Heureusement qu'il nous reste, au fond de nous, la voix intacte de Tante Hilda. Elle est un peu éraillée mais elle sent bon le courage et la gaieté.



©Yolaine de LocoBio

1er mars 2014



 
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