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Chronique 55
16-11-2012
Des élixirs et une dameuse...

  

… c'est tout ce que vous pourrez trouver au Festival International des Métiers de la Montagne (http://www.metiersmontagne.org) qui vient de démarrer à Chambéry et s'y tiendra jusqu'au dimanche 18 novembre. Ces articles aux dimensions légèrement opposés reflètent bien le tissu économique local et le souci de LocoBio de traiter de tous les aspects de cette économie, en gros du développement personnel à la macro-économie en passant par l'éco-citoyenneté et la consommation responsable, rien que ça !

  

La journée avait drôlement commencé pour moi, pas grave, avec l'annulation du carrefour auquel je m'étais inscrite sur les difficultés de l'approvisionnement local. On avait parait-il eu du mal à s'approvisionner... en intervenant (!), d'où l'annulation dudit carrefour. Déçue mais pas déconfite, j'en ai profité pour gagner le premier étage du manège occupé par le village des entreprises innovantes. J'y ai constaté avec une certaine surprise et une grande satisfaction que le développement durable faisait désormais partie de l'innovation et qu'il était affiché comme tel. Quelques années en arrière, cela n'avait rien d'évident. Bien sûr, l'innovation (et les deniers publics) profitent encore à l'économie conventionnelle et certes il ne faut pas se laisser abuser par quelques mises en avant qui, lors de tels événements, ne coutent pas cher comparées au gain en termes d'image. Toutefois, au milieu de stands conventionnels et donc habituels, j'ai rencontré des démarches intéressantes et surtout, surtout, des personnes convaincues, engagées dans leur activité professionnelle car elles sont liées à autre chose de plus profond : l'humain ? En définitive, cela fait des personnes convaincantes et j'aimerais me faire l'écho de ce qu'elles font.

En matière de conseil et de réalisation en écommunication responsable, l'équipe iséroise de Sorin et associés (http://sorin-associes.com) m'a affirmé que les prix étaient tout à fait compétitifs avec une communication intégrant moins les paramètres sociaux et environnementaux. Voilà une bonne nouvelle, car le prix est toujours, surtout en ce moment, un frein important pour améliorer les pratiques. Aussi, ils m'ont confirmé l'utilité de sensibiliser par l'action plutôt que par de grands discours. En clair, eux aussi, en tant qu'entreprises, ils font de l'information, de la pédagogie et de la sensibilisation. Chacun à son poste, donc. A noter que cette agence basée à Villars de Lans, dans le Vercors, est la première et pour l'instant la seule à être membre du collectif Pubcom (http://collectifcomresponsable.fr); lequel collectif est une association pour une communication plus responsable issue du Collectif des publicitaires éco-socio-innovants. Ouf ! On ne peut pas dire que l'écologie, enfin le langage qui lui est relatif, soit toujours léger. Mais bon, si c'est pour gagner en légèreté sur certains indicateurs comme les transports, alors tant pis.

Côté transports, tiens, justement, j'ai rencontré la fondatrice d'Osmose, Céline Choulet, qui vient de créer une boite pour travailler à une plus grande accessibilité des lieux, en particulier de la montagne, à tous. Et ce « tous » est important. Car si les personnes handicapées sont principalement concernées et qu'une directive européenne va contraindre d'ici 2015 de plus en plus de lieux à être effectivement accessibles, cette question est loin de ne les concerner qu'elles seules. D'abord dans le principe, car même si ces personnes pourtant citoyennes sont assez invisibles dans l'espace public, il est inconcevable de ne pas penser le collectif avec et aussi pour elles. C'est cela faire société. Ou alors on fait autre chose. Mais faire société, c'est cela. Ensuite, parce que le handicap peut frapper de manière temporaire et à ce moment-là rendre inaccessible ce qui l'était et le redeviendra, par exemple, après une jambe cassée. Sans oublier les enfants dans les poussettes et les anciens avec leur déambulateur. Bref, nous sommes clairement tous concernés et j'ai été touchée par cette jeune femme qui, également investie dans l'encadrement de personnes handicapées dans les sports de voile, a ressenti de graves lacunes et en a fait son métier. Sur un plan pratique, elle propose conseil et accompagnement ; information, sensibilisation et formation ; aide pour la mise en place d'activités et de séjours adaptés (voir http://www.osmose-conseil.com). Elle est basée dans la pépinière d'entreprises d'Alpespace, près de Montmélian, et je pense, j'espère, que le travail ne lui manquera pas car on est parfois effaré de voir l'exclusion produite par le manque d'accessibilité. Un peu d'empathie, cela ferait parfois du bien pour réaliser l'essentiel. Et aussi, peut-être surtout: les personnes à mobilité réduite, comme on dit, sont sans doute moins déconnectées que la majorité de ceux se disant connectés, manageant tout et pas toujours avec une efficience avérée. Donc le sol, un peu de modestie et de sympathie cette fois, cela devrait plutôt faire du bien à tout le monde.

J'ai aussi rencontré un grand bonhomme, Xavier Jean, créateur de l'entreprise Aztec (http://www.aztec.fr), dont le siège social est en Haute-Savoie et l'usine/centre logistique en Isère. C'est lui qui fabrique des dameuses, d'où le titre de cette chronique. Si vous êtes le gagnant de l'Euromillion de cette semaine, vous pouvez vous acheter 720 engins ; de quoi largement assurer en saison ! C'est pas cher et ça dure longtemps. Non, en fait c'est cher mais toute la question est de savoir, une fois de plus, ce qui en en jeu derrière le prix. Franchement, une fabrique de dameuses en plein des cœur des Alpes, je suis restée baba ; c'est dire combien on s'est éloigné des choses évidentes et combien les surprises peuvent être heureuses à leur réapparition. Evidemment, comme les filières de pièces détachées ont été déstructurées, il est difficile de faire des miracles et de tout acheter en local. Un chef d'entreprise est avant tout un chef d'entreprise et si les écarts de prix sont trop élevés, il achètera évidemment ailleurs. Sauf si ces fameuses filières sont restructurées et que tout le monde voit l'intérêt de garder, voire de recréer des emplois au niveau local, lesquels emplois assurent à leur tour un minimum de consommation locale. J'ai été touchée par le souci de produire du durable et du réparable, du rustique assumé en comparaison avec d'autres produits apparaissant plus luxueux. Quand on sait l'importance de l'économie liée à la neige, ici, encore une fois, une démarche comme celle-là méritait qu'on s'y arrête un peu. Et au fait : le coût de la main d'oeuvre n'est pas un obstacle, non, non. Ne rougissons plus d'une certaine qualité sociale attachée au travail. Non. Les obstacles seraient peut-être plutôt à rechercher dans un certain conformisme : pourquoi acheter à un local du moins confortable, pourquoi changer nos habitudes ? Il paraît, depuis assez longtemps, que nul n'est prophète en son pays. La preuve une fois de plus.

Après ces rencontres déjà fort stimulantes, je suis allée au village des artisans et des producteurs locaux, place de l'Europe. Entre temps, non, je me trompe, je suis passée au Carré Curial où j'ai un peu halluciné. En effet, j'y ai vu des lutins skiant sur du plastic. Là, je me suis dit que ce n'était pas terrible, tout ce plastic, encore ce plastic. Et puis après tout, n'est-ce pas mieux de faire ressentir les plaisirs de la glisse sans la faire venir des glaciers à grand renfort de camions? L'essentiel est surtout que les enfants des villes en vallée aillent davantage à la montagne pour pratiquer ces sports car le bilan est actuellement préoccupant sur ce point.

Donc je suis allée, après ce petit détour, au village des artisans et des producteurs locaux. J'ai retrouvé la potière de Saint-Jean d'Arvey, Juliette Bakès, qui a décoré ses productions de certaines jolies citations de Rousseau en cette année commémorant le tricentenaire de sa naissance. Elle s'est aussi lancée dans des motifs faisant penser à des algues et d'autres plus géométriques ; le tout sobre ou très coloré. Vous aurez plaisir à voir sa vaisselle et ses bijoux ou alors à la retrouver à son atelier, également pour des stages. + d'infos sur http://www.terraterre.com.

J'ai oublié : avant elle, j'ai fait la connaissance d'une femme dynamique et passionnée qui, après avoir tenu pendant des années un restaurant à Celliers, près de Valmorel, s'est lancée dans la confection d'élixirs floraux (http://www.lauziereenfleurs.com). Poursuivant sa nouvelle activité au même endroit, elle utilise les plantes des montagnes environnantes afin de fabriquer des produits qui oeuvrent au bien-être de chacun. Elle propose des conférences mais aussi des ateliers et conférences qui, compte-tenu de la beauté du massif de la Lauzière entre Maurienne et Tarentaise, doivent déjà contribuer à « baisser le soufflé » et donc à « reprendre son souffle » comme elle le propose.

Quelques mètres plus loin, après le très zen stand de décoration en fil de fer animé par une habitante des Déserts (Patricia Seurre, L'art et la manière), j'ai encore cru halluciner en voyant une petite bonne femme, elle aussi du même village. Elle était... comment vous dire ?... lumineuse au milieu de son petit stand lui aussi lumineux. Il faut dire que les plaids faits maison à partir de matières locales (lins) ou équitables (laine de yack) ont des couleurs si chatoyantes que soudain on oublie un peu le côté succursale de l'endroit pour se croire à la maison. « La madre », alias Véronique Azéma, conçoit et réalise des pièces uniques à partir de matériaux bruts des montagnes du monde. Que ce soit en lui rendant une petite visite lors de cet événement chambérien ou en regardant son site http://blog.de-cimes-en-aiguilles.org, vous trouverez certainement de quoi illuminer, je dis bien illuminer, votre maison avec coussins et tableaux, ou votre silhouette avec liseuses, ponchos et sacs. Sincèrement, si vous cherchez une motivation pour faire de petites économies et ensuite vous faire plaisir ou gâter autour de vous, les prix sont raisonnables au regard des heures de travail, la qualité et la beauté des réalisations.

Voilà. Voilà tout ce que j'ai entendu, tout ce que j'ai vu en une matinée. Et c'est peu si l'on songe à tout ce qui reste à entendre et à voir d'ici la fin de cette semaine. Ah non, j'oubliais. J'ai aussi aperçu un pauvre âne et perçu quelques sonnailles de bêtes... bêtement parquées dans « l'Alpage café ». Vraiment, ce côté pittoresque est assez désolant et si peu nécessaire. Encore une fois, les enfants savent à quoi ressemblent un âne et une vache, on ne va pas, il faut arrêter de tout leur mâcher à eux et à leurs chers parents. S'ils veulent en voir, si on veut vraiment voir les bêtes, il faut réapprendre à aller vers elles, dans leur espace plus ou moins naturel mais en tout cas plus naturel que cet « Alpage café » qui n'avait d'alpage que le café (et encore). C'est juste le petit défaut de ce festival. Comment dire ? Y cohabite le pire et le meilleur, ce qui crée un léger malaise. Toutefois c'est une formidable occasion pour le second de se faire connaître et pour le premier de se dire que, peut-être, il n'y aurait pas tant de pertes à changer...


Alors : plutôt élixirs ou plutôt dameuse ? Allez donc faire un tour au Festival International des Métiers de la Montagne et vous me direz.

 

@Yolaine de LocoBio

15 novembre 2012

 
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