Des élixirs et une
dameuse...
… c'est tout ce que vous pourrez
trouver au Festival International des Métiers de la Montagne
(http://www.metiersmontagne.org)
qui vient de démarrer à Chambéry et s'y tiendra jusqu'au dimanche
18 novembre. Ces articles aux dimensions légèrement opposés
reflètent bien le tissu économique local et le souci de LocoBio de
traiter de tous les aspects de cette économie, en gros du
développement personnel à la macro-économie en passant par
l'éco-citoyenneté et la consommation responsable, rien que ça !
La journée avait drôlement commencé
pour moi, pas grave, avec l'annulation du carrefour auquel je m'étais
inscrite sur les difficultés de l'approvisionnement local. On avait
parait-il eu du mal à s'approvisionner... en intervenant (!), d'où
l'annulation dudit carrefour. Déçue mais pas déconfite, j'en ai
profité pour gagner le premier étage du manège occupé par le
village des entreprises innovantes. J'y ai constaté avec une
certaine surprise et une grande satisfaction que le développement
durable faisait désormais partie de l'innovation et qu'il était
affiché comme tel. Quelques années en arrière, cela n'avait rien
d'évident. Bien sûr, l'innovation (et les deniers publics)
profitent encore à l'économie conventionnelle et certes il ne faut
pas se laisser abuser par quelques mises en avant qui, lors de tels
événements, ne coutent pas cher comparées au gain en termes
d'image. Toutefois, au milieu de stands conventionnels et donc
habituels, j'ai rencontré des démarches intéressantes et surtout,
surtout, des personnes convaincues, engagées dans leur activité
professionnelle car elles sont liées à autre chose de plus
profond : l'humain ? En définitive, cela fait des
personnes convaincantes et j'aimerais me faire l'écho de ce qu'elles
font.
En matière de conseil et de
réalisation en écommunication responsable, l'équipe iséroise de
Sorin et associés (http://sorin-associes.com)
m'a affirmé que les prix étaient tout à fait compétitifs avec une
communication intégrant moins les paramètres sociaux et
environnementaux. Voilà une bonne nouvelle, car le prix est
toujours, surtout en ce moment, un frein important pour améliorer
les pratiques. Aussi, ils m'ont confirmé l'utilité de sensibiliser
par l'action plutôt que par de grands discours. En clair, eux aussi,
en tant qu'entreprises, ils font de l'information, de la pédagogie
et de la sensibilisation. Chacun à son poste, donc. A noter que
cette agence basée à Villars de Lans, dans le Vercors, est la
première et pour l'instant la seule à être membre du collectif
Pubcom (http://collectifcomresponsable.fr); lequel collectif est
une association pour une communication plus responsable issue du
Collectif des publicitaires éco-socio-innovants. Ouf ! On ne
peut pas dire que l'écologie, enfin le langage qui lui est relatif,
soit toujours léger. Mais bon, si c'est pour gagner en légèreté
sur certains indicateurs comme les transports, alors tant pis.
Côté transports, tiens, justement,
j'ai rencontré la fondatrice d'Osmose, Céline Choulet, qui vient de
créer une boite pour travailler à une plus grande accessibilité
des lieux, en particulier de la montagne, à tous. Et ce « tous »
est important. Car si les personnes handicapées sont principalement
concernées et qu'une directive européenne va contraindre d'ici 2015
de plus en plus de lieux à être effectivement accessibles, cette
question est loin de ne les concerner qu'elles seules. D'abord dans
le principe, car même si ces personnes pourtant citoyennes sont
assez invisibles dans l'espace public, il est inconcevable de ne pas
penser le collectif avec et aussi pour elles. C'est cela faire
société. Ou alors on fait autre chose. Mais faire société, c'est
cela. Ensuite, parce que le handicap peut frapper de manière
temporaire et à ce moment-là rendre inaccessible ce qui l'était et
le redeviendra, par exemple, après une jambe cassée. Sans oublier
les enfants dans les poussettes et les anciens avec leur
déambulateur. Bref, nous sommes clairement tous concernés et j'ai
été touchée par cette jeune femme qui, également investie dans
l'encadrement de personnes handicapées dans les sports de voile, a
ressenti de graves lacunes et en a fait son métier. Sur un plan
pratique, elle propose conseil et accompagnement ; information,
sensibilisation et formation ; aide pour la mise en place
d'activités et de séjours adaptés (voir
http://www.osmose-conseil.com). Elle est basée dans la pépinière
d'entreprises d'Alpespace, près de Montmélian, et je pense,
j'espère, que le travail ne lui manquera pas car on est parfois
effaré de voir l'exclusion produite par le manque d'accessibilité.
Un peu d'empathie, cela ferait parfois du bien pour réaliser
l'essentiel. Et aussi, peut-être surtout: les personnes à mobilité
réduite, comme on dit, sont sans doute moins déconnectées que la
majorité de ceux se disant connectés, manageant tout et pas
toujours avec une efficience avérée. Donc le sol, un peu de
modestie et de sympathie cette fois, cela devrait plutôt faire du
bien à tout le monde.
J'ai aussi rencontré un grand
bonhomme, Xavier Jean, créateur de l'entreprise Aztec
(http://www.aztec.fr), dont le siège social est en Haute-Savoie et
l'usine/centre logistique en Isère. C'est lui qui fabrique des
dameuses, d'où le titre de cette chronique. Si vous êtes le gagnant
de l'Euromillion de cette semaine, vous pouvez vous acheter 720
engins ; de quoi largement assurer en saison ! C'est pas
cher et ça dure longtemps. Non, en fait c'est cher mais toute la
question est de savoir, une fois de plus, ce qui en en jeu derrière
le prix. Franchement, une fabrique de dameuses en plein des cœur des
Alpes, je suis restée baba ; c'est dire combien on s'est
éloigné des choses évidentes et combien les surprises peuvent être
heureuses à leur réapparition. Evidemment, comme les filières de
pièces détachées ont été déstructurées, il est difficile de
faire des miracles et de tout acheter en local. Un chef d'entreprise
est avant tout un chef d'entreprise et si les écarts de prix sont
trop élevés, il achètera évidemment ailleurs. Sauf si ces
fameuses filières sont restructurées et que tout le monde voit
l'intérêt de garder, voire de recréer des emplois au niveau local,
lesquels emplois assurent à leur tour un minimum de consommation
locale. J'ai été touchée par le souci de produire du durable et du
réparable, du rustique assumé en comparaison avec d'autres produits
apparaissant plus luxueux. Quand on sait l'importance de l'économie
liée à la neige, ici, encore une fois, une démarche comme celle-là
méritait qu'on s'y arrête un peu. Et au fait : le coût de la
main d'oeuvre n'est pas un obstacle, non, non. Ne rougissons plus
d'une certaine qualité sociale attachée au travail. Non. Les
obstacles seraient peut-être plutôt à rechercher dans un certain
conformisme : pourquoi acheter à un local du moins confortable,
pourquoi changer nos habitudes ? Il paraît, depuis assez
longtemps, que nul n'est prophète en son pays. La preuve une fois de
plus.
Après ces rencontres déjà fort
stimulantes, je suis allée au village des artisans et des
producteurs locaux, place de l'Europe. Entre temps, non, je me
trompe, je suis passée au Carré Curial où j'ai un peu halluciné.
En effet, j'y ai vu des lutins skiant sur du plastic. Là, je me suis
dit que ce n'était pas terrible, tout ce plastic, encore ce
plastic. Et puis après tout, n'est-ce pas mieux de faire ressentir
les plaisirs de la glisse sans la faire venir des glaciers à grand
renfort de camions? L'essentiel est surtout que les enfants des
villes en vallée aillent davantage à la montagne pour pratiquer ces
sports car le bilan est actuellement préoccupant sur ce point.
Donc je suis allée, après ce petit
détour, au village des artisans et des producteurs locaux. J'ai
retrouvé la potière de Saint-Jean d'Arvey, Juliette Bakès, qui a
décoré ses productions de certaines jolies citations de Rousseau en
cette année commémorant le tricentenaire de sa naissance. Elle
s'est aussi lancée dans des motifs faisant penser à des algues et
d'autres plus géométriques ; le tout sobre ou très coloré.
Vous aurez plaisir à voir sa vaisselle et ses bijoux ou alors à la
retrouver à son atelier, également pour des stages. + d'infos sur
http://www.terraterre.com.
J'ai oublié : avant elle, j'ai
fait la connaissance d'une femme dynamique et passionnée qui, après
avoir tenu pendant des années un restaurant à Celliers, près de
Valmorel, s'est lancée dans la confection d'élixirs floraux
(http://www.lauziereenfleurs.com). Poursuivant sa nouvelle activité
au même endroit, elle utilise les plantes des montagnes
environnantes afin de fabriquer des produits qui oeuvrent au
bien-être de chacun. Elle propose des conférences mais aussi des
ateliers et conférences qui, compte-tenu de la beauté du massif de
la Lauzière entre Maurienne et Tarentaise, doivent déjà contribuer
à « baisser le soufflé » et donc à « reprendre
son souffle » comme elle le propose.
Quelques mètres plus loin, après le très zen
stand de décoration en fil de fer animé par une habitante des
Déserts (Patricia Seurre, L'art et la manière), j'ai encore cru
halluciner en voyant une petite bonne femme, elle aussi du même
village. Elle était... comment vous dire ?... lumineuse au
milieu de son petit stand lui aussi lumineux. Il faut dire que les
plaids faits maison à partir de matières locales (lins) ou
équitables (laine de yack) ont des couleurs si chatoyantes que
soudain on oublie un peu le côté succursale de l'endroit pour se
croire à la maison. « La madre », alias Véronique
Azéma, conçoit et réalise des pièces uniques à partir de
matériaux bruts des montagnes du monde. Que ce soit en lui rendant
une petite visite lors de cet événement chambérien ou en regardant
son site http://blog.de-cimes-en-aiguilles.org,
vous trouverez certainement de quoi illuminer, je dis bien illuminer,
votre maison avec coussins et tableaux, ou votre silhouette avec
liseuses, ponchos et sacs. Sincèrement, si vous cherchez une
motivation pour faire de petites économies et ensuite vous faire
plaisir ou gâter autour de vous, les prix sont raisonnables au
regard des heures de travail, la qualité et la beauté des
réalisations.
Voilà. Voilà tout ce que j'ai
entendu, tout ce que j'ai vu en une matinée. Et c'est peu si l'on
songe à tout ce qui reste à entendre et à voir d'ici la fin de
cette semaine. Ah non, j'oubliais. J'ai aussi aperçu un pauvre âne
et perçu quelques sonnailles de bêtes... bêtement parquées dans
« l'Alpage café ». Vraiment, ce côté pittoresque est
assez désolant et si peu nécessaire. Encore une fois, les enfants
savent à quoi ressemblent un âne et une vache, on ne va pas, il
faut arrêter de tout leur mâcher à eux et à leurs chers parents.
S'ils veulent en voir, si on veut vraiment voir les bêtes, il faut
réapprendre à aller vers elles, dans leur espace plus ou moins
naturel mais en tout cas plus naturel que cet « Alpage café »
qui n'avait d'alpage que le café (et encore). C'est juste le petit
défaut de ce festival. Comment dire ? Y cohabite le pire et le
meilleur, ce qui crée un léger malaise. Toutefois c'est une
formidable occasion pour le second de se faire connaître et pour le
premier de se dire que, peut-être, il n'y aurait pas tant de pertes
à changer...
Alors : plutôt élixirs ou plutôt
dameuse ? Allez donc faire un tour au Festival International des
Métiers de la Montagne et vous me direz.
@Yolaine
de LocoBio
15
novembre 2012
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