Fin
de campagne, début de partie
Ouf !
Enfin ! Terminée l'interminable période de latence avant the
présidentielle et the législatives dans la foulée. Nous
y sommes. Nous sommes maintenant fixés, dotés d'un « président
normal ». Je ne vais pas épiloguer sur une expression qui
lasse déjà et artificiellement occuper le terrain avec des débats
aussi pauvres que les relations entre journalistes sportifs et
footballeurs de l'équipe (penaude) de France.
« Normal »,
c'est juste remettre le curseur dans la zone du raisonnable dans tous
les domaines, après les cinq années délirantes du mandat
précédent. Mais être « normal »
ne constituera jamais un programme politique en soi.
Certes, il fallait l'être et l'afficher, cela n'était pas trop
difficile, pour gagner contre Nicolas Sarkozy. C'était une rupture
de style comme 2007 en avait été une aussi. Mais ça s'arrête là.
Une fois l'équipe précédente balayée et la nouvelle en place,
quelque part toutes ces folles années à vide ne doivent plus
exister. Si le « normal »
n'est plus dans l'opposition, s'il est au pouvoir, alors il doit
rompre avec beaucoup plus que le sarkozysme.
C'est sans doute le plus difficile : sortir des schémas
simplistes de la politique électoraliste -ponctuellement nécessaire,
c'est aussi le jeu-, accéder à la maturité, s'écarter des
représentations manichéennes qui toujours vous sauvent pour peu de
se croire être du bon côté, se poser et agir. Le
grand défi du président actuel et de ses soutiens désormais casés
sera bien la lucidité, la créativité et le courage. Hors de ce
défi, l'Histoire ricanera de la « normalité ».
Elle
ricanera d'autant plus que la suite risque d'être tout sauf normale
si les devants ne sont pas pris très rapidement. A moins que rejouer
la crise des années 30 ne devienne la norme. Mais alors... mais
alors il y a franchement de quoi s'inquiéter et surtout fuir la
norme. Pourtant cette norme-là rôde ; il suffit de peu pour
qu'elle soit déjà là. Nous marchons,
inconscients, sur les braises d'une société bien avancée sur la
voie de la désintégration. Une partie de la
population d'origine immigrée se tourne vers le communautarisme
religieux qui sait lui apporter aide matérielle et réconfort moral.
Ce n'est pas rien : c'est souvent l'identité et la fierté que
la France n'a pas su donner en ne reconnaissant pas ses errances
coloniales, post-coloniales aussi d'ailleurs. C'est cette identité
et cette fierté que le temps malsain, gelé, du passé, transformé
en haine, confisque. La haine occupe
facilement l'espace d'une intégration socio-économique non
consommée. Pour les immigrés plus que pour les autres, la panne de
l'ascenseur social a été fatale, les 40
« Piteuses » -puisque nous en sommes à 40- ont brulé
cette terre prometteuse. Car il n'y avait pas de raison, pas
d'histoires ni d'élucubrations : nous sommes, nous avons
toujours été un pays d'immigration, nous sommes pays parce que
d'immigration. Alors celle-ci, juste celle-ci à ce moment-là
bloquerait ? Allons, il doit bien y avoir des raisons. Parmi
celles-ci, il y a les ravages du déni concernant notre passé et
ceux, non moindres, du déni concernant le présent. Je l'ai dit plus
haut : le grand défi actuel, c'est la lucidité.
Je
prétends même que les Bisounours -fréquente insulte adressée aux
« écolos » et autres utopistes-, ce n'est pas moi, ce
n'est pas vous qui pensez comme moi ; ce sont eux. Eux,
c'est-à-dire ceux qui sont dans le déni massif.
Car l'inconscience quant à l'état de délabrement de notre société
concerne aussi un autre communautarisme bien portant : le
nationalisme. Lui, il ratisse dans les couches de la population « de
souche » auparavant bien intégrée ou ayant l'espoir
raisonnable de l'être. Il ratisse easy, de plus en plus large. Ça
pue, mais il y va sans se pincer le nez, lui, avec des discours tout
faits. Oui, on s'inquiète. Mais non, c'est pas si grave. Quand même,
ça pue. Non, ça ne pue pas, ce n'est pas bien de dire cela :
il faut y aller. Tergiversations coupables des
non-touchés directement, je veux dire dans leur chair et dans leur
porte-monnaie. Combien de modérés vireraient aux extrêmes s'ils
viraient déclassés ? Ne jamais oublier
que perdre jusqu'à sa fierté est intolérable pour nous autres,
pauvres humains. Alors aux sans rien, aux de
moins en moins, c'est certain, le communautarisme dispense de
l'identité à fortes doses.
La
société est donc profondément clivée entre communautaristes et
républicains, le premier groupe étant lui-même comme on l'a vu,
clivé. Clivé mais avec d'importantes et inquiétantes affinités.
Les Républicains ont de quoi se faire du souci. Evidemment
que la République est en péril. Evidemment que la citoyenneté, si
moribonde sur sa face économique et sociale, est la clef.
Mais
savoir ne suffit pas. Il faut oser. Oser imaginer et agir autrement.
Et cela vaut pour tous, à commencer par ceux -Europe Ecologie-Les
Verts- qui incarnent le plus les alternatives. Désormais dotés d'un
groupe dans une Assemblée Nationale ultra-rose grâce à d'habiles
alliances prouvant leur maturité politique (bienvenu au jeu...), il
leur revient à eux peut-être plus qu'aux autres d'insuffler le
changement. Je veux dire le vrai changement. Pas celui d'un slogan
déjà suranné, la titulaire du Ministère de l'Ecologie sous le
fugace gouvernement Ayrault I mais plus sous Ayrault II, pouvant sans
doute en témoigner. Le vrai changement, le
premier des changements, passe par un désétiquetage de l'écologie.
Je m'explique. Structurer un parti, y appartenir et se rassembler
sous une étiquette est nécessaire en politique. D'où l'écologie
politique et ses développements historiques. Mais à un moment
donné, cette étiquette enferme et cela devient contre-productif
(j'aime pourtant cela!), contre-productif pour la cause elle-même
(et j'aime moins cela!). Car le cœur de l'écologie, ce ne sont pas
les « p'tites fleurs », autre insulte fréquemment reçue.
(Au demeurant, c'est une jolie insulte, sans doute la plus jolie de
toutes celles adressées aux partis politiques). Le
cœur de l'écologie, c'est l'humanisme, enfin un humanisme décentré
de l'humain égocentré. Le cœur de l'écologie, c'est le vivant,
point. A partir de là, je ne peux pas
comprendre les écologistes majoritaires, ceux qui sont aux manettes
avec les autres « grands » de la politique. Il faudrait
être plus ferme sur ses positions. Et rien ne dit que cela ne
« paierait » pas politiquement.
François
Hollande a choisi, lui, « le juste » comme fil à plomb.
On verra bien s'il parvient à le décliner et à l'appliquer. Ce
« juste » n'est d'ailleurs pas si éloigné du vivant.
Sauf que j'en doute. Je crains la pression et le conformisme ;
je crains la pression du conformisme. Je crains la gestion, celle
d'une nouvelle équipe de vrais Bisounours qui croiraient en
l'économie actuelle, le retour de la croissance, de l'emploi et le
toutim. Franchement, le « redressement productif » et
vous avez vu qui à sa tête... J'ai dit « humanisme décentré
de l'humain décentré »... Déjà les chiffres sont mauvais
et je gage qu'ils le resteront jusqu'à écroulement tout à fait.
Avoir
le vivant comme ligne, c'est :
-
S'étonner
de tant de décrocheurs,
de plus en plus de décrocheurs de fait et toujours pas de décision
de décrocher d'une économie parasite.
-
Rompre
véritablement en régularisant tous les sans-statut, tous ces
bénévoles, qui
donnent de leur temps curieusement sans argent en retour. Bien sûr,
ils hésitent à donner plus par manque de reconnaissance, par
épuisement et par besoin d'un minimum d'argent. Car eux aussi, ils
en ont besoin. Vous croyez quoi ? Et s'ils parlent d'argent,
ils montrent leur « vrai visage », ils sont intéressés ?
Quoi ? Eux, ils sont intérssés ? J'aimerais rire.
-
Etendre
la logique solidaire,
évoluer vers une économie pour partie marchande (car il le faut au
moins encore un temps) et pour partie non marchande (car il le faut
tout autant). La proximité, le lien social, ne sont pas que des
mots. Chacun et tous, nous sommes affamés de proximité et de lien
social.
A
partir du moment où l'humain, cette part du vivant, sera respectée,
sera en mesure d'être respectée, de se respecter elle-même, alors
l'écologie, la verte, la « défense de l'environnement »
en découlera.
Il n'y aura plus d' « environnement » puisque le
vivant aura été remis au centre, à sa juste place.
Nous serons sortis d'une économie parasite qui externalise tout pour
à tout prix se maintenir, morte-fausse vivante : emplois, quête
des terres riches, déchets, guerres.
On
l'aura compris : point de salut sans décrochage idéologique.
Que voulez-vous, j'en conviens, c'est ingrat, ambiance écuries
d'Augias. C'est fait exprès ou quoi ? Il revient aux époques
rasibus de prendre de la hauteur de vue et de faire que ça soit le
moment juste... juste quand c'est pas le moment ? Oh non !
Mais si. Cela s'appelle la lucidité, la créativité et le courage.
Zut alors, c'est trop dur ! Mais non : courage.
@Yolaine
de LocoBio
28
juin 2012
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