Tout va bien
Il n'aura échappé à personne que
l'écologie politique, représentée par Eva Joly pour les prochaines
élections présidentielles, peine à s'imposer dans le débat.
C'est un bien doux euphémisme, à peine un an après Fukushima.
Il faut dire : le Japon, c'est loin. Il faut ajouter : la
fin du nucléaire, encore plus. Et puis les esprits sont trop occupés
après la croissance, les années fastes, en profiter, puis les
premiers doutes, en profiter encore, les doutes persistants, tenir.
Tenir jusqu'à la crise, la fin sans les haricots, donc la vraie fin.
Alors c'est sûr, dans ce contexte devenu tel, l'écologie politique
n'est pas la priorité.
Comment pourrait-elle l'être
d'ailleurs en poursuivant comme elle le fait sur le registre
catastrophiste ? C'est vrai, quoi, est-ce qu'elle sera un
jour autre chose que le catalogue désastreux de ce qui ne va pas,
enfin de ce qui va, même pas terrible, mais sur lequel elle porte un
regard désastreux ? Cessera-t-elle enfin de n'être que
récriminations et sombritude ? Quand l'écologie va-t-elle se
mettre à faire sérieusement de la politique ? Sera-t-elle
enfin un jour sexy comme les autres? Car c'est vrai : on est en
droit d'attendre qu'elle soit sexy comme les autres. Ou alors,
qu'elle ne s'étonne pas de ses échecs.
En effet, le bilan depuis maintenant
40 ans des autres en question, droite et gauche de gouvernement
confondus, est comparativement très brillant. Et les
perspectives dessinées par leurs programmes, ainsi que par ceux des
autres partis d'ailleurs, sont fort attrayantes. On oscille -ou
plutôt on vacille- entre re-gestion de la re-rigueur et re-promesse
du Re-Grand Soir, le tout placé sous le sceau d'un productivisme
nullement remis en cause puisqu'on est dans le schéma-balancier du
re-re. Quant au mois qui vient de s'écouler... il est évident qu'il
culmine en matière de « faire envie ». De la polémique
sur la viande de toute façon estourbie aux massacres dans le
sud-ouest, on nage dans le sexy. Et surtout on n'a pas du tout, mais
alors pas du tout, le sentiment d'un gros gâchis. C'est vrai,
comment imaginer qu'on en serait arrivé là si la décolonisation et
l'économie avaient été menées autrement ? Il s'agit bien
d'un problème global, n'ayons pas peur de montrer les liens et la
cause principale : le développement économique. Dans tous les
cas, c'est l'hégémonie qui est toujours recherchée, une hégémonie
porteuse de discriminations entre pays et à l'intérieur des pays.
Il faudrait avoir le courage de reconnaître les faits politiques
passés, sans repentance mais pour faire cesser la victimisation qui
ruine tous les efforts d'intégration. Il n'y a pas de honte à
reconnaître ce qui a été. Tant qu'il n'y aura pas eu cet acte,
toute politique sociale « en direction de l'immigration »
sera vaine.
Ce sera normal et ce sera d'autant plus
dommage que par ailleurs la société est en pleine
désintégration, brutale et durable, sans distinction de race ni
d'origine. Les chiffres sont accablants et concernent le
quotidien plombé de chacun : hausse de 4,4% du panier moyen des
consommateurs en 2011 sur fond de +30% en 11 ans rien que pour les
produits alimentaires, augmentation continue du chômage (bientôt la
barre des 3 millions de chômeurs) et de la précarité, prix record
du litre de gazole et d'essence (respectivement 1,45 et 1,64 euros
pour le sans plomb 95), etc... Il ne faut surtout pas se plaindre.
Des membres de la majorité nous expliquent que « le chômage
partiel peut être une solution » ou encore que le but est
« d'avoir un emploi, peu importe avec quel salaire ».
Aussi que « maintenant, les Français sont enfin
raisonnables ». Une longue crise plus une petite crise par
dessus et on va peut-être commencer à pouvoir discuter. C'est
super. Et surtout c'est so sexy comparé à l'écologie et à ses
grands discours de post-monde.
Réparer. On ne pourra réparer
qu'en reconnaissant ce qui a été, en le qualifiant de ce que c'est
-c'est-à-dire de mauvais choix regrettables- ; en constatant
l'impact déflagrateur sur les parties et le tout éclaté en parties
à rassembler tant qu'il est encore temps. On ne pourra réparer
qu'en chassant absolument le sexy, vague croisement du marketing et
de la pornographie, de la politique : non, les politiques n'ont
pas à être sexy. On s'en fout même. Ne pas mélanger les genres,
comme si les services publics étaient, au hasard et par exemple, des
entreprises comme les autres. Ce qu'il faut, c'est arrêter les
mensonges cyniques à courte vue de trop longues carrières. On ne
pourra réparer qu'en revenant -l'essentiel étant que ce ne soit pas
du repli- aux initiatives locales car elles se multiplient et
maillent le territoire-avenir.
Ainsi, en ce mois où les jardineries
fêtent le printemps en proposant des ateliers pour « bien
soigner son gningnin de compagnie » sans remettre leur commerce
en cause ni penser aux abandons futurs,
en ce mois où des singes ont été
lâchés « en éclaireurs » dans les forêts irradiées
du Japon,
en ce mois où l'on attend impatiemment
leur témoignage,
je souhaite partager avec vous
quelques bonnes adresses et plus largement quelques bonnes
nouvelles :
Une nouvelle épicerie dans l'esprit
du « locavorisme » et du slow food a ouvert à
Saint-Alban Leysse. Il s'agit de Savoie Saveurs. La magasin est bien
agencé et présente une belle diversité de produits de qualité,
surtout pour tout ce qui est transformé (potages, confitures,
etc...). Evidemment, il semble difficile d'y faire toutes ses courses
car les prix ne se comparent naturellement pas avec du discount. Je
ne suis même pas sûre que ce soit le but, mais l'idée est bien de
toujours proposer davantage de local, de tisser des liens durables
avec des producteurs locaux et de toujours maintenir le goût de la
qualité. Un magasin plus un magasin plus un magasin de ce type, ça
augmente les chances de tomber dessus, de se dire pourquoi pas, de
pérenniser des activités riches pour tout le monde.
Leur site: http://www.savoiesaveurs.fr
Voici quelques temps, je vous avais
fait part de mon enthousiasme au sujet de l'exposition « La
fabrique du quotidien, art populaire alpin ». Loin d'être
passéiste, cette manifestation montrait bien l'ancrage, dans notre
région, de savoir-faire et d'un bon sens précieux. Terminée à La
Chataignière, soit à Yvoire en Haute-Savoie, cette exposition est
désormais visible grâce à une visite virtuelle largement financée
par les fonds publics (tiens tiens, mais on dirait que ça sert
finalement , les fonds publics, à retrouver et donc à maintenir des
liens sociaux).
Voir:
http://culture74.fr/visite-virtuelle/START.html
Une autre initiative intéressante:
l'exposition « De la veillée à la télé », qui
présente à Entremont-le-Vieux la vie quotidienne d'une famille
savoyarde en 1860. Evidemment, cela nous interpelle sur la vie
actuelle, c'est même fait exprès !, et en particulier sur le
rôle des media. Les images endurées ces derniers jours au nom de
« l'information en continu » peuvent laisser songeur sur
l'impact comparé en termes de violence continu et d'information
réelle. Les organisateurs ont de plus manifesté un souci pour la
préservation de l'environnement puisque les peintures des modules
sont en particulier sans solvant et une partie du mobilier de l'expo
provient de bois local.
A voir jusqu'en mai:
http://www.musee-ours-cavernes.com
Une fois n'est pas coutume, un coup de
projecteur sur l'herboriste désormais attitré de Chambéry, Yves
Yger, qui révèle au fil des saisons ses talents de comédien
soucieux de partager sa passion pour les plantes. Il a concocté un
riche programme de « Causeries botaniques » dont
vous pouvez retrouver les dates sur
http://www.delabotanique.com/Ev-nements.html.
J'en profite d'ailleurs pour donner aussi l'adresse du nouveau site
de son magasin : http://www.herboristeriedesavoie.com
Et puis lire Neige,
de Maxence Fermine, l'auteur de L'apiculteur.
C'est avec lui que je clos cette
chronique d'un temps pas jojo, mais beau, oui quand même beau :
« Ce printemps, Yuko tint
promesse et n'écrivit aucun vers.
Il se contenta de respirer le parfum
des pétales de fleurs du cerisier dans le jardin vert.
L'été, il respira les senteurs de
miel de la forêt sous le regard de la lune à la cime des montagnes.
Aux premiers jours d'orage, il
trouva une chanterelle dans la mousse près de la rivière.
Ce fut une année immobile et
parfumée.»
Allez... tout va
bien.
©Yolaine
de LocoBio,
27 mars 2012
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